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IMMACULÉE CONCEPTION


ont été traités avec le moins de critique et d’exactitude. Trop souvent on a allégué, sans jugement et pour ainsi dire au hasard, une foule de textes complètement étrangers au sujet, et l’on a rarement songé à préciser le sens littéral ou mystique qui faisait tout le prix des passages que l’on pouvait alléguer à bon droit, i Pour comprendre la justesse de cette remarque, il suffit de jeter les j’eux sur la liste, incomplète pourtant, des vingt-quatre passages signalé ? par Plazz « , Cama immaculatæ conceptionif :, Act. i, a. 2. Il en est qui n’ont aucun rapport objectif avec la conception ni même avec la personne de Marie ; ils n’ont pu lui être appliqués que par un singulier abus d’interprétation ou d’accommodation ; tels, Gen., i, 3 : Dixiiquc Deus : Fiat lux, et fada est lux ; Job., iii, 9 : Exspedet lucem, et non videat, nec ortum surgentis auroræ, texte appliqué au démon et à la Vierge, mais dont le sens est tout autre dans l’original ; Ps. Lxxiii, 12 : Deus autem rex noster anle ssecula operaius est salutem in medio terrw. Dans d’autres passages, comme Is., xi, 1 : Egredietur virga de radiée Jesse, et Luc, i, 49 : Fecit mihi magna, qui polens est, l’expression est trop générale pour légitimer une application déterminée au point précis de la conception sans tache. Plus importante est cette phrase, dite incidemment de Marie, Malth., i, 16 : dequa natus est Jésus, qui vocaturChristus ; elle peut contenir virtuellement l’immaculée conception, comme privilège propre à la mère de Dieu considérée d’une façon concrète et dans son être moral ; mais ni la notion concrète ni l’être moral de Marie mère de Dieu ne peuvent être déterminés par ce seul énoncé : de qua natus est Jésus. Restent deux groupes de textes qui méritent d’être examinés. Le premier comprend ceux qui sont communément invoqués par les défenseurs de l’immaculée conception et qui, de ce chef, peuvent être appelés les textes princijjaux : Gen., iii, 15 et Luc, i, 28, 42. Au second groupe se rattacheront les passages non seulement secondaires, mais considérés comme inefficaces par le plus grand nombre : textes des livres sapientiaux et autres, se rapportant surtout aux figures de la Vierge dans l’Ancien Testament ; texte de saint Jean relatif à la femme revêtue du soleil, Apoc, xii. Viendront en lin les témoignages opposés par les adversaires, jadis ou maintenant.

1° Textes principaux Gen., iii, 15 ; Luc, i, 28. — Ces deux textes se rencontrent à la base de l’économie rédemptrice : dans l’un, la première annonce ; dans l’autre, Taccomplissement. De là vient qu’en rapprochant les’leux termes, on obtient une lumière plus vive. Néanmoins un examen distinct, sinon indépendant, s’impose. 1. J.c Prolévangile. — Le verset communément désigné sous ce nom est encadré dans le passage du livre de la Genèse où Dieu règle en quelque sorte le roniple des personnages qui ont concouru à la chute ori’iinclle. Adam interpellé s’excuse sur Eve, qui lui a présenté le fruit défendu ; Eve s’excuse sur le serpent, qui l’a trompée. Tout cela étant vrai et menant llnalement au démon, comme instigateur et première cause responsable du mal, la sentence commence par lui : « Jéhovah dit au scrpent : Puisque tu as fait cela, maudit sois-tu entre tous les animaux et entre toutes les bêtes des champs ; tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie. » Ce qui s’applique au serpent, considéré comme instrument dont s’était servi Satan ; à ce dernier, pris en lui-même, convient le reste, parlie capitalede la sentence : Inlmlcilias ponam intcr te Et je mettrai des inimitiés r imilifrem, et scmen tuum entre toi et la femme, entre ri semm illiiis : ipsa rontcrct ton liRnafte et le sien : elle te cnpiit tuum. et tu insidiabroiera la tête, et tu p.s.^aicras IxTls calcanco ejus. de la mordre au talon.

a) Question textuelle et question exfgHique. — Le

texte hébreu diffère en plusieurs points du texte de la Vulgate. Au mot inimicitias correspond nais, ’êybûh, qui est au singulier. Le mot femme est précédé

de l’article déterminé, nrsn, ha’issâ. Différence plus

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notable, le pronom sin, hû’, correspondant à Vipsa, est au masculin et se rapporte, non pas à la femme, mais à son lignage, à sa descendance. Les Septante, personnifiant cette descendance ou traduisant le pronom par syllepse, ont mis, au lieu du neutre que demanderait le mot grec i-Jou.a, le masculin : aù-o’ç, qui se retrouve dans Vipse de l’Itala et de plusieurs Pères anciens. Enfin aux mots : conterct, insidiaberis,

répondent : qwi, qirr, yesûf, tesûf, dont la signification précise est contestée. La plupart interprètent les deux termes de la même façon, soit dans le sens d’observer, épier, comme les Septante : -T, prjcrî’.. Tïiprjas ;  ;, et l’Itala : servabii, servabis, soi !, plus habituellement, dans le sens de broyer, à la suite de saint Jérôme : Melius habet in hebrœo, Ipse conlcret caput tuum, et tu conteres ejus calcaneum. Liber qva^st. hebr., in h. t., P. L., t. xxiii, col. 943. Le sens serait alors : que la descendance de la femme broierait la tête du serpent, tandis que celui-ci n’infligerait qu’une légère blessure à son adversaire en l’atteignant au talon. Voii t. VI, col. 1209 sq. D’autres, par exemple, le P. de Hummelauer, Comment, in Genesim, Y>. 161, regardent le mot sûf comme susceptible d’une double acception, répondant à l’attitude diverse de l’homme et du serpent dans une lutte mutuelle, et s’en tiennent à la traduction de la Vulgate. La descendance de la femme broiera de son pied la tête du serpent, tandis que celui-ci essaiera d’atteindre son adversaire au talon. La divergence sur ce point n’afiecte en rien la valeur de la preuve qui sera proposée.

Les exégètes catholiques et beaucoup de protestants s’accordent à voir dans Gen., iii, 15, plus que la simple annonce ou l’injonction d’un antagonisme qui durerait désormais entre deux races, celle du serpent et celle de la femme ; il s’agit d’une inimitié d’ordre spécial, qui se projette dans l’avenir et que Dieu lui-même suscitera, comme un plan de revanche contre le démon : Quia fecisti hoc, makdictus es… et inimicitias ponam intcr te et muliercm, etc. Le résultat final sera la pleine défaite du serpent ; dégagée de la forme littéraire ou symbolique sous laquelle elle est énoncée dans le texte génésiaquc, cette défaite ne peut être que la ruine de l’empire diabolique. Voir t. VI, col. 1210. A s’en tenir à la lettre seule, on pourrait, suivant la remarque de plusieurs exégètes, se demander de quelle manière la victoire promise à la descendance de la femme serait réalisée : par tous les membres de la collectivité, ou autrement ? Que l’idée d’une victoire collective se soit iiréscntée à l’esprit de nos premiers parents, c’est une pure hypothèse ; en eût-il été ainsi, leur propre expérience de la vie les aurait promptement éclairés.

D’ailleurs, c’est mal poser le problème que de l’énoncer en ces termes : Quel sens Adam et Eve ont-ils attribué ou pu attribuer aux paroles divines ? Adressées directement au démon, ces paroles avaient un double caractère : celui d’un châtiment édicté et celui d’une annonce prophétique. Sous le second aspect, le Prolévangile intéressait assurément nos premiers parents et leur postérité : il fallait qu’ils comprissent assez la promesse pour y puiser l’espérance d’une revanche future, mais est-il nécessaire qu’ils en aient saisi expressément toute la portée ? « Restreindre la signification des anciennes prophéties à l’intelligence qu’en ont pu avoir ceux qui les ont entendu prononcer, c’est méconnaître l’économie de la divine Providence dans l’enseignement de la