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IIYPOSTATIQUE (UNION ;


d’ailleurs tout ce que l’histoire nous apprend du (Christ : « Ce n’est pas cette ixiiasedu Christ que nous renvoient les documents scripturaires. J.a glorification du Christ ressuscité n’est jamais représentée comme révélant à Jésus lui-même sa divinité. Elle est, pour les Onze et les autres discijjles, une preuve, un signe, un témoignage hors pair de la vérité de la mission du Maître. Le travail d’interprétation, attribué à son Esprit, s’opère en eux, non en lui. Dans tous nos Evangiles, non seulement (c’est trop évident) dans l'Évangile de Jean, mais dans les Sj’noptiques, Jésus est toujours représenté comme sachant d’où il vient, où il va, et les restrictions, les lenteurs, l'économie imposée à la manifestation de ce qu’il est, sont volontaires et réfléchies. » De Grandmaison, loc. cil., p. 206207.

c) L’influx divin. — « Parlant du mystère de la Trinité et observant justement que la notion de " personne » appliquée à ce mystère est fondée sur les relations des Termes divins, M. (Reinhold) Seeberg pense que la « divinité » de Jésus a été constituée par un influx, une énergie, ime sorte d' « idée force » divine, faisant, de l’homme Jésus de Nazareth, l’organe de Dieu, son instrument pour la fondation sur terre du royaume des cieux. Jésus n’eut d’autre personnalité que son humaine personnalité ; mais la volonté personnelle de Dieu collaborait de telle sorte avec la sienne, que la vie de Jésus devenait, en quelque manière, une seule chose avec la volonté personnelle de Dieu. » De Grandmaison, art. Jésus-Christ, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique de M. d’Alès, t. ii, col. 1395. Cette conception se rapproche beaucoup de l’antique hérésie de l’adoptianisme, que M. Seeberg traite d’ailleurs avec faveur. Lchrbuch der Dogmengeschichtc, Leipzig, 1913, t. ra, p. 53-58. Voir les idées christologiques de M. Seeberg dans son ouvrage, Die Grundwahrhcilen der christlichen Religion, Leipzig, 1910, et dans le mémoire, Wer war Jésus ? dans Aus Religion und Geschichte, Leipzig, 1909, t. ii, p. 226 sq. La conception de M. Loofs, dans ses articles Christologie, Kenosis, de la Realencijklopadie fur jirot. Théologie, et surtout dans la dernière lecture de What is Ihe truih about Jésus Christ ? p. 228-241, est plus vague encore : « La personne historique du Christ a été une personne humaine, seulement himiaine, mais enrichie, transformée par une inhabitation de Dieu ou de l’Esprit de Dieu, d’un caractère unique, qui restera inégalée à jamais et a fait de Jésus « le Fils de Dieu », révélateur du Père et initiateur d’une liumanité nouvelle. Un écoulement, une effusion, une inhabitation divine analogue, mais inférieure, sera le lot final de ceux qui sont rachetés par le Christ. » De Grandmaison, loc. cit., col. 1395. « En résumé, pouvons-nous conclure avec le même auteur, les théories " continentales » (il s’agit des théories émises ailleurs qu’en Angleterre) des protestants conservateurs abandonnent carrément ce que l'Église catholique a toujours considéré comme la pierre d’angle du dogme de l’incarnation. Pour les auteurs (qu’on vient de citer) et ils font autorité dans leurs Églises, la personne de Jésus ne fut qu’une personne humaine. Un influx, un don, une effusion de l’Esprit de Dieu survint, analogue à l’inspiration prophétique, mais d’une espèce plus haute, d’une richesse plus large, et ainsi créatrice de prérogatives plus singulières. Jésus est un homme divinisé, d’une façon mystérieuse, mais capable de lui conférer la dignité de « Fils de Dieu » et les pouvoirs conséquents que nous connaissons par les Écritures. A proprement parler, il ne faudrait pas dire : « la divinité du Christ », mais « la Divinité dans le Christ ». Pour bien faire, il ne faudrait plus adorer le Christ, mais Dieu dans le Christ, col. 1395.

Ces indications, trop sommaires pour donner une idée de la christologie protestante contemporaine, qui sera étudiée à Jésus-Christ, sont néanmoins suffisantes en ce qui concerne le point précis de l’union hypostatique. A sacrifier les formules traditionnelles, les protestants en arrivent linalement à nier complètement, sinon le mystère de l’incarnation, du moins le dogme catholique de l’union hypostatique.

7 » Le modernisme. — On a vu à Hypostase, col. 432, comment le modernisme reprend les formules rationalistes de l'école gûnthérienne relativement à l’exl )ression à donner au dogme. Mais le rationalisme <iui est à la base de cette conception a trouvé chez les modernistes une formule nouvelle qui est à la base de tout le système. La révélation, pour le moderniste, n’est plus, à l’origine, qu’un étal subjectif et naturel, une impulsion, une lumière relatives au royaume du ciel, à sa nature, à son avènement. Sur ces données imprécises, la conscience chrétienne élabora les premières formes du dogme, et ce travail tout naturellement se porta sur la personne même du Christ : » Les Actes, dit II programma der modernisti, p. 81-83, se faisant l'écho de l’enseignement chrétien primitif, décrivent Jésus comme un homme auquel Dieu a rendu témoignage par les miracles, les prodiges, les signes qu’il a opérés par son entremise. Act., II, 22. Il est le Messie ; sa mort ignominieuse lui a conféré la gloire céleste et il doit revenir pour inaugurer son royaume. Voilà la foi naïve et intense des liremiers disciples. Mais le Christ a appelé les membres de la famille humaine fils de Dieu et s’est donné comme leur modèle. Il est le Fils de Dieu par excellence, d’après la synonymie que la tradition messianique établissait entre ce titre et celui de Messie… Mais re qui marque le point culminant de cette élaboration, c’est la traduction du concept hébraïque du Messie par le concept platonicien du Logos ; c’est l’identification du Christ, tel qu’il était apparu aux âmes attendant dans l’angoisse la rédemption d’Israël, avec la notion abstraite, gennée en terre hellénique de l’intermédiaire cosmique entre l'être suprême et le monde ; c’est la transcription, pourrait-on dire, de la valeur morale et religieuse, inhérente à une conception hébraïque, inintelligible pour le monde gréco-romain, en langage alexandrin, lui conservant ainsi la même valeur éthique et religieuse », p. 70 sq. Le dogme de l’incarnation et a fortiori le dogme de l’union hypostatique ne sont ainsi que le résultat des élaborations successives de la pensée chrétienne réfléchissant sur elle-même. Les formules dont l'Église s’est servie, se sert encore actuellement, pour exprimer sa croyance, ne sont pas des énoncés irréformables : elles ne sont que l’expression plus ou moins heureuse des expériences religieuses des chrétiens ; et il faut les considérer comme « soumises à un travail perpétuel d’interprétation, où la lettre qui tue est efficacement contrôlée par l’esprit qui vivifie… L'évolution incessante de la doctrine se fait par le travail des individus, selon que leur activité réagit sur l’activité générale. » Loisy, L'Évangile et l'Église, p. 158, 174. Sur cette conception générale de l'élaboration des dogmes dans la théologie moderniste, voir le décret Lamentabili, prop. 20 « , 21, 22', Denzinger-Bannwart, n. 2020-2022. Cf. J. Lebreton, Modernisme, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique de M. d’Alès, t. iii, col. 675-685, et Mgr H. Quilliet, L'évolution et le modernisme, § 2 et 3, dans les Questions ecclésiastiques, , p. 219 sq., 325. D’où il suit que les formules christologiques élaborées avec des notions empruntées à des systèmes philosophiques périmés ne sont plus adaptées à l'état de la science moderne. Voir Hypostase, col. 433.

Au début, le dogme de l’union hypostatique se