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HYPOSTATIQUE (UNION ;


nie la divinité du Clirisl et explique par l’illusion personnelle de Jésus, par la négation des paroles attribuées parl’Évanpileà Jésus, pardes infiltrations étrangères dans la rédaction des livres inspirés, et par mille autres hypothèses aussi peu adniissibles, le fait historiquement rapporté des alfirmations touchant la divinité du Messie. Sur les interprétations rationalistes de la vie et de la personne du (Jirist, voir Jésus-Chkist. Nous ne pouvons évidemment considérer ici que les doctrines maintenant les deux termes extrêmes de l’union hypostatique, l’élément divin et l’élément humain en Jésus. Ces deux termes ne sont niés ni par les protestants conservateurs, ni même par les libéraux. Mais les premiers prétendent admettre sans restriction la personnalité divine de Jésus, tandis que les autres se tiennent sur un terrain doctrinal moins assuré et plus mouvant. Tous d’ailleurs rejettent les formules d’Éphèse et de Chalcédoine. La christologie orthodoxe trouve à peine un protestant instruit pour la défendre dans sa forme traditionnelle. Cf. Fr. Loofs, Wliat is the truth about Jésus Christ, Edimbourg, 1913, p. 184. Le dogme défini à Chalcédoine n’est de nature, dit-on, à satisfaire ni le cœur ni la tête. Kirpatrick, dans Dictionary of Christ and the Cospel, 1906, t. I, Incarnation, p. 812 ; cf. Mackintosh, The doctrine of thepcrson of Jésus Christ, Edimbourg, 1912 ; W. Sanday, Christologies, Oxford, 1910, p. 54-55. Rejetant les formules catholiques de l’union des deux natures en une seule personne, tout en prétendant en maintenir le sens dogmatique, les protestants ont dû trouver des systèmes plus en rapport avec la philosophie moderne. La définition de la personne jjar la conscience de soi jouera ici un grand rôle. VoirHYposTASE, col. 431.

1. Le protestantisme libéral.

Le protestantisme libéral se rapproche du rationalisme, en ce sens qu’il ne reconnaît pas en Jésus-Christ un être divin proprement dit. Dieu, Jésus ne l’est pas ; mais, grâce aux effusions incomparables des faveurs divines dans son âme, il s’est élevé à un degré de perfection inégalalde par les autres hommes, et, par rapport au Christ, définitive. C’est par ce concept de perfection surhumaine, due à l’influence de la grâce divine, que le protestantisme libéral d’un Auguste Sabatier se différencie du pur rationalisme. Jésus a été la parfaite image du Père, et « voyant Dieu son Père dans le miroir filial de la plus belle âme qui fut jamais, conscient de le connaître et de l’aimer plus et mieux que ceux qui l’entouraient, indigné du rigorisme littéraliste que les Pharisiens imposaient aux hommes sous couleur de garder la Loi, sentant en lui-même une force et une ardeur capables de changer le monde, le Maître Nazaréen a pu sans blasphème dire ce que les Évangiles lui font dire et prendre les attitudes qu’ils lui prêtent… Jésus n’a été qu’un homme, mais l’homme dans le cœur duquel s’est révélé le plus complètement le cœur paternel de Dieu. » Ainsi résume la position de Sabatier, dans l’art. Jésus-Christ, du Dictionnaire apologétique de la foi catholique de M. d’Alès, M. de Grandmaison. Cette explication de l’élément divin en Jésus-Christ a été reprise et accentuée par M. Harnack. Conscient de sa haute valeur personnelle, Jésus, dans la pensée de M. Harnack, s’est donné aux hommes pour le médiateur universel, le juge suprême et le consolateur de l’humanité. La communication qu’il faisait de ses dons aux hommes manifestait, à la lumière des expériences quotidiennes, la gloire que le Père lui avait donnée et la puissance dont il l’avait comblé. L’essence du christianisme, trad. franc., 1907, p. 176. On trouvera dans l’article de M. de Grandmaison des indications suffisantes relativement à cette thèse, admise par MM. Wernle, Die Anfànge unserer Religion, Tubingue, 1904 ; Julicher, Die Religion

Jesu, dans la collection Die Kultur der Gegenwart, Leipzig, 1906, t. i, fasc. 4 ; W. Boussct, Jésus, dans la collection des Religionsgeschichlliche Volksbûcher, Tubingue, 1904 ; A. Meyer, Jésus, dans Unscre religiôsen Erzieher, Leipzig, 1908, t. i ; W. Heitmiiller, Jésus, Tubingue, 1913 ; II. Weinel, Jésus, dans la collection Die Jilassiker der Religion, Berlin, 1912, etc. Il nous suint présentement de retenir la doctrine esquissée par ces différents auteurs pour la juger en fonction du dognie catholique de l’union hypostatique. Qu’ils le veuillent ou non, les protestants libéraux sont obligés de faire de Jésus-Christ, à l’instar des rationalistes, un prophète, plus grand, meilleur, plus inspiré que ses prédécesseurs, mais à coup sûr homme comme eux et tout autant qu’eux. L’union de cet homme avec la divinité s’explique simplement par la grâce céleste qui inonde son âme et lui communique des dons extraordinaires. C’est dans ce sens qu’ils sont obligés d’interpréter les textes, rapetissant la figure de Jésus à des proportions simplement humaines. Objectivement, la personne du Sauveur n’apparaît plus en réalité, dans ce système, composée de deux éléments essentiels, l’un divin, l’autre humain ; mais elle est toute absorbée dans l’humanité, l’élément divin étant constitué par une faveur, une grâce extrinsèque, en somme, à la constitution intime de Jésus. Nous retombons ainsi dans le nestorianisme. Ou bien, s’ils veulent éviter cette conclusion funeste pour la divinité du Sauveur, les libéraux sont obligés de voir en Jésus une transcendance véritable. Mais, ne voulant pas aller jusqu’au bout des conclusions où devrait les amener la logique, ils se refusent à suivre les catholiques jusque dans la confession des deux natures en une personne, ils font du Christ une personnalité d’un genre particulier. Ainsi le Messie nous apparaît comme dépassant l’humanité sans toutefois arriver à égaler la divinité. Compromis qui se rapproche singulièrement des anciens concepts ariens, apollinaristes et monophysites. Tant il est vrai que, lorsque l’on abandonne la voie traditionnelle, il faut nécessairement tomber dans les excès que la tradition catholique a précisément rejetés.

2. Le protestantisme conservateur.

On prétend ici sauvegarder la divinité même du Verbe unie à l’humanité de Jésus, mais on veut en expliquer l’union ineffable, en se dégageant des voies tracées à Éphèse et à Chalcédoine. Trois systèmes principaux sont en présence : la kénose, la subconscience, l’influx divin. Ici encore, il est intéressant de voir comment les erreurs modernes ne sont que la reproduction des anciennes conceptions hérétiques.

a) La kénose. — On étudiera ce système en un article spécial. Présentement, nous n’en dirons que ce qui se rapporte immédiatement à la question de l’union hypostatique. Le principal appui du système est le texte aux Philippiens, ii, 7. On en discutera le sens à l’art. Kénose. Mais ce texte n’est qu’un appui ; en réalité, il n’est pas à la source de la doctrine de la kénose. L’origine première de la kénose est la difficulté de concevoir deux natures complètes unies en une seule et même personne. Parmi les solutions données à ce problème (lequel est en réalité le problème de l’union hypostatique), une des solutions possibles était de concevoir une des deux natures amoindrie afin de pouvoir être complétée par l’autre et former avec elle un tout unique. Cet amoindrissement équivaut à un véritable dépouillement, à une kénose. La kénose est donc au fond de la théologie christologique d’Arius, voir col. 468, d’Apollinaire, voir col. 469, et, en général, des monophysites, voir col. 477. La doctrine de l’ubiquisme, voir col. 542, contribua beaucoup à introduire le système de la kénose dans le protestantisme. Dans l’état d’humiliation, c’est.