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HYPOSÏATIQUE (UNION)


Après avoir rappelé sur quelles autorités patristiques les tenants de cette opinion appuyaient leur doctrine, Pierre Lombard conclut en montrant cjuc l’union personnelle du Verbe et de cet homme qui est en Jésus-Christ est l^ résultat de la grâce, et non de la nature ou des mérites de l’homme, uni au Verbe de Dieu.

Les autorités dont se réclament les partisans de cette opinion sont toutes, sauf une, empruntées à saint Augustin. Mais les textes de l’évêque d’Hippone ne signifient pas qu’en Jésus-Christ l’homme ait été un sujet distinct du Verbe. Saint Augustin affn-me simplement, ce qui est la doctrine traditionnelle, que le Verbe fait chair est à la fois le Fils de Dieu et le fils de l’homme. De Trinitate, t. XIII, c. xix, P. L., t. XLii, col. 1033, mais il nie précisément que ce soient là deux fils : ncc duo filii, Deus et hnmo. Enchiridion, c. xxxviii, P. L., t. xl, col. 251 ; cf. c. xxxv, col. 249. Quant à la double substance, geminam substantiam, du Christ, In Joonnis Evangelium, tT. LXXVIII, n. 3, P. L., t. xxxv, col. 1836, le mot substance est pris dans le sens de nature, selon la formule traditionnelle employée en Occident depuis Tertullicn : substanlia ne saurait ici être pris dans le sens de persona ; ce sens est positivement exclu par saint Augustin lui-même, Serm., cxxx, n. 3, P. L., t. xxxviii, col. 727 : les partisans de la première opinion rapportée par Pierre Lombard ont certainement compris saint Augustin à travers la définition que Boèce a donnée de la personne : subslaniia y étant employé avec le sens de subsislentia. Voir Hypostase, col. 393. L’expression : ilte bomo, dont se sert saint Augustin, De preedeslinatione sanctorum, c. xv, n. 30, P. L., t. XLiv, col. 981, pour rappeler qu’en tant qu’homme, Jésus-Christ n’a pu mériter la grâce de l’incarnati.n, n’a rien qui doive surprendre. Cet homme est un nom se rapportant à la personne même du Verbe incarné et ne désigne pas l’homme séparé de l’hypostase du Verbe ; eel homme n’a pu mériter la grâce de l’incarnation, parce que, dès l’instant où déjà on pouvait le désigner ainsi, l’incarnalion était accomplie..Saint Thomas ne parle pas autrement dans la Somme théologique, 111 », q. ii, a. 11. Enfin, les passages où saint Augustin compare la grâce qui fait le chrétien à la grâce qui fit l’Homme-Dieu, De prædestinationc sanctorum, loc. cit., et De Trinitate, t. XIII, c. xvii, n. 22, P. L., t. xlii, col. 1031, ne signifient pas que l’union doive être conçue dans l’incarnation comme une union de pure bienveillance, dans le sens où Nestorius l’admettait, contre l’union physique et naturelle de saint Cyrille d’Alexandrie, mais, comme l’explique encore saint Thomas, loc. cit., a. 10, comme une union purement gratuite, que nul mérite n’a précédée. Quant au dernier texte rapporté par le Maître des Sentences, et qui est de saint Ililaire, De Trinilutc, t. X, n. 57, P. L., t. x, col. 389, il alfirmc simplemt nt, selon la doctrine trad.lionnelle, et selon la doctrine maintes fois professée par l’évèciue de Poitiers, cf. I. IX, n. 3, 14 ; t. X, n.22, 23, col. 282, 293, 359,.361, que le Christ est à la fois le Verbe de Dieu et le fils fie l’homme, composé d’un corps et d’une âme ». Aucun de ces textes ne signifie que dans le Christ il y ait deux individus, ou bien, pour s’exprimer comme saint Thoma> le fait en résumant cette première opinion de sis contemporains ou prédécesseurs immédiats, d( ux hyposlascs en une personne.

La troisième opinion rapportée par le Maître des Sentences est destructive, plus encore que la première, de l’union substantielle dans le Chri.st, Dieu et homme à la fois. Ses partisans ont eu en vue d’assurer a la fois l’unité de personne en Jésus-Christ et l’immulabilité de la Trinité divine. Pour maintenir l’unité jiersonnelle en Jésus-Christ, unité bien compromise

DICT. DE THÉOI.. r.ATIIOL.

si l’on s’en tient à la première formule d’une personne en deux sujets ou hypostases, les partisans de cette troisième opinion conçoivent l’humanité du Christ comme formée, mais non composée, d’âme et de corps. Dans l’incarnation, non seulement, il n’y a pas composition des deux natures divine et humaine, mais le Verbe s’est uni directement à l’âme et directement à la chair, de façon que l’âme et la chair ne sont pas unies substantiellement entre elles pour former un individu humain. Jésus a donc tout ce que nous avons, mais selon un autre mode. Le Verbe possède à la fois l’âme humaine et le corps humain, qu’il élève à l’unité de sa personne divine, mais sans qu’aucun lien substantiel fasse de l’âme et du corps une substance individuelle. Ainsi, le Christ, en tant qu’homme, n’est pas même aliquid, mais simplement alicujus, tout en maintenant la réalité de son âme et de son corps : ainsi, aucune dualité de sujet, et partant de personne, n’est concevable en lui. Mais, d’autre part, l’union qui existe entre le Verbe d’une part, et l’âme et le corps d’autre part, doit être comparée à un simple revêtement. Dieu le Verbe, en prenant notre humanité, n’a pas ajouté à la Trinité une quatrième personne, ni un élément substantiel nouveau : la personne même du Verbe, qui subsistait auparavant sans revêtement humain, prenant ce revêtement dans l’incarnation, n’a subi en elle-même aucune division, aucun changement : elle est demeurée identique et toujours semblable à elle-même. Et la raison dernière de cette immutabilité est que, précisément, il n’y a pas entre le Verbe et son humanité, ou plutôt les deux éléments de cette humanité, d’union substantielle, au sens strict du mot, mais qu’il n’existe qu’une union extrinsèque, accidentelle, comme celle du vêtement vis-à-vis de celui qui en est revêtu.

Cette opinion étrange s’appuie principalement sur l’autorité de saint Augustin, tout comme la première opinion. Laissant de côté, comme ne comportant pas les conclusions qu’on en veut tirer, les textes où saint Augustin affirme simplement (ce que la doctrine catholique nous oblige expressément à confesser) que l’incarnation n’a amené dans la Trinité et dans le Verbe de Dieu aucune modification, aucune mutation, il sufiira de rétablir la véritable portée du commentaire de l’évêque d’IIipjione sur Phil., ii, 7, dont est tiré le principal argument en faveur de la thèse du revêlenieiit. L’apôtre avait écrit : et hahilu inventas est ut homo. Après avoir exposé quatre genres difl’érents selon lesquels nous pouvons posséder une qualité ou une chose, saint Augustin, comme terme de comparaison pour expliquer l’incarnation, s’arrête de préférence au troisième, qui est précisément celui du vêtement. Mais ce n’est qu’une comjiaraison et saint Augustin nous avertit lui-même que l’expression indutus est, dont il se sert, doit être entendue d’une union non pas accidentelle et extérieure, mais substantielle et intime. Voir Augustin (Saint), 1. 1, col. 2366. 2. Réponse de la théologie catholique.

Cette, réponse, dans ses formulas didactiques, portera sur trois points de doctrine, attaqués ou déformés dans la présente controverse : a) Dans le Christ, il y a eu une véritable union substantielle dr l’âme et du corps. — Le Christ a été fait semblable aux autres hommes, Phil., II, 7, donc il a eu la nature humaine, et la nature humaine n’existe quc lorsque l’âme est uni subslantielknient au coips. La doctrine contraire n’est pas une o))inion libre, c’est luie xéritable hérésie. Voir S. Thomas, Sum. Ilieol., III", q.n, a. 5 ; cf. q. xvi, a. 1 ; In y V Sent., I. III, dist. VI, q. iii, a. 1 ; Contra gentes, I. IV, c. xxxvii. Si le Christ a » ris la nature humaine, c’est en raison du salut des hommes, qui semble exiger que le Sauveur fût homme lui-même, Sum. theoL, III", q. IV, a. 1, devant être, comme homme, le

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