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HYPOSTATIQUE (UNION)


maille en Jésus-Christ comme en tout liomme, afin de mieux réfuteile docétisme et l’apollinarisme. Leur formule est donc orthodoxe, mais elle reste ambiguë : elle fournit même positivement une arme à l’erreur en plaçant sur la même ligne logique la substance complète de la nature divine et les substances incomplètes de la nature humaine. Une telle façon de s’exprimer est contraire à l’exactitude du langage.

On ne peut nier cependant que l’usage de cette formule ambiguë se retrouve parfois dans la liturgie et chez les docteurs scolastiques. Le mot « substance », appliqué à notre seul corps, se lit dans la préface de l’Epiphanie : cum unigenilus tuus in substanlia noslrse morlalitalis apparaît ; dans l’oraison de la messe au jour octave de l’Epiphanie, in substanlia noslrse carnis apparaît ; bien plus, l’expression duplex substanlia emploj’ée pour désigner l’âme et le corps se lit dans l’hymne Adoro te : quibus sub bina specie — - carnem dedil et sanguinem — ut duplicis subslantiae — totum cibarel hominem. Saint Bonaventure, de son côté, n’hésite pas à attribuer trois substances au Christ, In IV Sent., t. III, dist. II, a. 1, q. ni. Saint Thomas adopte aussi, en re..pliquant, cette façon de parler. Conl. génies, t. IV, c.xxxiv ; In IV Sent., h III, dist. VI, q. i, a. 2. Quant aux expressions homo deiftcus et Deus humanatus que rejette le concile, il faut reconnaître que. malgré le sens ortliodoxe cju’on peut leur attribuer. elles prêtent à confusion. La première pourrait laisser entendre qu’il s’agit d’une déification par la grâce ; la seconde qu’il n’y a entre Dieu et l’humanité en Jésus-Christ, qu’une union morale : celle-ci a toutefois été employée par saint Cyrille d’Alexandrie. Apologel. pro XII capilibus, anath. i, P. G., t. lxxii, col. 396.

La théologie adoptianiste.

Il s’agit ici uniquement

de la controverse adoptianiste du viiie siècle, qui prépare sans doute les controverses du xii « , mais que, dans l’ordre logique des doctrines, il faut rappeler brièvement avant d’étudier le dogme de l’union hypostatique au moyen âge. Cette controverse a été exposée, t. i, col. 403-413. Comme on l’a dit, col. 409, c’est pour avoir voulu rattacher la iilialion à la nature et non à la personne que les adoptianistes sont tombés dans l’erreur. Quelle opposition cette hérésie comporte-t-elle vis-à-vis du dogme de l’union hypostatique ? La filiation, étant une dénomination qui convient à la personne et non à la nature, ne peut être attribuée qu’à la personne même de Jésus et non à sa nature humaine : il est donc exact de dire que Jésus-Christ, en tant qu’homme, est le Fils naturel de Dieu, et non pas son Fils adoptif : le terme homme désignant ici la personne et non la nature de Jésus-Christ. Les évêques espagnols, partisans de l’adoptianisme, étayaient leur doctrine erronée principalement sur la sainte Écriture. Voir col. 408. Mais la spéculation tbéologiquc n’est pas absente de la controverse engagée contre eux. Voir col. 411. Au fond, l’adoptianisme aboutit au nestorianisme ; bien que ses adeptes se soient vivement défendus d’accepter pareille hérésie, bien qu’ils aient évité même d’employer des expressions philosophiquement fausses, il ne faut pas hésiter à tirer les conclusions des prémisses posées par eux. Ces conclusions sont celles-là mêmes que saint Thomas fera ap|iaraîtrc des thèses adoptianistes du -xiie siècle : négation de l’union substantielle du Verbe et de la nature humaine ; distinction, en Jésus-Christ, de l’hyfHistase et de la personne : dan.s le Christ, dont pliphand afilrme l’unité de personne, il faut distinguer celui par qui Dieu a créé les choses visibles, qui est fils par génération, par nature, et celui qui est né de la Vierge, qui est lils par grâce et par adoption. P. L., l. x( ; vi, col. 880 ; cf. t. ci, col. 1.327. Le dualisme d’Tilipliand est accentué par Félix d’Urgel, voir ÉUPHAND DE Tolède, t. iv, col. 2339. Les réfutations

de l’adoptianisme par le B. Alcuin fournissent a ce dernier l’occasion de promulguer à nouveau, dans cette époque de transition, la foi catholique au Christ : umis idemque Deus, unus idemque homo ; unus idemque Filius Jésus Christus. Gemina enim naliuitas geminam uni Christo dc.dit naturam. Aduersus Felic^m, t. I, n. IC). P. L., t. CI, col. 135.

L’adoptianisme accuse une parenté étroite avec le nestorianisme. Les adoptianistes, dit Schwane, Histoire des dogmes, t. iv, p. 359, sont par rapport aux nestoriens dans la même situation que les monothélites par rapport aux monophysites. Les monothélites affirmaient l’unité de la volonté, et prétendaient avec cela ne pas enseigner l’unité de nature. De même, les adoptianistes soutenaient la dualité de la filiation dans le Clirist et pensaient ne pas établir par là lu dualité de personnes. Ils ne voulaient donc pas au commencement renouveler simplement le nestorianisme ; mais, en voulant attacher à tort une importance spéciale à la différence entre les deux natures dans la dénomination de Notre-Seigneur, ils furent par le fait poussés à séparer, comme les nestoriens, les deux natures de Jésus-Christ en deux personnes. Ils se trompèrent par conséquent sur la comniunicatio idiomatum, cette question sur laquelle il est si facile de se tromper dans un sens ou dans l’autre. Cette parente doctrinale de l’adoptianisme et du nestorianisme dérive-t-elle d’une influence directe de Théodore de Mopsueste sur Éliphaud de Tolède et Féli.x d’Urgel’.' L’affirmative a été soutenue par Xéander, Jacob !, Dogmengeschichle, Berlin, 1857, t. ii, p. 26 sq. Il est possible aussi que l’ancien priscillianisme, condamné au concile de Braga de 563, voir Denzinger-Bannwart, n. 233, 234, ait eu une influence lointaine sur ces erreurs. Voir Dôllinger, Sektengeschiclite des Mittelalters, Munich, 1890, t. i, p. 54 sq.

Quoi qu’il en soit de l’hypothèse émise par Néaiider et Jacobi, il n’en est pas moins certain que l’adoplianisme du vii.’e siècle établit une ligne de continuité doctrinale entre la grande hérésie de l’Orient, combattue par saint Cyrille, et les erreurs de l’école d’Abélard, au xiie siècle, timidement reproduites par le Maître des Sentences et réfutées victorieusement par saint Thomas d’Aquin au xiii"^. L’adoptianisme du vine siècle contient déjà, sauf les formules précises et didactiques qu’y apportera la scolastique, tout le problème christologique qui se posera plus tard entre les partisans des opinions rapportées par le Maître des Sentences et la théologie cathoUque.

VII. La THÉOLOGIE scol.ASTiQUF.. — La théologie scolastique se rattaclie logiquement, en ce qui concerne le dogme de l’union hypostatique, aux controverses adoptianistes du viiie siècle, dont nous trouvons des échos au xii° siècle, dans l’école d’Abélard. Sans doute, la tradition catholique, en face de l’erreur, se trouve représentée d’un façon continue. Mais l’œuvre proprement scolastique du début est une controverse dogmatique, un choix entre les opinions courantes dans les écoles. Ces opinions, le Maître des Sentences n’ose pas encore leur donner la note Ihéologique qui leur convient, mais saint Thomas se prononce déjà catégoriquement et qualifie d’hérétiques certaines « opinions » qui avaient cours au siècle précédent. Ce premier travail d’élimination fait, la théologie scolastique entreprend l’exposé didactique de la doctrine cathofique touchant l’union hypostatifjue : sur ce point, elle n’apporte guère d’éléments nouveaux et se contente de synthétiser la doctrine et les formules des Pères de l’Kglise ; son originalité consiste surtout à envisager certains problèmes anciens sous un aspect nouveau, et à faire ressortir davantage les caractères de l’union hypostatique et à I pousser plus avant l’analyse de l’élément formel