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HYPOSTATIQUE (LNION


des explications qu’ils tentèrent de formuler sur un sujet où ils prétendaient bien sauvegarder le dogme révélé, alors qu’en réalité leur théologie corrompait le dogme et ruinait la révélation. Il convient donc, avant d’aborder l’aspect catholique de la théologie naissante du dogme de l’union hypostatique, de rappeler brièvement les écarts de la théologie hétérodoxe. Ce double aspect du problème devant, d’ailleurs, être touché en des articles spéciaux, on n’en envisagera ici que les lignes générales, dont le rappel est nécessaire pour l’intelligence des discussions théologiques postérieures.

La théologie hétérodoxe de l’union hypostatique.


1. La théologie monophysitc. — La théologie monophysite, préoccupée avant tout de réfuter ceux qui « divisent le Christ », et d’aflirmer l’unité du sujet en Jésus-Christ, excède, soit dans les comparaisons dont elle se sert pour désigner l’union intime de l’économie, soit dans les affirmations positives relatives à la constitution essentielle du Christ, dans le sens de l’unité de personne. A proprement parler, l’hérésie apollinariste est la première qui procède d’une fausse déduction théologique ; la christologie de l’arianisme, en effet, est une simple conséquence de l’hérésie trinitaire. Voir col. 468.

a) L’apoUinarisme, au contraire, pai’t, en christologie, du dogme incontestable de l’unité substantielle de Jésus-Christ. Or, deux êtres complets, en s’unissant, ne peuvent former un tout substantiel. Donc, Jésus n’est pas un sujet résultant de l’union de Dieu xéXsto ; à l’homme également xû.v.ok On le voit, dans ce raisonnement, le moyen terme est d’ordre rationnel ; la déduction qu’on fait des prémisses posées est donc spécifiquement une conclusion théologique, laquelle, doctrinalement, est non seulement fausse, non seulement erronée, mais, par suite de son opposition avec le dogme de l’humanité parfaite de Notre-Seigneur, une véritable hérésie. Mais ici, l’hérésie est le résultat d’une mauvaise théologie. Suppression de l’âme raisonnable, conception trichotomiste de l’humanité, unité de nature en Jésus-Christ : telles sont les hérésies que contient en germe la fausse déduction théologique de l’apoUinarisme. La comparaison dont se sert l’apolUnarisme pour exprimer son erreur est significative. C’est la comparaison de l’union de l’âme et du corps : de même que l’âme s’unit au corps pour former un seul sujet, l’homme, de même le Verbe s’unit à la chair animée pour former le Christ. Entendue dans le sens appollinariste, cette comparaison, qui deviendra célèbre sous la plume des docteurs orthodoxes, indique bien le vice du raisonnement théologique d’Apollinaire. L’àme et le corps sont distincts l’un de l’autre, et nonobstant cette distinction, ne forment qu’une seule substance, une seule nature, dans leur union. De même le Verbe et la chair animée sont distincts sans confusion, en Notre-Seigneur Jésus-Christ, mais leur union constitue une nature physique unique. Voir De unione, n. 5, Lietzmann, p. 187 ; cf. Fragm., lxix, lxx, p. 220 ; lxxii, p. 221 ; Lxxiv, Lxxv, p. 222 ; lxxxix, p. 227 ; cxix, p. 236 ; cxxvi, p. 238 ; cxxix, cxxxiv, p. 239 ; oxxxv, p. 240 ; Tomus synodalis, fragm., p. 263, où cette doctrine, si elle n’est pas toujours explicitement proposée, est toujours implicitement supposée. C’est de la même façon qu’il explique la formule ma çûatç tou Aoyou a£(3apxw[j.£vr|. Ad Jovianum, n. 1, p’. 250-251.

b) L’eutycliianibine proprement dit n’a pour ainsi dire pas de théologie : il est tout entier constitué par les affirmations d’un moine têtu et peu instruit, et ne comporte pas de raisonnements bien caractérisés. L’hérésie d’Eutychès, voir ce mot, fut d’affirmer une seule nature en Jésus-Christ, nonobstant l’union du

Verbe à iliumanité : d’où, le corps de Jésus ne nous est pas consubstanliel. Voir t. v, col. 1591. Mais rien de précis dans les affirmations de l’hérésiarque ne nous permet d’attribuer un sens bien déterminé aux formules qu’il emploie. Voir col. 1592-1596. C’est encore un monophysisme purement dogmatique que nous offre VHenolicon de Zenon, inspiré par Acace de Constantinople. Voir t. i, col. 288-289. Rejetant le concile de Chalcédoine, ce document affirme l’unité de Jésus-Christ, consubstantiel à Dieu par sa divinité et à nous par son humanité ; il condamne aussi bien Eutychès que Nestorius, mais rejette les formules de Chalcédoine et passe sous silence les deux natures. Voir t. VI. col. 2153-2178.

D’autres doctrines monophj’sites, dérivées de l’eutychianisme par opposition au concile de Chalcédoine, ou même déjà existantes avant Eutychès, plus complètes dans leurs déductions que les affirmations du vieil archimandrite, présentent un caractère théologique qu’il convient de signaler. Elles prétendent sauvegarder en fait l’unité substantielle du Christ, mais, sous plusieurs formes différentes, con^’iennent que la chose n’est possible qu’à la condition de donner au Christ une seule nature, qui englobe à la fois la divinité et l’humanité. Ces monophysites adoptent pleinement le principe apollinariste : un être complet est non seulement une nature complète, mais une nature subsistante, ayant son existence de sujet individuel ; aucune distinction, même de simple raison, entre la nature concrète, individuelle, et l’hypostase. D’où, au point de vue philosophique, identification absolue de çjcr ;  ; et d’G-ocj-aa ; ç. Quant au terme r.ç, 6ç'j>r.ùv, personne, il est parfois le synonyme d’G7 : ocTaciç, voir Lebon, Le monophysique sévérien, Louvain, 1909, p. 242 sq., mais ordinairement il est peu employé, par crainte du nestorianisme. Voir Tixeront, op. cit., t. iii, p. 119, note 1. Eutychès avait erré en niant la consubstantlalité du Christ avec nous dans sa chair. Mais parce qu’Eutychès n’avait pas expliqué pourquoi et comment le corps du Christ n’était pas de même nature que le nôtre, son assertion fondamentale devait nécessairement recevoir des explications divergentes. On saisit immédiatement l’aspect théologique des déductions imaginées pour rendre acceptable le sjstème monophysite. Voir Eutychès, col. 1602. Grâce à l’intervention de la théologie monophysite, nous nous trouvons en présence de doctrines variées : théorie de l’absorption de l’humanité par la divinité ; théorie de l’évanouissement du Verbe dans l’humanité ; théorie de la métamorphose réelle du Verbe en chair ; théorie de la métamorphose apparente du Verbe en chair ; théorie du mélange ; théorie de la composition en tout naturel ; théorie de l’origine céleste du corps du Christ ; théorie de l’aphthartodocétisme, ou de la non-passibilité naturelle du corps du Christ. Voir Gaianites, t. t, col. 999-1022. Dans tous ces systèmes, la déduction théologique est à la source de l’hérésie. Sur la théologie monophysite actuelle de l’Église copte, voir G. Macaire, L’Église copte, Le Caire, 1893, 11^ partie, Le Christ Emmanuel. Voir Monophysite (Église). Sur l’Éghse jacobite, voir F. Nau, Dans quelle mesure les jacobites sont-ils monophysites ? dans la Revue de l’Orient chrétien, t. x (1905), p. 113 sq.

c) C’est encore la théologie qui est à l’origine du schisme et de l’hérésie des sévériens. Voir Eutychès, col. 1598-1601. Il ne s’agit plus ici toutefois de déduction théologique, mais de terminologie. Les docteurs sévériens « se croyaient acculés à l’acceptation de la christologie nestorienne, s’ils adhéraient à la doctrine dyophysite. Et pourtant, le Tome et la définition ne versaient pas dans cette impiété hérétique. Pour en faire moins étalage, les catholiques n’admettaient pas