Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.1.djvu/219

Cette page n’a pas encore été corrigée
423
424
HYPOSTASE


existence, et cette existence, propre à la sulistance, est par elle-même déterminée, c’est l’existence en soi et par soi. Il n’est nul besoin, dans ces rapports de puissance propre à acte propre, de recourir à un mode intermédiaire, dont la seule conception nous reporte aux plus mauvaises thôses de la scolastique de la décadence. Cf. Vasquez lui-même, op. cit., disp. XXXII, c. IV. Sur la vraie notion du mode en philosophie, voir S.Thomas, De veritatc, q. i ; q. xxi, a. 1 ; et l’auteur d3 l’opuscule XLVin, attribué à saint Thomas.

Cinquième école. L’hi/postase est constiliiée par la nature ou essence concrète subsistant par sa propre c.tistence, dont elle se distingue réellement comme la puissance se distingue de l’acte. — 1. Exposé. — Dans cette hypothèse, la subsistence, entendue au sens abstrait, ne serait autre chose que l’existence propre ; entendue au sens concret, elle est le sujet lui-même, considéré comme subsistant dans sa propre existence. Ce qui différencie ce système de celui de Tiphaine, ce n’est pas en premier lieu et directement parce qu’il suppose la distinction réelle de l’essence et de l’existence, alors que Scot, Tiphaine. Franzelin et les autres théologiens des deux premières écoles repoussent cette distinction. Tiphaine, en effet, pense que saint Thomas, partisan de la distinction réelle, est néanmoins d’accord avec lui sur le fond même du système. Tiphaine considère l’existence en soi comme la conséquence de la totalité intégrale et substantielle : peu importe donc, selon lui, qu’elle soit distincte ou non de l’essence ; on est d’accord avec lui dès là qu’on considère la totalité comme l’élément formel de la supposante ; et la conception du suppôt comme d’un tout intégral n’est étrangère ni à la métaphysique, ni même à la terminologie thomiste. Cf. S. Thomas, Comp. theologiæ, c. ccxi : // ! IV Seul., I. III, dist. V, q. III, a, 3. Mais le point de départ de Tiphaine ne concorde pas avec celui des partisans de la cinquième opinion ; ceux-ci, pour ne pas parler présentement de saint Thomas, ne conçoivent la totalité de l’hypostase que comme une conséquence de l’existence en soi, et l’existence propre de la substance, indépendamment de toute détermination modale, est nécessairement en soi, conférant au sujet l’incommunicabilité personnelle ou hypostatique. C’est donc, non la totalité, mais l’existence propre qui confère à la substance la personnalité. Et alors, à cause même de cette conception, la distinction réelle de l’essence et de l’existence devient fondamentale dans ce système et forme comme la clef de voûte de tout l’édifice. Par ailleurs, appliquée à la doctrine de l’incarnation, cette doctrine a beaucoup d’affinité avec celle de Cajétan et de l’école dominicaine, dont elle conserve tous les éléments essentiels, la nature humaine du Christ étant conçue, dans l’une et l’autre thèse, comme subsistant par l’existence même du Verbe.

On attribue généralement cette cinquième opinion à Capréolus, t. v. In IV Sent., t. III, dist. V, q. iir, a. 3, Dejensiones theologicx divi Thomas Aq., Tours, 1879, p. 109-119. La personne, dit-il en substance, ne peut ajouter quelque chose de positif à la nature individuée que de quatre façons : ou bien comme une partie essentielle, élément matériel ou formel, entrant dans la constitution intrinsèque de l’être : ou bien comme une propriété découlant nécessairement de l’essence ; ou bien comme un simple accident : ou bien enfin comme l’acte réalisant l’essence dans l’ordre de l’existence ; et cette dernière façon est la seule intelligible. C’est donc l’existence elle-même qui fait subsister la nature individuée. Voir également Pierre de la Palu, In IV Sent., t. III, dist. I, q. ii, a. 3 ; Zumel, In Sum. S. Thomas, I*, q. ni, a. 3, concl. 4 ; q. iv, a. 2 ; Guérinois, Chjpeus philosophise thomisticæ ; le cardinal d’Aguires, Dejensiones theologiæ S. Anselmi, Rome, 1869, t. v,

disp. LXXV, et l’école bénédictine de Salzljourg ; Biaise de la Conception, Mctaphgsica, disp. VIII, q. i ; et de nos jours, Schiffini, Princip. philos., disp. III, sect. V, th. XIV ; cardinal Billot, De Verbo incarnate, Rome, 1919, q. ii, § 2, p. 79 sq. ; Terrien, S. Thomæ doctrina sincera de unione hypostatica, Paris, 1894 ; Janssens, De Deo homine, Fribourg-en-Brisgau, 1901, p. 626 sq. ; Van Noort, De Deo redemplore..msterdam, 1910, 1). 27, et, dans leurs manuels de philosophie scolastique, Liberatore, De Mandato, Remer, De Maria, Greedt, Farges, etc.

Au point de vue dogmatique, cette théorie prétend résumer avec plus de précision la tradition patristique : elle se présente comme la seule explication obvie des textes des Pères. Qu’est en effet l’hypostase, sinon l’être subsistant distinct dans une nature ? Or, subsister signifie simplement exister dans son être propre, sub proprio esse sistcre. Une nature concrète, actuée par sa propre existence, voilà le suppôt, l’hypostase, et. s’il s’agit d’une nature rationnelle, la personne Quel élément veut-on de plus ? N’est-ce pas l’existence qui fait le fond de l’unité de l’individu ? C’est donc cette existence — l’existence en soi, comme on l’a expliqué — qui fonde l’unité substantielle de l’hypostase. C’est là d’ailleurs non seulement la doctrine, mais la terminologie même des Pères, insistant sur le Siaçopo : xfjç j-ap^Efo ; zpôr.rj ; qui, pour eux, caractérise l’hypostase. Voir col. 404 et 405. Appliquée au mj-stère de l’incarnation, cette théorie répond exactement au concept de l’union hypostatique, c’est-à-dire de l’union de deux réalités distinctes subsistant par une unique existence, l’existence du Verbe.

2. Critique.

Tout d’abord, dit-on, ce système repose sur l’opinion philosophique très discutable de la distinction réelle de l’essence et de l’existence. Des théologiens qui reproclient à bon droit à Suarez d’avoir multiplié les entités métaphysiques, n’aperçoivent pas qu’en distinguant l’essence de l’existence, le sujet subsistant de sa subsistence, ils tombent dans le même défaut. Pas plus que l’humanité ne se distingue objectivement de l’homme, l’existence ne se distingue de l’être existant ; le concept de l’essence sans doute n’inclut pas celui de l’existence, parce qu’aucune créature ne possède par soi l’être, mais en réalité, il n’y a pas d’essence réelle qui n’inclue son existence. De plus, quoi qu’il en soit du fondement métaphysique de cette opinion, au point de vue théologique, elle ne s’impose pas ; bien au contraire, le dogme de la trinité et celui de l’incarnation semblent difficilement conciliables avec une doctrine qui fait subsister la nature humaine du Verbe par l’existence divine, commune aux trois personnes. Cf. Pesch. op. cil., n. 111-127. Voir la discussion de cette difficulté à Hypostatique (Union), et à Incarnation. F.n appliquant cette doctrine à la personnalité divine, on aboutit logiquement à ne jilacer en Dieu qu’une seule personne, puisque Dieu possède une existence unique. Les partisans de l’opinion de Capréolus répondent qu’en dehors de la révélation du mystère de la trinité, il doit en effet en être ainsi : mais étant donnée cette révélation, il faut maintenir que, formellement, la personne, en Dieu, signifie l’être distinct subsistant dans la nature divine, et que matériellement la personne se trouve constituée par la relation en tant qu’existante, par son identité avec l’être même de Dieu. Cf. S. Thomas, De pntentia, q. IX, a. 4. Voir Trinité.

/II. L’OPINION DE SAINT THOMAS, — 1° On

pourrait recueillir dans les œuvres du docteur angélique nombre de textes affirmant que la nature humaine du Christ n’a pas la personnalité, à cause de son assomption par la personne divine. In IV Sent., I. III, dist. VI, q. I, a. 1, ad 5°’" ; Opusculum