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HYPOSTASE


de même, les parties intégrantes ont leurs subsistences respectives, n. 25. Voir aussi, en ce sens, De Raconis, Meiaph., sect. iii, q. iii, a. 4, m. ii ; Hurtado, Philosophia, t. ii, disp. II, de matrria prima, sect. vii, n. 74, 85. Cette multiplicité de modes, Vasquez et surtout De Lugo la repoussent. Vasquez la proclame même ridicule, op. cit., disp. XXXII, c. iv ; cf. Stentvup, op. cit., th. XXXV ; il ne retient que les modes des parties intégrantes, en insistant toutefois sur l’unité et l’indivisibilité du mode substantiel total. Op. cit., disp. XXXII, c. II ; cf. c. iii, n. 2. Pour De Lugo, il n’y a qu’un seul effet formel du mode substantiel, c’est de rendre la nature terminée en soi, existante en soi, op. cit., sect. III, n. 28 ; l’incommunicabilité que Suarez reconnaît comme un deuxième effet formel, n’est en réalité qu’une conséquence, n. 37. Mais la subsistence est unique dans le même sujet ; point de subsistences partielles de forme et de matière : la subsistence est simple. En Jésus-Christ, la nature humaine, privée de sa subsistence propre, subsiste dans le Verbe, n. 38, 39, 40, 42, 43. Certains auteurs ont été, dans la voie des modes substantiels, plus loin encore que Suarez et De Lugo. Le mode substantiel devient pour eux une entité tellement positive qu’il faut la concevoir comme une réelle forme qui s’ajoute à la substance, /orma so/(da, forme solide, à qui Ditu, par sa toute-puissance, peut concéder une existence séparée de la substance elle-même. Cette théorie extrême du mode substantiel, proposée par quelques auteurs, dont le plus connu est Hurtado de Mendoza, Meiaph., disp. II, sect. IX, n. 50 ; disp. XI, sect. ix, n. 123, 12C. est rejetée par l’ensemble des théologiens, même suaréziens.

b) Critique. — Suarez a raison de concevoir la personnalité ou la subsistence comme un élément positif, réellement distinct de la nature concrète. Les arguments qui mihtent contre la thèse de Scot et de Tiphaine militent en faveur de son opinion en tant qu’elle est exclusive de ces deux systèmes. Mais quand on envisage en elle-même la métaphysique suarézienne, on reste frappé des inconvénients qu’elle offre, plus encore que le système de Cajétan. Dans la conception de Cajétan, l’hypostase garde son unité substantielle : la subsistence a pour effet formel de disposer la nature concrète à recevoir son existence propre, et c’est son existence propre qui termine et clôt, pour ainsi dire, dans l’être même, le sujet tout entier. Le mode substantiel, imaginé par Cajétan, peut apparaître comme une conception en soi contradictoire ou tout au moins inutile ; il ne s’oppose cependant pas à l’unité substantielle qui est au fond de l’idée « l’hypostase. C’est un axiome fie métaphysique, que toute réalité, s’ajoutanl à une substance déjà constituée dans son être, ne peut s’y ajouter que d’une manière accidentelle, ù moins que cette réalité ne participe à cet être substantiel lui-même. Or, la subsistence imaginée par Suarez, survenant après l’existence qu’elle détermine vers un mode spécial, troue In substance déjà constituée ilans son être. Et, par hypothèse, la réalité du mode ne participe pas à cet être, puisqu’elle est destinée précisément à In compléter. C’est donc un véritable accident prédicamental, apportant à la substance un être, ou plutôt un mode d’être nouveau qui, survenant après l’être substantiel, est nécessairement un être ou un mode d’être accidentel : première contradiction. Ensuite, <i la nature concrète est sa propre existence, comme Suarez le pense, elle est, pur sa réalité même, sujet existant en soi et par soi. Et, d’après Suarez, elle devTait le devenir par la subsistence. I- : ileest doncct elle n’est pas existant en soi et par sol : deuxième contradiction ; d’où découle, en ce <)ui concerne le Christ, la nature humaine, une troisième contradiction, puisque

cette nature possédant son existence propre, mais non sa subsistence, serait à la fois, elle aussi, existant en soi et non subsistante.

Le fondement métaphysique de cette théorie, la non-distinction réelle de l’essence et de l’existence, a été examiné à l’art. Essence, t. v, col. 845-846.

3. Remarque générale.

Si l’on envisage la théorie du mode substantiel comme telle, indépendamment des divergences d’auteurs et d’écoles, on doit faire quelques remarques d’une portée générale, concernant aussi bien la thèse de Cajétan que celle de Suarez, de De Lugo ou de Hurtado : a. La conception métaphysique des modes substantiels est d’introduction relativement récente dans la philosophie catholique. Si l’on peut citer au moyen âge Thomas de Strasbourg, comme précurseur de ce système, le véritable inventeur du mode est Cajétan, et Vasquez lui-même. In Sum. S. Thomæ, III’, disp. XLI, c. iv, n. 22, avoue la nouveauté du système : jamais les Pères n’ont parlé du mode substantiel ; Cf. Tiphaine, op. cit., c. XI. En réalité, ce système ne procède pas de la révélation : il ne se présente à aucun titre comme un développement théologique normal des données traditionnelles ; il apparaît plutôt comme une excroissance sans lien vital avec la sève du dogme. Les rares textes patristiques cités en faveur de cette opinion, cf. Suarez, Métaph.. disp. XXXIV, sect. ii, n. 13 ; De Lugo, op. cit., disp. XII, n. Il ; Hurtado, op. cit., disp. XI, sect. III, n’ont pas la signification qu’on leur prête. Voir Hypostatique (Union). — b. De plus, quelle réalité objective concéder à ce mode ? Substance ou accident ? Il est impossible que ce soit un accident, puisquelemotdesi ; 617 « /i/ ; cZdoit atteindre la substance dans ce qu’elle a de plus intime ; et comment seruit-il substance, puisqu’il s’ajoute à la substance déjà constituée ? On se heurte à une difficulté insoluble. Et ce n’est pas là la seule diflicullé du système. Les théologiens qui l’ont adopté ne s’entendent pas, on l’a ^u, sur sa portée philosophique et sur ses conséquences. Suarez et Cajétan diffèrent sur la place lofrique à accorder au mode dans la constitution de l’être. Vasquez et De Lugo proclament l’absurdité du système suarézieii, quant à la multiplicité des modes ; Hurtado accepte la séparabilité du mode, alors que les autres le proclament inséparable de la chose modifiée. — c. Enfin, si l’on veut apprécier les raisons philosophiques que l’école de Suarez principalement apporte du système, raisons tirées de la nécessité de déterminer la substance dans le sens de l’acte qui doit la modifier, on peut dire avec Tiphaine, np. rit., c. xi.v, que cette raison est purement illusoire : c’est jjrendre pour une réalité ce qui n’est qu’une abstraction de l’esprit. Les termes métaidiysiques abstraits signifient, d’une manière différente, la même chose que les termes concrets ; il ne faut pas conceoir, comme leur répondant objectivement, des formes méinpiiiisiqucs, des entités, perfeclionnant le sujet auquel on les attribue. L’humanité n’est pas objectivement distiiule de l’homme : l’union n’est pas un mode différent réellement des choses unies ; riiihércnce, une façon d’être de la chose iidiérente et distincte d’elle. L’union est à la chose unie, l’inhérence à la réalité inhérente, la subsistence à l’être subsistant, comme l’essence est à l’être ou l’humanité à l’homme. I"n iinentant l’entité métaiihysique du mode substantiel, on bouleverse la philosophie traditionnelle, qui n’admet, dans les choses in péri, cpie trois princiiics réels, causes efficiente, matérielle et formelle : dans les choses in jaclo esse, que les ijrincipes matériels et formels. Il n’y a lias de place pour un autre élément : c’est par elle-même, et non par un mode, que la matière est disposée à s’unir à la forme ; c’est par elle-même, et non par un mode, que la substance est apte à recevoir sa jiropre