Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.1.djvu/205

Cette page n’a pas encore été corrigée
395
396
HYPOSÏASE


b) Les monophijsilrs. — I.e luouopliybiiiiie ii’esl pas une doctrine une : c’est en fonction des définitions du concile de Chalcédoine qu’on groupe tous les dissidents qui combattent la formule dos dcitr naturps : après l’union. Voir Eutychès et i ; uTYCinANis : Mii, l. v, col. 1595-1596. Quels que soient les noms sous lesquels furent désignées les différentes sectes de monophysites, c’est le sens donné au mot 9uatç, en opposition avec les décisions de Chalcédoine, qui est le point de départ du monophysismc. Il importe donc de préciser les difîérentes acceptions de ce mot pour faciliter, dans la saite, l’intelligence de l’erreur condamnée. — a. Le terme çJa ;  ; peut, en premier lieu, signifier l’essence spécifique, commune à plusieurs individus. Nous avons déjà rencontré ce sens abstrait, désignant l’essence commune désignée sous le nom de « pûaiç et plus généralement d’oùdia, par opposition à l’individu, au singulier, que signifie l’hypostase, dans saint Basile, Epist., xxxviir, P. G., t. xxxii, col. 328 ; ccxiv, n. 4, col. 789 ; ccxxxvi, n. 6, col. 884 ; voir col. 386 ; dans saint Grégoire de Nysse, Contra Eunomium, t. I, F. G., XLV, col. 320 ; Discours catéchédquc, c. i, col. 13 ; De communibus notionibus, P. G., t. xlv, col. 177, voir col. 386 ; et Essence, t. v, col. 839-841 ; dans Théodoret, Dial. Immut., P. G., t. lxxxiii, col. 33, voir col. 389 ; et mOme dans saint Cyrille d’Alexandrie, voir les références, col. 388. On retrouve cette acception chez une foule d’autres auteurs, catholiques ou non catholiques. Cf. pseudo-Athanase, Dial. de Trinitate, , P. G., t. xxviii, col. 1137 ; S..lean Chrysostome, In Epist. ad Heb., homil. ii, n. 1, P. G., t. Lxiii, col. 20. C’est que tous sont d’accord pour affirmer qu’avant l’union, c’est-à-dire en considérant les choses d’un point de vue abstrait, les natures du Christ sont spécifiquement distinctes. Les catholiques d’ailleurs se sont bien gardés de considérer la nature humaine du Christ comme correspondant à l’humanité ainsi envisagée spécifiquement. — bLe concile de Chalcédoine reconnaît dans le Christ deux çûcrsiç, la nature divine et la nature humaine, concrètes et individuelles. C’est à propos de la signification concrôte du mot nature que s’affirment les divisions. Voir Eutychès et euTYCHiANisME, t. v, col. 1596-1597. En quelques mots, voici les trois acceptions monophysites possibles du terme oûit ;. Le concile de Chalcédoine donne au mot fùrs’x le sens de nature concrète, mais abstraction iaite du mode de subsistence. Le sujet qui possède à la fois deux natures, individuée et concrète, est l’hypostase ou la personne qui est la raison même, pour chaque nature, de sa subsistence. A rencontre ou en marge des décisions du concile, on peut affirmer en JésusChrist une seule nature : a. En entendant le mot cjci'. ; dans le sens cyrillien ; c’est alors une nature concrète, mais considérée comme subsistante en elle-même, d’une existence séparée et indépendante. Cette formule est orthodoxe en soi, car l’essence humaine en Jésus n’a pas d’existence indépendarrte ; elle ne peut être dite çûacç au sens où l’on entend ici ce mot. En réalité, ce monophysisme verbal est, par la pensée, catholique, dès là qu’il n’exclut point la formule consacrée à Chalcédoine et ne s’attache pas, d’une façon exclusive, à la conception d’une cpûo-'. ; unique, quoique entendue dans le sens de nature-personne. C’est le monophysisme de saint Cyrille d’Alexandrie, qui, s’adaptant aux décisions de Chalcédoine, a trouvé son expression la plus solennelle dans les canons du V « concile œcuménique, surtout le canon 8, Denzinger-Bannwart, n. 216, 217, 219, 220, et dans ceux du concile de Latran (649), surtout le canon 5, complété par les canons 6 et 7, n. 258, 259, 260. — (3. En accordant au mot cpûaiç le sens qui vient d'être expliqué, il se peut qu’on se sépare de l’orthodoxie, uniquement parce que, comprenant mal les décisions de Chalcé doine, on les rejette avec la prétention de les taxer d’hérésie. C’est peut-être le cas du monophysisme sévérien, dont le plus illustre représentant est Sévère d’Antioche (338-543). Sévère confond dans un même sens les mots ?j31 ;, j-oTTaa ;  ;, -po'î'jj-ov, et ce sens est celui d’individu concret, de sujet, de personne. (Jjoîa n’est pas l'équivalent de çj^'.ç : c’est le commun s’opposant au singulier. Deux natures-unies sont un contresens ; la nature n’est telle qu'à la condition d'être existant en soi, Laô' ia’jTrîv ; deux natures sont nécessairement deux personnes. Mais en Jésus-Christ la -fjai ; est, par l’incarnation, douée des propriétés et des attributs de l’humanité aussi bien que de la divinité. Eustathe, moine, Epist. ad Timothseiim scolast. de duabus naturis, adiersus Severum, P. G., t. lxxxvi, col. 920 sq. ; cf. Fragments, dans Quæstioncs adversus monoplxijsitas, P. G., t. lxxxvi, col. 1917 ; Mai, Scriptor. vcter. collect. nova, t. vii, p. 71. On se demande si le système de Sévère diffère vraiment de la doctrine de saint Cyrille. Le P. Jugie n’y voit qu’une question de terminologie. Voir t. v, col. 1598. M. Tixeront penche également vers cette solution, Histoire des dogmes, t. iii, p. 127, en faisant remarquer qu’il n'était plus permis, à l'époque de Sévère, de négliger la terminologie de Chalcédoine et la doctrine définie par saint Léon. Sur la terminologie du monophysisme sévérien. voir l’ouvrage classique de M. J. Lebon, Le ntonoplu/sisme sévérien, Louvain, 1909, p. 243 sq ; cf. p. 422sq. — -y. En adoptant pleinement la terminologie du monophysisme réel. Ainsi l’on en arrive à identifier l’oùaia concrète, la nature, l’hypostase, la personne. C’est le système d’Eutjxhès, qui, évoluant, devait aboutir aux extravagances doctrinales des différentes sectes préconisant, en Jésus-Christ, l’absorption de l’humanité en la divinité ou, réciproquement, de la divinité dans l’humanité. Voir Eutychès ET EUTYCHiANiSME, t. V, col. 1601 sq. La terminologie du monophysisme réel a été formulée par le philosophe péripaléticien Philopon, dans son ouvrage l’Arbitre (Aia'.TrjTr| ;), publié vers 540, à la prière de Sergius d’Antioche. Il s’applique « à montrer que la nature, en tant que re mot désigne le genre ou l’espèce, n’existe en dcliors de notre esprit que dans les individus qui le réalisent ; mais que, là, elle se confond avec la personne ou l’hypostase, celle-ci n'étant que la nature particularisée par les caractères individuants. Ainsi la nature n’existe que comme individu et l’individu, c’est la personne : aroaov Bs -auTov slva ; xal jTtÔŒTaatv àçTÛoç ŒÔsîyaasv. S. Jean Damascène, Hær., LXXXIII, P. G., t. xciv, col. 753. En JésusChrist, l’humanité existe, mais n’est ni une nature, ni une personne ; en Dieu, il y a trois personnes, donc trois natures : ïa-io Tpsï ; (pûaciç Àsysiv 'r, [i.S.< ; Im Tf|Ç âyia ; TpioéSoç. De sectis, act. V, c. vi, P. G., t. LXXXVI, col. 1233, Timothée de Constantinople, De receptione hæreticorum, P. G., t. lxxxvi, col. 61. Cf. Tixeront, Des concepts de nature et de personne, loc. cit., p. 588.

/II. PREMIERS ESSAIS DE SYSTÉMATISATION TBÉOLO aiQ UE CHEZ LES PÈRES GRECS. — Au point de

vue philosophique, les catholiques orthodoxes se trouvent, à ce point d'évolution de la terminologie, pris entre les eutychiens et les nestoriens. Les catholiques, avec le concile de Chalcédoine, admettent en Jésus-Christ deux natures concrètes ; mais ils doivent, d’une part, répondre au reproche des eutychiens, les accusant d'établir par là une dualité d’hj’postases ou de personne ; d’autre part, réfuter la prétention des nestoriens. qui, identifiant nature-concrète et hypostase, se refusent à proclamer l’unité physique de Jésus-Christ. Il faut retuire compte aux uns et aux autres que le mystère de l’union hypostatique ne renferme, au regard de la raison, aucune