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Il YI’NOTISME


somnainbulismc, ne pouvait manquer d’alUrer l’attention (les théologiens. A tort ou à raison, il a passé, il passe peut-Otre encore, pour posséder des pouvoirs mystérieux, pour obtenir des elTets merveilleux. Suogeslion mentale, communicnlion à distance, télépathie, vision transopaque, prédictions, intuition des pensées d’autrui. voilà quelques-uns des « prodiges » attribués couramment à l’hj’pnotisme en 1894. Cf. abbé Schneider, L’hypnotisme, 1. 1, c. v. Or un certain nombre de ces phénomènes appartiennent aussi à l’occultisme, que l’on a tendance à confondre avec le spiritisme, et dont le nom seul suggère l’idée de pratiques qui se passent entre initiés dans des réunions secrètes, où l’on croit être en rapport avec le monde surnaturel. Cf. Grasset, L’occultisme hier et aujourd’hui, le merveilleuv prescientifique. C’est ce soupçon d’intervention diabolique dans l’hypnotisme qui a motivé diverses questions adressées soit à la S. C. du Saint-OlRce, soit à la S. Pénitencerie, et les réponses de ces Congrégations.’Voir plus loin.

II. Ou EN EST LA QUESTION D —, L’hYPNOTISME " ?

Nous n’avons pas l’intention de refaire ici l’historique de l’apparition, du développement et du déclin du mesmérisme, du magnétisme animal, du braidisme ou de l’hypnotisme : un dictionnaire de théologie n’est pas un dictionnaire de médecine, ni surtout d’histoire de la médecine. Il serait plus intéressant pour nous d’apprendre des médecins où en est aujourd’hui la question de l’hypnotisme. Or ils nous avertissent que < l’étude de ces états (hypnotisme, somnamlmlisme ) est en voie de révision, Dans les nombreux travaux qu’ils ont suscités, un petit nombre de faits seulement paraissent aujourd’hui à l’abri de la critique. En pratique, il convient d’observer la plus grande réserve à ce sujet. » D^ Henry Meige, art. Hystérie, tiré à part, 1911, p. 27-28. Les conclusions des observations de M. Babinski, notamment, bouleversent complètement les idées reçues dans le public non spécialiste au sujet de l’hypnotisme. « Babinski a démontré, écrit le T) Robert Vander Elst, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, art. Hystérie, col. 539, que l’hypnotisme ne peut être opéré contre le gré du sujet ; qu’il n’y a pas amnésie complète, au réveil de l’hypnolisé, à l’égard des faits suggérés pendant le sommeil ; qu’il n’y a pas inconscience, même dans l’état léthargique ; que, dans le somnambulisme, le sujet ne perd pas le contrôle de sa volonté. »

D’autre part, l’emploi de l’hypnotisme en thérapeutique est à peu près, sinon complètement, abandonné ; « On le réserve, dit le D’^ Vander Elst, ibid., à la cure des petits accidents hystériques » ; il affirme même « qu’on n’hypnotise plus ». Ibid., col. 538. Les médecins, les vrais médecins du moins, n’y recourent aujourd’hui qu’en manière de traitement psychothérapique, comme ils font usage du courant faradique pour « guérir » les anesthésies ou paralysies purement fonctionnelles, ou les douleurs sine materia. Pour le traitement même des troubles hystériques, le D H. Meige écrit à la fin de l’article cité : « Enfin, on s’abstiendra de manœuvres hypnotiques, sauf dans quelques cas rarissimes, et encore… L’abus des pratiques de l’hypnotisme ne peut qu’être préjudiciable. On obtient d’excellents résultats par les interventions psychothérapiques à l’état de veille, sous forme d’explications, d’encouragement et de bons conseils. Le malade ne peut qu’y gagner, et le médecin pareillement. Nous devons tenir notre prestige et nos moyens de guérison, non pas d’un prétendu pouvoir mystérieux, mais de la confiance qu’inspire le savoir allié au dévouement. »

En définitive, que reste-til donc que soit l’hypnose ? Il reste qu’elle est non pas, à proprement parler, un

sommeil pathologique, arliliciellement provoqué, pendant leciuel le sujet serait absolument soumis à la volonté de l’opérateur, mais la suggestion du sommeil, faite à un sujet particulièrement suggestible, suivie d’autres suggestions. Le sujet reçoit la première suggestion, celle du sommeil, comme il reçoit les autres, comme il recevrait n’importe quelle suggestion ; et, s’il est de bonne foi, dans la mesure où le sommeil dépend de la volonté, de l’imagination, il réalise certaines conditions du sommeil, comme il réaliserait une anestliésie ou une douleur. Mais en réalité il ne dort pas, puisqu’il a conscience, plus ou moins nettement peut-être, mais il a conscience de ce qui se passe en lui, autour de lui. En somme, l’hypnose se réduit à deux choses : un tempérament suggestible, c’est-à-dire hystérique ou pithiatique, et une suggestion de sommeil. L’hypnotisme n’est donc, en réalité, qu’un procédé particulier de suggestion, qui consiste à préparer le sujet à recevoir d’autres suggestions en lui suggérant d’abord qu’on va l’endormir, donc le mettre dans un état où il ne sera plus maître de lui, mais totalement dépendant de l’opérateur.

La suggestion hypnotique n’étant ainsi qu’une forme particulière de la suggestion, nous sommes donc amenés à renvoyer à l’art. Suggestion l’étude et la solution de toutes les questions cju’elle pose devant le théologien moraliste : peut-on lui résister ? de quels effets est-elle capable ? dans quelles conditions son emploi est-il légitime ? etc.

III. Documents officiels de l’Église se rapportant, DE PRÈS ou DE LOIN, A l’HYPNOTISME.

La plupart des documents que nous allons citer et analyser, parus entre 1840 et 1856, ne se rapportent pas à l’hypnotisme, mais au magnétisme animal ; cependant, si l’on a pu dire que « toutes proportions gardées, l’hypnotisme est au magnétisme ce que la chimie est à l’alchimie, l’astronomie à l’astrologie, » abbé Schneider, L’hypnotisme, p. 1, on comprendra qu’ils puissent avoir pour nous plus qu’un intérêt rétrospectif et que nous puissions y découvrir des principes et des règles pratiques applicables à l’hypnotisme.

1° Le 3 juin 1840, à la question suivante posée au Saint-OfTice : Ulrum magnetismus generatim acceptus et in se censeri debcat licitus an illicitus ? la S. C. répondait : Remoto omni errorc, soriilegio, explicita aut implicita invocatione dœmonis, merus actus adhibendi média physica aliunde licita, non est moraliter vetitus, dummodo non tendant ad finem illicitum, aut quomodocumque pravum. Applicatio autem principiorum et mediorum pure pliysicorum ad rcs aut efjectus vere supernatundes, ut physice explicentur, non est nisi dcccptio illicila et hærelicalis. Cf. Gury-Ballerini, Compendium Iheologiæ moralis, 17"= édit., 1866, t. i, p. 276, note ; Bergier, Dictionnaire de théologie, 1852, t. IV, p. 180 ; Ojetti, Synopsis rerum moralium et juris pontificii, cdphabeiico ordine digesta, 1911, t. ii, n. 2331, col. 2134.

Le Saint-OfTice, qui d’ailleurs avait commencé sa réponse en renvoyant l’auteur de la supplique ad probatos auctores, cf. Bergier, toc. cit.. s’il ne résolvait pas ensuite directement la question posée, établissait du moins des principes qui pouvaient servir à la résoudre. Ils peuvent encore nous servir aujourd’hui. Qu’il s’agisse d’hj’pnotisme, de somnambulisme, de spiritisme ou d’autres phénomènes encore inexpliqués, pour juger de leur licéité, nous devons d’abord examiner si les moyens employés sont proportionnés aux résultats obtenus ou recherchés ; s’il ne s’agit que d’obtenir des effets naturels par des moyens proportionnés, la morale est sauve : s’il s’agit au contraire d’obtenir des effets merveilleux, vraiment surnaturels,