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atteste une chose, et en même temps sa compétence et sa véracité, ce n’est pas à cause de son seul témoignage et par simple foi que nous admettons en lui ces qualités d’un bon témoin, mais parce que nous les avons vérifiées chez lui par l’expérience ou par le raisonnement. Car d’affirmer qu’on est véridique, c’est chose commune à ceux qui le sont… et aux menteurs ; en un mot, à tout le monde. La seule affirmation de l’intéressé ne suffît donc pas ; la traiter comme une preuve serait illogique : nous devons vérifier ces qualités par une autre voie. Cette vérification est une loi de notre intelligence ; elle doit donc s’appliquer au témoignage divin lui-même, qui ne change pas ces lois, mais s’y adapte pour entrer en communication avec nous. De plus, quand il s’agit d’un témoin éloigné qui nous parle par intermédiaire, par une déposition écrite, je suppose, il ne suffît pas que le document en question prétende provenir de lui ; il y a des pièces faussement attribuées à tel auteur, ou falsifiées. Le fait que c’est bien ce témoin qui parle doit donc être vérifié, soit par son écriture bien connue ou sa signature ou son cachet, soit par le témoignage d’autres personnes dignes de foi et déjà contrôlées, etc. Ainsi est-il nécessaire que nous vérifiions l’origine des Écritures, la mission divine que s’attribuent ceux qui ont fondé notre religion et ceux qui en conservent les dogmes. Non seulement ce n’est pas faire injure à Dieu qui parle, mais nous lui ferions injure si nous acceptions imprudemment ces intermédiaires, au risque de confondre la parole divine avec celle de quelque imposteur. Le fait delarévélation, cetautre préambule de la foi, ne doit donc pas non plus être admis en partant de la foi, sans un contrôle préalable de la raison.

L’enfant lui-même, quand, sous la direction de l'Église, il commence à faire l’acte de foi divine, ne peut échapper à cette loi d’une première vérification faite par sa raison. Il admet les mystères de la religion, parce que Dieu, qui les a révélés, ne peut ni se tromper ni nous tromper. Mais pourquoi admet-il ces attributs divins, et le fait de la révélation, et le fait de L'Église infaillible ? Parce que ses parents, le curé, le catéchisme imprimé, etc., affirment tout cela, sans parler de quelques raisons de bon sens que l’on a pu y joindre. Et pourquoi croit-il à leur témoignage ? Parce qu’il y aperçoit confusément les qualités des bons témoins, science, véracité : et par quel moyen les aperçoit-il ? Par son expérience et sa raison personnelle, en se basant sur dis signes extérieurs de gravité, de science, de probité, d’intérêt pour lui et pour son instrUCtlon, etc. De même les récits évangéliqueS le toucheronl par des signes de véracité, de haute vertu ; l'Église, par sa dignité, sa charité, sis œuvres, etc. « Il ne faut pas s’imaginer, dit Bossuet, que les enfants en qui la raison commence à paraître, pour ne savoir pas arranger leurs raisonnements, soient Incapables de ntir l’impression de la vérité… Il faut des motifs pour nous attacher à l’autorité de l'Église ; Dieu les sait, et nous les saous en général : de quelle sorte il les arrange, et comment il les fait sentir a ces âmes tnno< de son Saint-Esprit. Tant y a

que cela se fait. Réflexions sur un écrit de M. Claude, i réflexion, dans Œuures, édit. Lacbat, 1867, t. xiii,

p. 5 l t ne veut pas appeler < anien » Cet

I raison dans l’enfant qui, aidé di la e, s’achemine à son premiei acte de fol divine. Toul dépend de ce que l’on entend par examen » . si l’on y fait entrer le doute formel, il serait certainement néfaste a l’infant, il IV i lé] ii n< v montre que normales il n’existe pas chez lui. Au wm siècle, Lefranc de Pomplgnan, évêque du Puy, étudie la question dans une controverse Intéressante avi c un proto itant d l l’une

part, ces motifs ont en eux-mêmes tout ce qu’il faut pour les convaincre, et de l’autre (les enfants) n’opposent point à cette conviction, par des préjugés contraires, une résistance qui partage leur esprit et le tienne quelque temps en suspens… L'âge où un enfant devenu raisonnable est obligé à l’acte de foi divine, n’est pas dans l’espace du temps un point indivisible ; il a une durée qui correspond nécessairement à la succession et au développement des idées… Cette foi n’a pas dans son cœur une racine secrète qui la fasse éclore soudainement ; les opérations de la grâce ennoblissent et perfectionnent la nature, mais ne la détruisent pas. Il faut, axant l’exercice actuel de la foi, qu’il y ait une véritable proportion… entre l’intelligence de cet enfant et les motifs de crédibilité qu’on lui présente. Le temps qui amène cette proportion n’est pas un temps où il hésite ; c’est un temps où il écoute pour entendre : et dès qu’il a entendu, il croit, ou du moins il doit croire. » Controverse pacifique sur la joi des enfants, etc., dans Migne, Theologise cursus, t. vi, col. 1132. Ce n’est d’ailleurs pas encore le moment pour nous d’aborder tout le problème de la « foi des simples » . Voir col. 221.

Si l’on regarde superficiellement cet acte de foi de l’enfant, il semblera n’avoir aucune préparation rationnelle. Il en serait de même, si nous prenions mal à propos comme spécimen ces actes de foi implicites et confus, ordinaires aux pieux fidèles, quand, par exemple, ils adorent par une génuflexion le Christ dans l’eucharistie, où la foi seule peut ainsi le reconnaître. Lorsque nous renouvelons un acte complexe, que nous avons déjà fait mille fois, nous passons si vite sur certains de ses éléments, qu'à la réflexion ils sont imperceptibles : ainsi un raisonnement se fera si vite qu’on en prendra le résultat pour une intuition ; un choix de la volonté sera si rapide, que la délibération n’y apparaît pas, bien qu’en réalité l’acte soit suffisamment délibéré. De même dans le cas présent : le fidèle adhère au dogme de la présence réelle, non pas sans aucun motif intellectuel, mais pour le même motif pour lequel il y a toujours adhéré, et qu’il sait être bon et solide, quand même il ne s’en souvient pas distinctement. C’est adhérer implicitement à la révélation de l’eucharistie et à la véracité du Dieu qui l’a faite, en un mot, à tous les préambules nécessaires de la foi et à leurs preuves rationnelles ou « motifs de crédibilité » . Ainsi l’acte nouveau est suffisamment fondé en raison ; mais en psychologie, ce ne sont pas ces répé litions sommaires dattes antérieurs qu’il faut choisir, quand on veut étudier la nature et les éléments de telle espèce d’actes ; il faut remonter aux actes faits avant l’habitude prise, et lentement exécutés : ce sont là de « meilleurs sujets » pour l’analyse, et les autres, qui les répètent, ne valent qu’autant qu’ils se réfèrent confusément à ceux-là. Voilà pourquoi nous avons choisi le cas du premier acte de foi dans l’enfant

chrétien, et mieux vaudra encore choisir comme

exemple le | remier acte de foi dans Induite instruit qui se convertit lentement à la foi chrétienne ; c’est

le meilleur de tous pour étudier distinctement la genèse de La foi. Au moins sur ce cas typique, notre thèse est absolument commune à toute l'École. Voir

Coninck, /)< moralitale, etc., disp. XI II, n. 2, 1623,

p. 227 ; Kilber. De fid< . 171, dans.Migne. Cursus Iheologise, t. vi. col. 543. De nos jours, on a parfois accusé Suarez de s'écarter de ce consentement com mun, et d’aller au fldéisme, à « anse de son système sur l’analyse de La foi. Mais quelque erreur que l’on puisse reprendre dans ce sj stème, dont nous parti ron ailleurs, Suarez, comme les autres théologiens, i avant lu fol, que les préambules soient considérés à la lumière de la raison et prouvés par des motifs di dibilité, ce qui le distingue nettement des Qdéistes