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venons de tracer au rôle de l'Église dans la foi doivent aussi servir à rectifier le compte rendu inexact et fantaisiste que font souvent les protestants de notre théologie sur ce point, nous prêtant des erreurs pour nous réfuter plus facilement. « Pour le catholique, dit Jean Monod, la ioi suppose entre l'âme et la vérité un intermédiaire nécessaire qui est l'Église. (Nous avons montré que cet intermédiaire n’est pas toujours nécessaire à l’acte de foi ; mais passons.) La foi (pour le catholique) est un acte de soumission à l'Église ; elle consiste à la considérer comme la gardienne et la dispensatrice de la vérité et à accepter sa direction. » Dans Y Encyclopédie des sciences religieuses de Lichtenberger, art. Foi, t. v, p. 7. Ce n’est pas ainsi que nos conciles de Trente et du Vatican définissent la foi ; il n’est pas même question de l'Église dans leur définition. Si la foi se définissait « un acte de soumission à l'Église, » elle perdrait sa qualité de vertu théologale, puisque nos théologiens appellent « théologale » celle qui s’appuie immédiatement sur Dieu, sur un attribut divin, comme est ici l’autorité divine, résultant de sa science et de sa véracité souveraine. Il est vrai que nous considérons l'Église « comme la gardienne et la dispensatrice de la vérité » et que nous « acceptons sa direction. » Mais ce n’est pas en cela que pour nous « consiste la foi. » Cette attitude confiante envers l'Église n’est qu’un simple prélude à l’acte de foi, elle fait partie de l’enquête préalable par laquelle, avant de croire à cause de l’autorité de Dieu les vérités qu’il a révélées, nous cherchons où elles sont, recourant ordinairement à l'Église pour les trouver avec plus d’exactitude et de sûreté. Et le protestant ne va-t-il pas les chercher dans son « catéchisme » ou dans sa « confession de foi » , ou du moins dans une version de l'Écriture qui lui est recommandée par son autorité ecclésiastique, et qu’il tient pour fidèle ? — Auguste Sabatier cherche le « dogme central » du catholicisme et répond que ce n’est pas difficile à trouver : « Le catéchisme (catholique) nous apprend, dit-il, que c’est le dogme de l'Église, de son infaillibilité et de sa continuité traditionnelles, de son origine divine et de ses pouvoirs surnaturels… Ainsi la foi et la soumission à l'Église vont devant et demeurent la chose essentielle. » Esquisse d’une philosophie de la religion, 1897, p. 235. Mais nos catéchismes ne posent pas même la question d' « un dogme central » 1 Et ce qu’ils présentent tout d’abord à croire, ce n’est pas l’infaillibilité de l'Église, c’est un seul Dieu créateur et tout-puissant, comme dans le symbole des apôtres, puis la trinité, l’incarnation, etc. Aucun de nos théologiens ne range le dogme de l'Église, de son infaillibilité et de ses pouvoirs surnaturels, parmi les vérités « de nécessité de moyen » , celles qui sont le plus nécessaires au salut ; comment donc serait-ce pour nous « la chose essentielle » ? Oui, la règle de foi vivante est pour nous le point capital dans la polémique avec les protestants, et encore, avec 'les protestants conservateurs d’autrefois ; mais il ne s’ensuit pas qu’elle soit le dogme central de notre religion, la chose essentielle entre toutes ; car, grâce à Dieu, la polémique avec les protestants n’est pas toute notre religion, et ne se confond pas avec elle. Pour le catholique, dit encore Sabatier, « le premier et principal acte de piété, c’est la soumission à l'Église. » Loc. cit., p. 240. Pardon : l’amour de Dieu et du prochain, la charité théologale, a toujours été regardé par l'Église et ses théologiens comme le principal acte de piété, la première des vertus. La soumission, l’obéissance, prise séparément en soi, n’est pour eux qu’une vertu morale, inférieure aux vertus théologales.

3° Épilogue : la foi « divine et catholique » , sa perfection spéciale. — L’acte de foi divine ne change donc pas essentiellement, soit que la matière en ait été reçue

de l'Église, ou non ; mais dans le premier cas il a une plus grandi' perfection accidentelle. Cette perfection supérieure, d’autant plus notable que la comparaison portera sur un plus grand nombre d’actes de foi, vient des causes suivantes : 1. Recevoir de l'Église infaillible la matière de notre foi est évidemment une voie plus sûre. — 2. Elle accentue cette humilité et cette soumission de l’esprit, qui donne à la foi divine son caractère de sacrifice et une partie de son mérite : car il en coûte moins de s’humilier devant Dieu seul et de se rendre à son témoignage consigné dans l'Écriture que de s’humilier en même temps devant l'Église. « Ce sacrifice, remarque toutefois Schceben, l'Église ne l’exige pas pour elle-même et en son propre nom : elle l’exige pour Dieu et au nom de Dieu. Dans cet holocauste, elle ne figure que comme une prêtresse dont les mains sont chargées de l’offrir au Seigneur. » Dogmatique, trad. franc., t. i, n. 769, p. 501. — 3. A un autre point de vue, la soumission filiale à l’enseignement de l'Église nous est plus facile que la soumission filiale au témoignage de Dieu, soit parce que l'Église visible est plus à notre portée qu’un Dieu invisible, soit parce qu’il est naturel à l’enfant de croire sa mère ; le rôle de l'Église est donc de nous habituer par degrés « à un commerce filial et vivant avec Dieu, Père de notre esprit et source de la vérité surnaturelle ; la foi y gagne une énergie et une vigueur qu’on ne trouverait nulle part en dehors de cet attachement à l'Église. » Schceben, loc. cit., p. 498. Cf. I Joa., iv, 20. Les simples, qui ne sont pas toujours à même de distinguer nettement entre la révélation et la mission conservatrice qu’a l'Église, entrevoient confusément la parole de Dieu à travers celle de l'Église qui leur est plus sensible, et sont aidés ainsi à atteindre le motif essentiel de la foi. Suarez, De fi.de, disp. III, sect. x, n. 10, Opéra, 1858, t. xii, p. 94. — 4. La soumission de tous les croyants à un seul et même organe visible d’unité de foi, l’autorité doctrinale de l'Église, donne à la foi divine un caractère social qui la perfectionne encore, soit en faisant servir très efficacement la foi à l’union des esprits et des cœurs, soit en la retirant d’un isolement individuel où elle végéterait.

De là deux corollaires, l’un contre les protestants qui ne peuvent souffrir cette intervention de l'Église, dont ils ne comprennent pas l’utilité, l’autre pour éclairer un point difficile de la théologie catholique et de sa terminologie.

1 er corollaire. — Écoutons d’abord ce que pensent les protestants de notre attitude à l'égard de la règle vivante de la foi : « Dans l'Église (catholique), dit Aug. Sabatier, l'état du chrétien ne peut être qu’un état de perpétuelle minorité, car la tutelle qu’il accepte ne cessera jamais ; elle a le droit de s’exercer partout et toujours. » Loc. cit., p. 240. Au contraire, par le protestantisme « l’homme sort de tutelle, et arrive, dans tous les domaines, à la possession de soi, au plein et libre développement de son être, à l'âge de sa majorité, » p. 248. « La forme catholique (du christianisme), dit-il encore, correspond à l'âge de l’adolescence, où l'éducation se fait péniblement et réclame une discipline extérieure très étroite et des maîtres dont l’autorité ne doit pas être discutée. C’est ainsi que la discipline et l’autorité catholiques ont fait l'éducation laborieuse et lente du monde païen et du monde barbare jusqu’au xvi c siècle. Mais un moment doit venir, quand l'œuvre d'éducation a réussi, où les lisières, dont l’enfant ne pouvait se passer, gênent et compriment la vie de son âge mûr, » p. 253. Scheeben avait déjà répondu à de semblables dires : « Par des influences extérieures et antireligieuses, ou par l’effet de l’orgueil, on se laisse persuader que cette piété filiale (envers l'Église) révèle un état de minorité indigne d’un homme libre, … oubliant ce que dit notre Sauveur : nisi efficia-