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l’inerrance qu’elle comporte, etc. Voir t. ii, col. 15671569. Autre exemple : la nature de la foi. Comment faire cet acte, présenté par le Nouveau Testament comme fondamental, et qui a la révélation pour objet ? Dans quelle mesure est-ce un acte intellectuel ou affectif ? Quel est son motif propre ? Quelle révélation y suffit ? etc. Sur cette question de la foi, si difficile et si complexe comme on l’a déjà vii, qu’il serait facile de s’égarer sans l’enseignement de l’Église infaillible ! Les protestants, pour s’être privés d’une telle ressource, ne peuvent s’entendre sur la foi : chacun parmi eux conçoit aujourd’hui l’acte de foi à sa manière, l’un comme un sentiment, l’autre comme une connaissance, un autre comme un don de soi à Dieu sans croire à aucun dogme, celui-ci comme une science, celui-là comme une expérience, l’un comme un phénomène anormal, l’autre comme le développement naturel de la conscience humaine, quelques-uns selon la tradition, beaucoup contre elle. Et pourtant quelle question plus vitale pour la conservation de la foi elle-même, de la révélation, de la religion ? Pour l’impossibilité de trouver en dehors de l’Église infaillible un critérium de l’inspiration, voir Franzelin, op. cit., De div. Scripluris, thés, v-vm, p. 377 sq. ; Scheeben, La dogmatique, § 17, trad. franc., 1877, t. i, p. 192 sq. ; Wiseman, Conférences sur les doctrines de l’Église catholique, IIe conf., trad. franc., dans Migne, Démonstrations évangéliques, t. xv, p. 734 sq. Voir Inspiration. Pour les divergences actuelles parmi les protestants sur la nature de la foi, voir Snell, Essai sur la foi dans le catholicisme et dans le protestantisme, Paris, 1911.

3. L’effet naturel des controverses, qui devaient nécessairement surgir, rendait l’infaillibilité nécessaire pour la conservation de la foi. — Les apôtres et leurs successeurs, dans les catéchèses, n’ont jamais pu présenter à la croyance explicite et commune des simples fidèles qu’un nombre limité de vérités révélées ; il a fallu simplifier pour les foules, s’accommoder à leur faiblesse de mémoire et d’intelligence, et aux nécessités de la vie quotidienne qui les absorbent. D’ailleurs, par leur nature même certaines vérités révélées regardent plutôt les ministres de la religion que les autres, par exemple, ce qui a trait à l’administration des sacrements et au gouvernement de l’Église ; elles n’en sont pas moins profitables à tous par l’intermédiaire de ceux qui s’en occupent. Mais n’étant pas mises en lumière dans les Livres saints, ni prêchées publiquement, elles ont laissé peu de traces dans cette littérature chrétienne qui est parvenue aux âges suivants, d’ailleurs bien mutilée. Conservées par la simple pratique des ministres de l’Église, n’étant protégées ni par la prédication solennelle, ni par la publicité continue, ni par d’unanimes professions de foi, elles restèrent pins ou moins dans l’ombre, et prêtèrent davantage au doute et à la négation ; on conçoit que même des savants et des saints aient pu s’y tromper dans la suite des temps, et qu’elles aient été attaquées de bonne foi, et même au sein de l’Église. Mais quel sera l’effet naturel d’une pareille controverse ? La multitude des fidèles, voyant que les plus doctes dans l’Église disputent sur td point et ne s’accordent pas, viendra a en douter, ou se divisera elle-même ; ainsi une vérité salutaire restera, du moins [jour beaucoup de fidèles, obscurcie comme croyance, paralysée comme idée motrice, tant que la controverse durera ; et la contro-Verse tendra a s’éterniser : les écoles antagonistes qui

lucheront sut leurs positions, étant donnée la diffli ulté de la matière, et la facilité pour les meilleurs esprit ilre illusion <t de prolonger un

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nous venons de décrire pour une vélilé se reproduira ensuite poui nue autre, et pour <m-.mire encore.

Autant de vérités révélées, autant de petites flammes dans la nuit, que le vent de la controverse viendra agiter, et menacera d’éteindre ; peu à peu des taches noires se formeront çà et là dans ce vaste ensemble de lumières, dans cette belle illumination que Dieu avait donnée aux hommes ; et ces taches s’étendront de plus en plus. L’histoire intérieure du protestantisme nous montre sur le vif comment, par l’effet des négations successives, et en supposant même à tous les négateurs une parfaite sincérité, le doute finit par envahir tout ce qu’on avait conservé, comment on arrive a vider la religion de son contenu intellectuel, à n’avoir plus de vérité religieuse communément admise dans une même secte, dans une même réunion de prière ; et alors, comment un culte commun est-il sérieusement et longtemps possible ? Voir Expérience religieuse, t. v, col. 1832. A ce mal si menaçant, Dieu, si attentif à pourvoir la société chrétienne de tous les organes et de tous les secours nécessaires, a dû préparer un remède. Mais quel remède ? On aura beau le chercher de toutes parts, on n’en trouvera pas d’autre que l’infaillibilité d’un tribunal qui finisse le débat et ramène l’unité de croyance. Voilà un nouvel aperçu sur le rôle de l’Église dans la foi, une nouvelle manière dont elle doit l’aider et la conserver, en jugeant les controverses. En même temps, c’est un argument classique pour l’infaillibilité de l’Église, admirablement développé par les théologiens catholiques après le concile de Trente. Sans doute, il ne pourrait suffire à lui seul : il faut la preuve historique de l’infaillibilité par les textes. Mais cet argument, c’est la profonde logique des choses qui va rejoindre et confirmer les textes positifs ; et il a l’avantage de montrer le pourquoi de l’infaillibilité de l’Église, d’après la méthode de saint Thomas qui cherche toujours la raison des dogmes et des institutions divines ; ne l’abandonnons pas. De plus, l’infaillibilité est du surnaturel : puisque le surnaturel ne peut être prodigué sans raison, il importe de montrer que les raisons ne manquaient pas pour l’institution divine de ce charisme ; qu’étant données la nature de l’homme et les conditions de la révélation surnaturelle telle que Dieu l’a faite, l’infaillibilité était requise comme un complément moralement nécessaire de cette révélation.

Nous ne pouvons ici que rappeler brièvement cet argument de nos controversistes, qui du même coup développe le rôle de l’Église comme gardienne de la foi. Des protestants ont cru trouver dans l’Écriture seule le tribunal que nous cherchons, le juge des controverses. Mais c’est son obscurité même qui fait naître les controverses I Ht jamais un livre ancien, quel qu’il soit, ne suffira par lui-même à trancher les questions qui s’agitent à son sujet. Quand les doctrines diverses qui lui sont favorables ou contraires auront revêtu des formes nouvelles, en rapport avec les nouveaux développements de la pensée ou du langage humain, comment reconnaître, sans contestation possible, le verdict du livre ? Il faudrait que l’Écriture ajoutât maintenant quelque chose à son texte obscur, à ses antiques formules ; qu’à ces deux plaideurs qui se disputent son autorité, elle fit entendre ce petit mot bien clair : « Nous, vous ave/, raison ; et vous, vous avez tort. Mais seul un juge vivant, interprétant le texte ancien, peut ainsi trancher le débat par une sentence ; aussi tous les peuples ont-ils reconnu que les codes ne sullisent pas a terminer les procès, et ont-ils établi pour cela des juges vivants. Voii i < un ri

sainte, t. iv, col. 2098. D’autres, parmi les anglicans surtout, ont ajouté a l’I'.crilure, comme arbitre

des controverses, les écrits des Pères qui l’expliquent,

les anciens monuments de la tradition. Mais par la nous ne sortons pas des livies inoits, qui ne peuvent S’expliquer eux-mêmes sur les nouvelles formes de la