Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.djvu/83

Cette page n’a pas encore été corrigée

1M

FOI

152

le dépôt de la foi : « Qui pourrait, sinon aveugle par une étrange fureur, prétendre que l'Église des apôtres n’a pu obtenir un accord assez sûr et assez nombreux entre les frères pour transmettre fidèlement leurs écrits à la postérité, quand elle conservait par une succession très certaine leurs chaires jusqu’aux évêques d’aujourd’hui, et quand cette fidèle transmission des écrits est si facile pour les œuvres de toute sorte d'écrivains, soit dans l'Église, soit hors de l'Église ? » S. Augustin, Contra Faustum, 1. XXXIII, c. vi, P. L., t. xlii, col. 514 ; cꝟ. 1. XI, c. ii, col. 245. En ce sens il écrit ailleurs : « Sans l’autorité de l'Église catholique je ne croirais pas à l'Évangile. » Conl. epist. fundam., c. v, P. L., t. xlii, col. 176. Ce n’est pas seulement les Livres saints que cette société nous garantit, mais aussi ses institutions fondamentales, la pratique ancienne et constante de ses rites sacrés.

Ce qui augmente beaucoup la valeur de ce témoignage humain de l'Église des premiers siècles, ce sont ses qualités et les conditions historiques où elle vivait : d’une part, son caractère si traditionnel, son respect si grand pour les apôtres et la foi apostolique ; de l’autre, ce fait que les apôtres avaient fondé diverses Églises, très éloignées entre elles et diverses de caractère et de nationalité, dont chacune gardait pieusement et jalousement ses propres traditions, ses propres exemplaires des saints Livres, prête à rejeter toute altération venue d’ailleurs. Une innovation locale, pour s'établir partout, aurait eu autant de batailles à gagner qu’il y avait d'Églises particulières ; elle n’aurait pu s'étendre sans bruit et sans réclamation à l’insu de l’histoire. Ce que l’on trouve alors communément et pacifiquement admis doit donc remonter à l’unité première de la doctrine du Christ, implantée en tant de lieux divers par une prédication concordante des apôtres : ni le hasard, ni une conspiration muette de toutes les Églises pour innover, ni un concile général qui n’existait pas encore, ne peut expliquer une pareille uniformité. Déjà Tertullien voyait là une preuve certaine de la vraie doctrine du Christ, en dehors même de l’assistance de l’Esprit-Saint promise à l'Église pour la rendre gardienne infaillible de cette doctrine : « Supposons, si vous le voulez…, que le Saint-Esprit n’ait pas eu soin de diriger les Églises dans le sens de la vérité, lui qui a été envoyé par le Christ et demandé au Père pour devenir précisément le docteur de la vérité ; … est-il vraisemblable que tant d'Églises se soient rencontrées dans la même erreur ? Au milieu de beaucoup d'éventualités possibles, on ne saurait se rencontrer dans un résultat unique ; si les Églises avaient erré sur la doctrine, il y aurait eu nécessairement de la variété dans ces erreurs. Non, ce qui se trouve le même parmi un si grand nombre n’est point erreur, mais tradition. » De prsescript., c. xxviii, P.L., t. ii, col. 40. C’est en vertu du même principe que la critique compare les affirmations de nombreux témoins, ou collationne les nombreux manuscrits d’un même ouvrage et tire de leur concordance une preuve certaine de vérité ou d 'authenticité.

Après les persécutions, quand les évêques du monde entier purent plus facilement correspondre lesuns avec les autres, se réunir entre eux et prendre des mesures générales sous la direction de l'évêque de Rome, on les voit employer cette action commune à garder la foi apostolique, à s’envoyer mutuellement leurs professions de foi, à se rendre compte, par divers moyens, de toute innovation apparaissant sur un point du monde chrétien, pour l’arrêter et l’empêcher de se propager. Sur ces différentes institutions conservatrices, qui à leur tour sont venues contribuer à la valeur humaine et historique de la tradition, voir Franzelin, De tradil., thés, ix, p. 80 sq.

2° L'Église considérée comme infaillible. — Les pro testants, après avoir rejeté d’abord radicalement la tradition et les Pères pour exalter la seule Écriture, ont peu à peu accepté l’ancienne tradition ecclésiastique au point de vue purement historique, et de nos jours plusieurs d’entre eux en font l’objet de remarquables travaux. Mais il faut aller plus loin et prendre encore la tradition de l'Église au point de vue théologique, c’est-à-dire avec l’autorité nouvelle que lui donne l’infaillibilité surnaturelle de l'Église.

Cette infaillibilité, avec sa cause qui est l’assistance du Saint-Esprit, nous venons de la voir mentionnée à la fin du iie siècle par Tertullien. Déjà saint Irénée avait dit du collège des évêques : « Avec la succession de l'épiscopat ils ent reçu un charisme qui donne la certitude de la vérité, » charisma veritatis certum. Cont. hær., 1. IV, c. xxvi, n. 2, P. G., t. vii, col. 1053. Pour de plus amples preuves, tant scripturaires que patristiques, de l’infaillibilité de l'Église, voir Église, t. iv, col. 2175 sq. Pour comprendre combien cette institution divine est sage et raisonnable, il faut se reporter aux diverses circonstances de l’ordre présent qui l’ont rendue nécessaire. Nous allons les exposer ; ce sera aussi la meilleure manière de montrer en quoi consiste, dans le détail, le grand rôle de l'Église pour conserver les vérités de foi.

1. Les circonstances historiques de la révélation chrétienne rendaient l’infaillibilité nécessaire à la conservation de la foi. — Cette révélation a été faite il y a fort longtemps, et elle suppose et englobe les livres de la Bible encore bien plus anciens. De là une obscurité parfois fâcheuse et même dangereuse, qui trouve son remède dans l’infaillible interprétation de l'Église. Si de nombreux passages de nos Livres saints sont clairs par eux-mêmes, ou peuvent le devenir par l’inspection du contexte et des textes parallèles, par l'étude des usages anciens et de la philologie, etc., beaucoup d’autres ne le sont pas du tout. Les premiers protestants, parce qu’ils voulaient se passer de

, l'Église et faire de chaque fidèle, même le plus ignorant, 1 un docteur, ont prétendu qu’avec la grâce de Dieu l'Écriture est partout d’une grande clarté. Qui penserait aujourd’hui à soutenir ce paradoxe d’un optimisme naïf, surtout après la longue histoire de leurs controverses et de leurs discussions exégétiques ? Seule l’interprétation autorisée de l'Église peut garder au peuple chrétien les vérités de foi contenues dans ces livres, et les tirer de dangereuses erreurs. Voir Écriture sainte, t. iv, col. 2098 sq.

2. La nature de certains points de la révélation, desquels dépend un grand nombre nombre de vérités de foi, rendait l’infaillibité nécessaire. — Exemple : l’inspiration des Livres saints, qui fait toute leur valeur comme parole de Dieu ; selon que l’on pensera bien ou mal de cette inspiration, de son étendue, etc., on sauvegardera plus ou moins les témoignages divins, les révélations divines. Or, cette question est obscure et difficile, de l’aveu des experts. Si l'Église, considérée seulement comme société humaine, peut suffire à nous attester l’authenticité de ses Livres saints (surtout du Nouveau Testament), elle ne peut suffire de même à en attester l’inspiration. L’authenticité d’un ouvrage est un fait extérieur et simple, qu’une société purement humaine, ayant reçu et gardé un livre, peut facilement connaître et garantir ; l’inspiration est un fait intérieur et d’une nature mystérieuse, que l’on ne peut connaître que par le témoignage de Dieu qui inspirerait qui s’est transmis, pour nos Livres saints, d’une manière assez implicite et cachée ; cette tradition resterait obscure et douteuse en bien des points, si ne us n’avions l’infaillibilité de l'Église pour nous rassurer. C’est elle qui pourra nous donner avec certitude le catalogue ce mplet des livres inspirés, qui pourra nous dire jusqu’où s'étendent l’inspiration et