Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.djvu/80

Cette page n’a pas encore été corrigée
145
140
FOI


de métaphysique et de morale, janvier 1908, p. 27. « Lareligion est-elle ou un fait individuel, ou un fait soeial ?… Le Christ a-t-il voulu fonder une religion individualiste ? A cette double question, j’ai toujours répondu : La religion est un fait social ; la religion chrétienne est une société universelle, qui tient du Christ le principe de son institution et de sa foi. » A. Loisy, Simples réflexions, p. 115. C’est une conception très forte de la religion comme société qui a rapproché Brunetière du catholicisme. — L’individualisme religieux, si par impossible il venait à triompher partout, s’il produisait le grand naufrage des dogmes et des institutions ecclésiastiques, serait condamné à disparaître bientôt lui-même, dernière écume de la vague où sombrerait la religion. Les sectaires antireligieux le sentent fort bien, et ne craignent guère cet individualisme protestant ou moderniste qui, à la manière d’un dissolvant, travaille pour eux.

Les révélations privées et la foi chrétienne.


Appuyer la foi de tout chrétien sur une prétendue révélation personnelle et privée ; confondre la révélation, base nécessaire de notre foi et lien social de l'Église, avec les voies extraordinaires de la mystique et les illuminations de luxe, c’est un trait caractéristique du modernisme, et cette erreur nouvelle donne une nouvelle importance à la vieille question théologique des « révélations privées » , dans leur rapport avec la foi.

La révélation « immédiate » , c’est-à-dire faite sans intermédiaire humain, n’est pas toujours « privée » Tout dépend ici de l’intention divine, suffisamment manifestée. Si Dieu parle directement à un seul, mais pour tous, c’est-à-dire avec l’intention que cette révélation soit communiquée à tous et fasse partie de l’ensemble de vérités que tous les chrétiens devront croire, explicitement ou implicitement, une telle révélation immédiate ne devrait pas être dite < privée » , mais « publique » à raison de sa destination. Ainsi, des révélations successives faites aux envoyés divins, à Abraham, à Moïse, aux prophètes, aux apôtres, sont venues grossir le « dépôt de la foi » , le patrimoine futur de la religion chrétienne. A côté, il y a place pour d’autres révélations immédiates, faites non pas seulement à un seul, mais pour lui seul, et sans intention de les introduire dans le dépôt de la foi : ce sont les révélations privées. Le concile de Trente les suppose possibles même aujourd’hui, quand il dit que personne ne peut savoir avec une absolue certitude qu’il aura le don de la persévérance finale « à moins de l’avoir appris par une révélation spéciale. » Sess. VI, can. 16, Dcnzinger, n. 826.

A quoi reconnaître qu’une révélation est « privée » ? Dans le cas précédent, où quelqu’un reçoit du ciel l’assurance de sa persévérance et de son salut, on voit assez par la nature même de l’objet révélé qu’il s’agit, dans l’intention divine, d’un bien purement personne et non d’un bien général, que la révélation ici n’est pas pour tous. Toutefois ce critère interne n’est pas à lui seul et pour tous les temps un suffisant indice. Car des révélations qui seraient privées, à ne considérer que la nature de leur objet, mais qui ont été consignées ensuite dans la sainte Écriture, sont entrées par l.i menu : dans le dépôt de la foi, que Dieu destine a tons. Dominique Gravina, dans un bon ouvrage sur les liions privées, en fait la remarque : « Nous croyons maintenant de foi catholique beaucoup de particulier ! racontés dans les Écritures, parce qu’ils ont revêtu la forme publique de la foi, in publicnni formant translerunt credendl, étant écrits dans les livres Inspirés, bien qu’ils n’appartiennent que

secondairement ; i la foi catholique, d’après s ; nnt

Thomas ; les niri blesserall lafoi, cai une telle négation tendrait à conclun que l'Éci Iture est fausse. Voir Sum.

iheol., II a II æ, q. il, a. 5. » Gravina, Ad discernendas lieras a falsis visionibus et revelalionibus… lapis lydius, Naples, 1638, part. I, 1. I, p. 84.

Mais nous avons un autre critère des plus simples, qui nous permet de ranger en bloc parmi les révélations privées toutes les révélations immédiates à partir du moment où fut close l'ère de la composition des livres inspirés. Il est fondé sur ce principe, que le patrimoine de la révélation commune à tous les chrétiens, le « dépôt de la foi » , ne s’augmente plus depuis la mort des apôtres. A la suite du concile de Trente, le concile du Vatican déclare que la révélation surnaturelle, base de notre foi, « est contenue dans les Écritures, et dans les traditions non écrites, reçues par les apôtres de la bouche du Christ, ou dictées aux apôtres par le Saint-Esprit. » Sess. III, c. ii, Denzinger, n. 1787. Ainsi le dépôt de la révélation est clos en même temps que l'ère apostolique. Cette vérité a été attaquée par des modernistes qui voulaient fonder notre foi religieuse sur une révélation personnelle, et dont on a condamné la proposition suivante : « La révélation qui constitue l’objet de la foi catholique n’a pas été terminée avec les apôtres, non fuit cum apostolis compléta. » Décret Lamentabili, prop. 21, Denzinger, n. 2021. En vain, M. Loisy proteste : « L’idée de marquer un terme à la révélation divine est toute mécanique et artificielle. Inutile d’observer qu’elle est étrangère aux apôtres ; mais elle est en rapport avec l’idée, non moins mécanique et toute mythologique, disons enfantine, qu’on se forme de la révélation elle-même. » Simples réflexions, p. 5X. L’idée d’une révélation purement médiate, avec transmission historique, est au contraire très simple, tris rationnelle, et n’a rien de mécanique ni d’enfantin. Quant au terme de cette révélation, ce n’est pas nous qui le marquons artificiellement, et ce n’est pas une idée étrangère aux apôtres. Voir Franzelin.De tradilionc, thés, xxii, 2e édit., Rome, 1875, p. 268 sq. ; Palmieri, De romano ponlifice, 2 c édit., Prato, 1891, p. 187189. Quand les Pères disent que notre foi est « apostolique » , ils expriment ce fait même : tout nous vient des apôtres en fait de révélation et de foi, rien après eux ; à eux il faut sans cesse remonter. Voir Dogme, t. iv, col. 1600 sq. Enfin, il serait facile de montrer que nos grands mystiques ont toujours reconnu cette vérité : ce n’est pas sur leurs révélations personnelles qu’ils basaient leur foi chrétienne, c’est sur l'Écriture et l’ancienne tradition, interprétées par l'Église ; et le modernisme a tort de se réclamer parfois de ces saints et de ces saintes, quand il cherche à fonder la foi et la religion sur une révélation immédiate faite à chaque fidèle.

Entre la révélation publique, objet de notre foi, et une simple révélation privée, il y a une autre différence du côté de la transmission et de l’assistance divine qui la protège. Quand Dieu donnait à un envoyé la mission de parler en son nom et par là faisait appel à la foi de tous, il l’empêchait d’y mêler des erreurs, il l’assistait surnaturellement pour que ses paroles, écrites ou non, fussent vraiment la parole de Dieu. Noir col. 128. Il n’en est pas ainsi, quand un mystique raconte ou écrit les révélations pi Ivées qu’il a cru recevoir à divers mo ments de sa vie ; même dans l’hypothèse où ce furent de vraies révélations, la transmission exacte n’est pas garantie, et des erreurs peuvent s’y mêler, soit défaut de mémoire, soit difficulté de distinguer entre le moment précis de la révélation et le moment suivant où

l’homme a pu ajouter du sien. Voir A<, i : ï n ( Marie <l),

1. 1, col. 629. Et en général, l’expéi lence des mj itiques est souvent difficile à communiquer aux autres, il su (lit qui lie I' m serve i eux, c’est ordinairement son but principal. Aussi l'émotion, l’affection y jouent souvent un plus grand rôle que l’affirmation. Au cou-