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lignes d’un moderniste : « Le fait que dix siècles peut-être avant Moïse… un souverain oriental, Hammourabi, ait donné à son peuple une loi présentant des analogies avec le vieux code juif, et même supérieure en quelques points, diminuait aux yeux des croyants la certitude d’une révélation divine sur le Sinaï. » Houtin, Question biblique au XXe siècle, Paris, 1906, p. 27. Pourquoi voit-on un antagonisme entre ce fait et la certitude d’une révélation sur le Sinaï, sinon parce qu’on imagine dans toute révélation une note essentielle de nouveauté, parce qu’on suppose faussement qu’une législation révélée, pour être révélée, doit être entièrement originale et n’avoir rien de commun avec aucune législation humaine préexistante, même la plus sage ; conception bizarre, qui condamnerait par avance le divin législateur à se priver des plus pratiques et des plus utiles mesures, pour faire de l’inédit à tout prix !

2= conséquence : la révélation corrélative à la foi vient de l’extérieur. C’est un témoignage, et tout témoignage, même celui deDieu, nous vient du dehors, comme nous l’avons montré, col. 122. De là ces expressions de Pie X, externa revelalio, dans l’encyclique Pascendi, Denzinger, n. 2072, 2074 ; veritas extrinsecus accepta ex audilu, dans le serment. Voir col. 84. M. Loisy y a trouvé à redire : « Quant à la révélation extérieure que l’on accuse aussi les modernistes de supprimer, c’est peut-être la première fois que, dans un document officiel de l'Église, on en proclame l’existence et la nécessité. Le concile du Vatican parle des preuves extérieures de la révélation, mais il ne dit pas que la révélation elle-même soit extérieure. » Simples réflexions… sur l’encyclique, Paris, 1908, p. 149. Que le mot soit nouveau ou non, la chose a été de tout temps dans la tradition catholique ; le concile du Vatican n’a pas eu à la proclamer distinctement, pour la bonne raison que de son temps le modernisme n’existait pas ; à de nouvelles hérésies il faut opposer de nouvelles précisions et de nouvelles formules. La révélation, lors même qu’elle se fait au dedans, est extérieure, mais seulement dans son origine : c’est ce qu’explique le mot veritas extrinsecus accepta. A moins d'être panthéiste, il faut bien reconnaître que Dieu est distinct de nous, et que ce qui lent uniquement de lui (par exemple, son témoignage, revêtu de sa divine autorité) ne. vient nullement de nous, d’une poussée du dedans, et donc vient du dehors. Du reste, la révélation n’est pas dite « extérieure » en ce sens qu’elle apporterait absolument tout du dehors. Comme l’architecte qui vient bâtir près d’une carrière trouve sur place les matériaux. mais apporte du dehors son idée, son plan, ses ouVriers, en sorte que l'édifice lui-même est pour le pays chose nouvelle et qui vient du dehors : ainsi le témoitîna^c divin, pour entrer dans notre esprit, y prend des concepts préexistants, détachés les uns des autres, qui ne sont pas une vérité, car la vérité pour l’homme n’est pas dan s de s concepts disjoints, mais dans leur synthèse constructive, dans un énoncé. Par exemple, ci - idi éparses : Dieu, voir, destinée ne formaient pas une vérité. Quand nous recevons « il énoncé : i Voir Dieu est notre destinée, i quand nous le recevons appuyé sur la garantie divine qui fait toute la force de cette construction, nous avons une vérité nouvelle, el qui nous vient du dehors comme cette garantie elle même : veritas exlrinsecus accepta. Il en terail de mi me dans le témoignage humain. Voli Éludes du 20 avril 1908, p. 17(isq.

Ainsi 1, 1 révélation n’est pa. comme le voudraient

'.mis libéraux et les modernistes un simple

produil de l’esprit qui en est favorisé, mais elle lui

du dehors. C’est sans doute pour mieux Incul quci aux hommes cette vérité capitale sous di [ormes

sensibles et frappantes que Dieu n’a pas toujours choisi le mode de révélation qui paraît à première vue le plus simple, et qui consiste à produire directement la révélation dans l'âme de ses prophètes, mais qu’il a souvent préféré l’emploi de causes intermédiaires pour accentuer le caractère extrinsèque de la révélation, en leur faisant arriver son message par le monde extérieur. Dans la Bible, parfois le prophète, comme Jeanne d’Arc, entend « des voix ".Ainsi Samuel enfant, et n’ayant pas reçu encore de révélations, est réveillé par un appel qu’il prend pour celui du grand-prêtre, le seul être humain qui fût à sa portée ; désabusé par le grand-prêtre lui-même, il ne peut s’empêcher de revenir vers lui quand le phénomène se reproduit ; enfin la voix en dit davantage, et il reçoit d’elle la terrible prophétie sur Héli et ses fils. I Reg., iii, 4 sq. Une voix miraculeuse apporte aussi le témoignage de Dieu dans le Nouveau Testament. Marc, i, 11 ; Matth., xvii, 5 ; Joa., xii, 28 ; Act., ix, 4. Les apparitions d’anges, qui conversent avec les hommes, sont dans l'Écriture la voie la plus ordinaire des révélations divines. Admettre que la forme visible prise par ces anges était vraiment située dans le monde extérieur et tombait sous les sens, que leurs paroles étaient vraiment prononcées, et que tout ne se réduisait pas à une sorte d’hallucination surnaturelle, c’est admettre une chose très possible en soi, très convenable a la nature de l’homme, et qui ressort du récit des Livres saints qu’il n’y a pas à torturer. Le rationalisme est dans son rôle, quand il regarde a priori ces explications de la révélation comme absurdes, et l’existence même des anges comme impossible, sans pouvoir d’ailleurs aucunement prouver cette impossibilité ; la raison philosophique, elle-même ne voit-elle pas la convenance qu’il y ait, entre Dieu et notre pauvre intelligence liée à la chair, ce degré angélique dans l'échelle des êtres, et la négation des esprits n’cst-elle pas plutôt le fait d’un matérialisme grossier, qui n’est même plus à la mode ? Et puis, qu’est-ce que cette méthode a priori ! Mais du moins, que le rationalisme ne vienne pas avec M. Loisy nous parler du « Dieu anthropomorphe » de l’encyclique, ni tourner en ridicule « les conversations de l'Éternel avec Abraham. » Simples rèpexions, p. 56, 149. Ce n’est en aucune façon admettre un Dieu anthropomorphe, que d’admettre un ange apparaissant visiblement a Abraham, seul ou avec deux compagnons, et représentant « le Seigneur » , dont il prend liai fois le nom dans la Bible parce qu’il le représente. Mais ce qui est plus regrettable, c’est que des catholiques, effrayés par ce vain épouvantai] d' « anthropomorphisme » , étourdis par ce grand mot grec, abandonnent le sens naturel et l’exégèse traditionnelle des Livres saints. Ne voient-ils pas qu’ils diminuent la révélation ? Ce n’est pas sans motif que Dieu lui a donné un appareil extérieur fortement marqué, pour faire mieux saisir à tous qu’elle vient du dehors. qu’elle n’est pas une simple évolution de notre nature intellectuelle, mais un don transcendant, un témoignage divin s’adressanl à la foi. Ne voient-ils pas qu’ils font le jeu du modernisme, qui ne ramène la révélation à l’intérieur de l'âme que pour arriver plus facilement à tout expliquer par l’immanence, par la poussée du

dedans, et qui aime a pêcher, dans l’eau trouble du subconscient, des faits anormaux et des phénomènes mystiques ?

.?' conséquence : la révélai ion corrélative à la foi,

quand elle se passe tout entière à l’intérieur de l’Ame,

.nsiste pas seulement en ce que Dieu, par une opération surnaturelle, fait produire à l’intelligence

un énoncé el lui montre une véiité : il faut qu’il fasse Volt en même temps par la même action surnaturelle [ce qui d’ailleurs ne lui conte pas davantage) « pie Cet

énoncé exprime sa pensée à lui, qu’il s’en porte garant ;