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sous diverses formes ; 3e insuffisance de cette base ; 4° suffisance de la révélation « médiate » ; 5° rapport des révélations « privées » avec la foi chrétienne.

1° Concept chrétien de cette révélation qui est à la base de l’acte de foi : la révélation-témoignage. — Des preuves nombreuses, scripturaires et patristiques, que nous venons de donner, il résulte incontestablement que tout acte de foi chrétienne doit être basé sur un témoignage de Dieu, témoignage dont l’autorité infaillible est le motif de notre foi.

Mais au mot « témoignage » les théologiens scolastiques ont presque substitué celui de « révélation » . Saint Thomas emploie les deux. Pour dire que Dieu se révèle surtout lui-même, bien que révélant aussi des objets accessoires, il dira : Ipsa (Veritas Prima) principaliter de se testificatur. Quæst. disp., De veritale, q. xiv, a. 8, ad 9um. « Aux objets qui dépassent notre intelligence, dira-t-il encore, nous ne pouvons donner notre assentiment qu'à cause du témoignage d’un autre, propter testimonium alienum, et c’est là proprement croire, » a. 9. Mais il dira aussi : « La foi dont nous parlons ne donne jamais son assentiment à un objet, que parce qu’il a été révélé de Dieu, » quia est a Deo revelatum. Sum. theol., Hall*, q. i, a. 1. Si, peu à peu, l’usage du terme « révélation » s’est généralisé en théologie, c’est pure affaire de mot ; les théologiens, en traitant de la foi, ont toujours entendu par « révélation » le témoignage de Dieu ; de là leur insistance sur la « véracité » divine, qualité qui appartient essentiellement à la valeur du témoin et du témoignage ; de là cet emploi resté classique du verbe testari dans les locutions et les thèses, comme evidenlia in attestante, Dcus falsa iestari nequit. Parfois même ils nous avertissent explicitement que chez eux « révélation » signifie témoignage ; ainsi Lugo : « Nous parlons de la révélation, non pas selon toute l'étendue de ce terme, mais selon qu’il équivaut à un témoignage. » De fide, dist. I, n. 197, Opéra, Paris, 1891, t. i, p. 102. Il faut bien reconnaître que le mot « révélation » est par lui-même plus étendu et plus vague ; Dieu se révèle à nous par tous les moyens que nous avons de le connaître : par la nature, par la grâce et par la gloire. Sur cette triple révélation, voir Scheeben, Dogmatique, trad. franc., 1877, t. i, c. i, p. 12 sq., 20, 24 sq. Dans le Nouveau Testament, le mot à710y.âÀuliç, révélation, signifie souvent l’apparition du Christ au dernier jugement, ou la révélation céleste de la vision béatifique, la plus splendide des révélations ; ainsi Rom., ii, 5 ; viii, 19 ; I Cor., i, 7 ; I Pet., i, 57 ; iv, 13. Et cependant la révélation directe et éblouissante de la gloire n’a rien de semblable à la voie indirecte du témoignage ; le mot « révélation » s'étend donc plus loin que le mot « témoignage » , et est moins déterminé. Il peut aussi, dans l'Écriture, signifier la révélation surnaturelle d’icibas, qui fait appel à la foi : et alors il est synonyme de « témoignage » ; ainsi dans Luc, ii, 32 ; Matth., xi, 25-27 ; xvi, 17 ; Gal., i, 12, sans parler de « l’apocalypse » de saint Jean. Apoc, i, 1. En somme, le mot « révélation » se prête par lui-même à plusieurs sens : et nous verrons que les systèmes hétérodoxes ont abusé de cette ambiguïté : raison de plus pour insister sur cette vérité trop peu remarquée d’un certain nombre de catholiques de nos jours, que la « révélation » qui est à la base de la foi chrétienne se distingue par ce qu’elle est un témoignage de Dieu.

Le concile du "Vatican emploie toujours le mot « révélation » , car les conciles suivent le style qui a prévalu en théologie, mais il a soin de l’expliquer dans le sens d’un témoignage de Dieu, lorsque, développant l’autorité de cette révélation, auctorilas Dei revelanlis, il l’explique par les deux qualités classiques d’un bon témoin : qui nec falli nec fallere potest. Voir col. 116. Depuis le concile, les modernistes, à la suite des pro testants libéraux, ont fait grand abus du mot « révélation » dans ses rapports avec la foi : aussi l'Église a-t-elle vu la nécessité d’expliquer ce mot encore davantage. Dans la définition de la foi, à l’endroit où le Vatican avait dit brièvement : a (Deo) revelata, vera esse credimus…, la profession de foi de Pie X contre le modernisme insiste en ces termes : Quse aDeo personali creatore ac domino noslro, dicta, testala et revelata sunt, vera esse credimus… Ici le mot revelata, plus en usage aujourd’hui, mais plus vague, est précisé par les mots explicatifs dicta, lestala, qui le ramènent à l’idée de « chose attestée » , objet d’un « témoignage » . Comme une nappe d’eau se resserre pour entrer dans un canal, ainsi ce concept large et flottant de révélation ne peut donc entrer dans l’acte de foi sans se restreindre, sans se ramener au concept très net de témoignage. C’est là une vérité féconde en importantes conséquences, dont nous signalerons les principales. On y verra que les erreurs du modernisme viennent de ce qu’on n’a pas compris cette vérité. Mais l’erreur une fois admise sur un point aussi capital conduit aux abîmes. Avant même sa séparation extérieure de l'Église, Tyrrel écrivait à son confident : « Ce n’est pas, comme (ces théologiens) le supposent, sur un ou deux articles du symbole que nous différons ; les articles, nous les acceptons tous ; mais ce qui est en jeu, c’est le mot credo, c’est le sens du mot vrai quand on l’applique au dogme, c’est toute la valeur de la révélation. » Lettre au baron F. von Hugel, 30 septembre 1904, Miss Petre, Life of G. Tyrrel, Londres, 1912, t. ii, p. 197.

i re conséquence : la révélation corrélative à l’acte de foi ne doit pas nécessairement contenir du nouveau, de l’imprévu. C’est un témoignage : or, la même chose peut être utilement attestée par plusieurs témoins ; ainsi une même vérité aura été attestée par un prophète, puis par le Christ ; elle n'était plus nouvelle à la seconde révélation, peut-être pas même à la première, s’il s’agit d’une vérité accessible à la raison naturelle, Denzinger, n. 1786 ; on pouvait cependant faire alors un acte de foi sur la parole du Christ, c’està-dire sur une révélation qui n’apportait pas du nouveau. La nouveauté, l’inédit, n’est pas un élément essentiel du témoignage ; et quand même cet élément serait suggéré par l'étymologie du mot « révéler » , dévoiler, l’usage d’un mot s'écarte souvent de son étymologie ; et quoi qu’il en soit de la révélation dans certains sens de ce mot, nous ne nous occupons ici que de la révélation-témoignage. Certaines définitions de la révélation ne valent donc rien sur le terrain de la foi.qui peuvent être bonnes sur un autre terrain, par exemple, sur celui de l’inspiration de l'Écriture, où l’on a coutume d’opposer, dans l’hagiographe, 1' « inspiration » et la « révélation » , prise dans un sens particulier. Telle cette définition d’un exégète ancien : Ea proprie dicta videtur revelatio, qua res abstrusee omninoque velatæ palefiunt et revelantur. Serarius, Prolegomena biblica, Mayence, 1612, c. iv, q. iv. Et celle-ci d’un exégète moderne : « La révélation, dans le sens propre, est la manifestation surnaturelle d’une vérité jusqu’alors inconnue à celui à qui elle est manifestée. Ainsi, c’est par révélation que les prophètes ont connu l’avenir, » etc. Vigouroux, Manuel biblique, Ancien Testament, 11e édit., Paris, 1904, t. i, n. 11, p. 44. Quant à nous, comme notre sujet l’exige, nous nous en tenons exclusivement à la théorie de la révélation en tant que corrélative à la foi, et nous renvoyons, pour les autres sens du mot, comme aussi pour la possibilité, la nécessité morale et les critères de la révélation, pour le développement historique de la révélation dans le monde, à l’art. Révélation. Le préjugé, assez répandu, que toute révélation divine, pour être telle, doit apporter au monde de l’inconnu, du neuf, se retrouve, par exemple, dans ces