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FOI


montre donc qu’il entend le mot auctoritas non pas de

l’autorité du supérieur, mais de l’autorité du témoin.

2. Canon correspondant, dans le concile du Vatican :

Anathème à qui dirait que la foi divine ne se distingue pas de la science naturelle de Dieu et des choses morales, et par conséquent qu’il n’est pas besoin pour la foi divine qu’une vérité révélée soit crue à cause de l’autorité de Dieu qui révèle.

Si quis dixerit fidem divinam a naturali de Deo et rébus moralibus scientia non distingui, ac propterea ad fidem divinam non requiri ut revelata veritas propter auctoritatem Dei revelantis credatur, anathema sit. De fide, can. 2, Denzinger, n. 1811 (1658).

Quelles erreurs sont ici condamnées ? Une note qui accompagnait le schéma de la commission prosynodale, voir Vacant, Études… sur le concile du Vatican, t. ii, p. 30, 31, nomme le rationalisme, et le semi-rationalisme d’Hermès et de Giinther. Ils confondaient la foi chrétienne avec la « science naturelle de Dieu, » que nous appelons théodicée, et avec « la science naturelle des choses morales, » que nous appelons éthique ou philosophie morale. Pour eux, un argument d'éthique ou de théodicée, s’il produisait la conviction, produisait un véritable acte de foi et en était le motif. Par une conséquence logique, signalée par le concile, ils niaient que l’autorité du témoignage divin, de la révélation divine, fût le motif nécessaire de notre foi. Or, l'Église condamne ici et la confusion foi-science, qui est le point de départ, et l’erreur sur le motif de la foi, qui est la conséquence et le point d’arrivée, l’une à cause de l’autre et dans sa liaison avec l’autre. D’où l’on peut inférer que cette sévère condamnation ne tomberait pas sur une doctrine qui soutiendrait seulement l’une de ces deux erreurs, sans liaison avec l’autre ; ce qui se rencontre, par exemple, dans tel ou tel ancien scolastiquc assignant mal le motif de la foi sans pourtant confondre la foi avec la science naturelle. Telle est l’interprétation de Vacant, loc.cil., p. 31, 32. Notons cependant que toute doctrine inexacte sur le motif de la foi, tel qu’il est exigé par le concile, est indirectement atteinte et périmée, en admettant même qu’elle ne soit pas anathématisée, c’est-à-dire rangée parmi les hérésies.

Sur l'épithète « divine » , donnée ici à la foi suivant l’usage des théologiens, il faut remarquer avec Suarez qu’elle a deux sens : a) elle peut signifier une foi fondée sur l’autorité de Dieu, de même que « foi humaine i dans le langage scolastiquc signifie assez ordinairement une croyance fondée sur l’autorité des hommes ; b) elle peut signifier une foi surnaturelle, et par conséquent salutaire ; car Dieu étant tout spécialement l’auteur du surnaturel, le surnaturel est souvent

appelé divin » , de même que l’on confond en nous le

natUTl 1 et 1' humain, Dr fide, ilist. IV, sect. V,

n. 3, Opéra, Taris. 1858, t. xw, p. 132. cf. Salmantli i, De fide, dist. t, n. 201, Paris, 187<i, t. xi, p. 93. Si dans le canon du Vatican vous preniez flnem divinam au premier mus. nous auriez une ridicule tautologie : Pour avoir la foi OÙ l’on croit à cause de l’autorité de Dieu, il faut que l’on croie à cause de l’autorité de Dieu. Force est donc de prendre le mol divinam au second sens : Pour avoir la foi surnaturelle, la seule qui mené au salut, il faut que l’on croie a

cause de l’autorité de Dieu. > Ceci n’est pas une tan tologie, el étail ties nécessaire à définir en an temps

ou, dans les milieux prnt es (uni s, rationalistes, piétistes.

modernistes, on appelle foi, fol chrétienne, fol qui un acte qui n’a nullement pour motll l’autorité du I lieu, ni même Une autorité OU un témoignage en général. c’est probablement pour éviter jusqu'à l’apparence d’une tautologie, que le concile du Vatl

.m. dans le premiei (loi liment cité plus haut, a évité

l’expression ambigu ! loi divine > et l’a remplacée par

celle-ci : Hanc fidem, quæ humanæ salulis initium est…, formule plus nette que celle du canon, et qui sert à l’expliquer.

3. Serment imposé par Pie X contre le modernisme. — Voir tout le passage sur la nature de la foi, cité plus haut, col. 83-84.

Le motif de l’acte de foi y est ainsi exprimé : propter Dei auctoritatem, summe veracis. Ce dernier mot explique bien de quelle autorité il s’agit : c’est l’autorité qui procède de la véracité, donc de l’autorité du témoin. Ce qui est confirmé par le contexte : Quæ a Deo… dicta, lestala et revelata sunl, vera esse credimus, propter Dei auctoritatem summe veracis. Il s’agit d’un témoin, testeda. Aussi 1' « autorité » en question aboutit finalement à une croyance, à une adhésion à la vérité, vera esse credimus.

Ces documents de l'Église écartent définitivement les opinions, déjà surannées et communément rejetées en théologie, de quelques rares auteurs du moyen âge : par exemple, celle de Guillaume d’Auvergne, évêque de Paris, d’ailleurs intéressante comme étant le premier essai d’un fidéisme ou d’un « volontarisme > qui a reparu de nos jours sous des formes plus adoucies. Il part de cette idée : « Si l’on croit Dieu a cause de sa véracité, parce qu’on sait qu’il ne ment pas…, on le croit avec une espèce de preuve…, on le croit comme on croirait un honnête homme quelconque…, on ne lui fait pas honneur. » De fide, c. i, Opéra, Paris, 1674, t. i, p. 4. Les Pères, nous l’avons vii, n’ont pas eu le même scrupule cpie Guillaume : ils n’ont pas rejeté toute « espèce de preuve » ; ils ont éliminé du motif de la foi la preuve intrinsèque des dogmes, mais non pas la preuve extrinsèque par la véracité du témoin. Ils n’ont [pas cru déroger en assimilant la foi chrétienne à la croyance donnée à un homme grave et honnête, avec cette différence que le témoignage de Dieu est revêtu de qualités plus hautes : Si testimonium hominum accipimus, Irslimonium Dei majus est. I Joa., v, 9. La formule de Pie X exprime bien cette véracité « souveraine » de Dieu, summe veracis, qui a droit à une foi proportionnée, à une foi souverainement ferme : foi vraiment honorable, pour Dieu, et suffisant à le mettre à part, à le distinguer de tous les témoins inférieurs. Le point de départ étant faux dans la théorie de Guillaume d’Auvergne, est-il étonnant qu’il aboutisse à une conclusion fausse ? « Il s’ensuit, dit-il, que la seule foi digne de Dieu, c’est celle qui croit à sa parole sans aucune garantie, sine omni pignore et cautione, gratuitement et par obéissance, non pas à cause de sa véracité, ou parce que ses paroles Impliquent la vérité, car on croirait ainsi un homme, mais parce qu’il nous fait un précepte de croire. Ainsi l’on croit par la vertu d’obéissance. Loccit. Guillaume conserve une partie de la doctrine traditionnelle, V autorité de Dieu comme motif de la foi ; mais c’est la pure autorité du supérieur, qu’il veut substituer à celle du témoin : et sa foi n’est plus qu’une obéissance au sens strict du mot. La volonté, pour obéir, pousser, i violemment l’intelligence a risquer contre nature une affirmation sans aucune garantie de vérité. Peul-elle réaliser ce tour de force ? ("est très douteux : ou bien la volonté n’obtiendra qu’Une formule des lèvres sans acte Intérieur de l’esprit, ou bien le motif intellectuel, vainement (liasse, agira en dessous sur l’intelligence.

Voir Croyance, t. iii, col. 2 : 171. 2372. Mais quand

même la volonté pourrait physiquement exécuter ce COUp de force, elle ne le pourrait pas d’une manière un et 111r11.de. Si elle commande toutes les énergies de l’homme, l’intelligence comme les autres, elle ne peut commander que dans l’ordre, et conformément à la nature de chacune. Inutile d’invoquer ici le surnaturel : il ne dél mil pas l.i nature, mais la per fectlonne ; l’activité de la grâce se mêle Invislblement