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été envoyés pour dire ce qu’ils ont entendu, non pour ajouter du leur ; et nous, nous n’avons qu'à croire. » In Kpist. ad Rom., homil. i, n. 3, P. G., t. lx, col. 398C’est ce que répète sans cesse saint Éphrem dans ses discours contre les scrutateurs des mystères, par exemple : « Ne te jette pas témérairement dans les mystères : tu te noierais dans l’océan. Prends pour barque la foi et la doctrine que Dieu a donnée, consignée dans les Livres saints ; ta navigation sera sûre comme dans un port. » Adv. scrutât., serm. lxix, Opéra, t. iii, p. 132 Ce mot des Juifs : « Comment se peut-il faire qu’il nous donne sa chair à manger, » Joa., vi, 52, est ainsi jugé par saint Cyrille d’Alexandrie : « Eux qui auraient dû recevoir aussitôt les paroles du Sauveur, dont ils avaient connu par les miracles précédents la divine vertu et l’invincible puissance… les voilà qui prononcent ce comment, insensé quand il s’agit de Dieu ; comme s’ils ignoraient qu’il y a là un grand blasphème ! … Pour nous, en recevant les divins mystères, nous devons avoir une foi sans curieuse recherche, 7IÎ1TIV àÇv)Tï]Tov, et ne pas jeter sur les paroles divines ce comment, mot judaïque et digne des peines futures. » In Joa., 1. IV, c. ii, P. G., t. lxxiii, col. 573.

De cette étude des Pères, concluons que l’autorité suréminente du témoignage divin est le motif suffisant et nécessaire de la foi chrétienne, ce que saint Léon a exprimé d’un mot : « C’est à l’autorité divine que nous croyons. » Serm., vii, de nativit., c. i, P. L., t. liv, col. 216.

Le motif de la foi dans les documents ecclésiastiques.

1. Définition de la foi, d’après le concile du

Vatican :

Hanc vero fidem, quse humanæ salutis initium est, Ecclesia catholica profitetur virtutem esse supernaturalem, qua, Dei aspirante et adjuvante gratia, ab eo revelata vera esse credimus, non propter intrinsecam rerum veritatem naturali rationis lumine perspectam, sed propter auctoritatem ipsius Dei revelantis qui nec failli nec fallere potest. Sess.III, c. iii, Denzinger, n. 1789 (1638).

Cette foi, qui est le commencement du salut de l’homme, l'Église catholique professe que c’est une vertu surnatuielle, par laquelle, prévenus et aidés de la grâce de Dieu, nous croyons vraies les choses qu’il a révélées (les admettant) non pas à cause de leur vérité intrinsèque (qui serait) pénétrée au moyen de la lumière naturelle de la raison, mais à cause de l’autorité de Dieu même qui les a révélées et qui ne peut ni se tromper ni nous tromper.

La première partie de cette définition se tient dans l'élément générique de la foi. Surnaturalité, et secours de la grâce, élément commun à toutes les vertus infuses. Croire qu’une chose est vraie, élément très général dans la connaissance humaine. La seconde partie arrive à l'élément différentiel et spécifique, et c’est ce qui nous intéresse actuellement. Dès que le concile a parlé de croyance, vera esse credimus, vient naturellement la question : A cause de quoi tenonsnous ces choses pour vraies ? C’est la question du motif intellectuel : c’est à cause de lui, propter, que nous affirmons, nous ne pourrions affirmer sans un motif intellectuel, il met en mouvement l’esprit, il cause la connaissance, l’assentiment. Or, ici, le concile oppose deux motifs entre eux, celui de la connaissance intrinsèque, et celui de la connaissance extrinsèque ou d’autorité. Voir ci-dessus, col. 99 sq. Et comme il emploie le mot technique lui-même, intrinsèque, on peut dire qu’il consacre la distinction des deux modes de connaître donnée en ces termes par les théologiens modernes ; les conciles emploient à l’occasion le style théologique de leur temps. D’autant plus que la connaissance « intrinsèque » , comme l’entendent les théoJogiens modernes d’une connaissance soit d’intuition

et d’expérience, soit de démonstration philosophique par les causes et les effets, est encore désignée ici par le mot perspectam, qui n’indique pas une vue quelconque de la vérité, mais une vue à fond, une vue qui pénètre (per, à travers) ; et aussi par les mots naturali rationis lumine, qui se disent de l'évidence naturelle, ou de la raison philosophique et de ses preuves (comme au chapitre précédent, Denzinger, n. 1785). A tout cela le concile oppose 1' « autorité de Dieu » comme seul motif de la foi qui conduit au salut : motif extérieur à l’essence des choses, et qui nous les fait connaître par le dehors, en sorte qu’en croyant sur la parole de Dieu qu’elles existent, nous ne les pénétrons pas, et qu’elles peuvent nous rester mystérieuses.

Mais quel est, dans cette définition du Vatican, le sens précis du mot auctoritatem' ! L' « autorité » , dans sa notion la plus vague et la plus générale, est une certaine excellence qui appartient à une personne, ou à un groupe de personnes, et qui consiste à pouvoir influer sur les autres pour s’en faire suivre. Deux espèces d’autorité, celle du supérieur et celle du témoin. L’autorité du supérieur, à travers l’intelligence, s’adresse à la volonté et à l’action ; c’est un pouvoir d’influencer la volonté libre par l’obligation morale et par les sanctions, afin qu’ensuite la volonté actionne les membres et les diverses énergies de l’homme : qu’il s’agisse du commandement donné à un particulier, ou de la loi donnée à toute une société. A cette autorité répond l’obéissance. L’autorité du témoin s’adresse à l’intelligence, et consiste en certaines qualités du témoin qui influencent les esprits de manière à leur faire recevoir son témoignage, tenant pour vrai ce qu’il atteste. A cette autorité répond la croyance. De même que l’inférieur, à cause de l’autorité de celui qu’il reconnaît comme supérieur, conforme sa volonté à la sienne, ce qui est l’obéissance proprement dite, de même celui qui entend un témoin, s’il est convaincu de la compétence et de la véracité de ce témoin, conforme son jugement au sien. La foi, en ce qu’elle tient pour vrai ce que Dieu a attesté, a donc une véritable analogie avec l’obéissance, ce qui explique le mot de saint Paul, obedienlia fidei, mais elle n’est pas l’obéissance proprement dite, parce que le concept de témoin ne se confond pas avec celui de supérieur : un témoin, qui par ses qualités influence notre esprit, peut être hiérarchiquement notre égal et même notre inférieur. Il peut aussi être notre supérieur, et ainsi en est-il de Dieu quand il témoigne : [mais il reste alors vrai que, si je considère Dieu précisément comme témoin, je fais abstraction de sa puissance de commander. Cette puissance par son commandement pourra influencer ma volonté, voire même dans l’acte de foi pour que la volonté y fasse bien sa partie ; mais si l’acte de foi est pris dans son seul élément intellectuel, comme nous l’avons pris jusqu’ici, l’intelligence ne peut évidemment être influencée que par un motif intellectuel, tel que l’affirmation de celui qui est la vérité même, Prima Veritas, comme dit saint Thomas.

Le concile lui-même prend soin de nous indiquer ce qu’il entend ici par « autorité de Dieu » . Il ne dit pas : propter auctoritatem Dei imperantis, mais revelanlis, mot qui signifie une communication de vérité à l’intelligence. Et pour mieux expliquer le motif de la foi, il développe cette auclorilas en indiquant les qualités de Dieu qui font alors impression sur nous : qui nec falli nec fallere potest. Science parfaite, ennemie de toute erreur, nec falli ; véracité parfaite, ennemie de tout mensonge, nec fallere. Or la science et la véracité sont regardées par tous les logiciens et les critiques, et même par le simple bon sens, comme les deux qualités essentielles d’un bon témoin : il faut qu’il sache ce dont il parle, et qu’il le transmette comme il le sait, avec sincérité. En énumérant ces deux qualités, le concile