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GÉORGIE


géorgiennes contiennent à ce sujet des I détails tout aussi légendaires que ceux que nous venons de signaler à propos de la sainte tunique. S’il faut les en croire, c’est à la sainte Vierge elle-même qu'échut la Géorgie, lors du partage du monde entre les apôtres. Pour remplir sa mission, Marie fit choix, d’après une révélation de son divin Fils, de l’apôtre saint André, le protoclite (premier appelé). Celui-ci se mit avec ardeur au travail, soutenu par la contemplation d’une image miraculeuse de la sainte Vierge, que la Mère de Dieu lui avait donnée en appliquant son visage sur une planche. Après avoir converti le peuple tout entier par sa prédication et par ses miracles, saint André serait allé évangéliser d’autres contrées. Brosset, op. cit., t. i, p. 55-61. M. Giavakhov, professeur géorgien, Moambé (revue géorgienne), Tiflis, 1900, n. 6, p. 35-50, fait au récit des Annales plusieurs objections auxquelles il paraît bien difficile de répondre. On ne trouve aucune mention de l’apostolat de saint André en Géorgie, ni dans l’Histoire ecclésiastique de Rufin, qui raconte la conversion de ce pays par sainte Nino, au iv° siècle, ni dans la Vie de Pierre l’Ibère qui est du vie siècle, ni dans la Conversion de la Géorgie écrite vers le vii c ou le vin c siècle, ni dans l’introduction apocryphe à la Vie de sainte Nino, qui est du viiie ou du ixe siècle. D’après ce critique, les Géorgiens ne surent rien, jusqu’au ixe siècle, de la mission de saint André chez eux. Cette légende a probablement été créée de toutes pièces par les moines géorgiens de l’empire grec qui voulaient soutenir contre le clergé byzantin l’indépendance de leur Église. Comme les Grecs prétendaient, pour excuser leurs tendances séparatistes à l'égard de Rome, que Byzancc avait été évangélisée par saint André le protoclite, les Géorgiens, pour ne point paraître inférieurs, revendiquèrent le même apôtre comme premier missionnaire de leur patrie. L’opinion de M. Giavakhov concorde trop avec ce que nous savons des discussions qui s'élevèrent au moyen âge au sujet des prééminences des Églises, pour que nous ne l’accueillions pas avec faveur. On distribua alors les douze apôtres et les soixante-douze disciples entre les différentes Églises pour les rattacher d’une façon certaine aux temps apostoliques. Les textes cités à l’appui de la tradition géorgienne ne sont pas antérieurs au xe siècle. Si les moines des divers couvents géorgiens de l’empire byzantin avaient connu les raisons probantes qui nous font rejeter aujourd’hui la fondation par saint André de l'Église de Constantinople, ils n’auraient pas eu à créer de légende pour tenir tête aux Grecs. Malgré ce qui vient d'être dit, il ne paraît pas impossible d’admettre que saint André a pu exercer une certaine influence sur la conversion de la Géorgie. S’il a évangélisé la Scythie, comme le rapporte Origène, P. G., t. xii, col. 92, il a peut être traversé le Caucase pour s’y rendre, car c'était le chemin le plus direct d’Asie Mineure en Scythie. Mien ne nous interdit de penser d ; ms ce cas qu’il a pu fonder ça et là quelques chrétientés, au moins dans la Géorgie occidentale, plus accessible et en relations constantes avec les pays grecs. Mais hàtons-nous de dire que ce n’est là qu’une pure hypothèse qu’aucun document antérieur au x c siècle ne vient confirmer, Les missionnaires qui évangélisèrent de très bonne heure le l’ont, à la suite de saint Pierre, mil sans doute aussi concouru, sinon par eux-mêmes, du moins par leurs disciples, à la conversion de la Géorgie. Baronius,

nales ccclesiastici, t. ii, an. 100, n. 10-12, en sollicitant un texte de saint Irénéc, attribue l'évangélilon de ce pays au pape saint Clément, relégué par Trajan dans la Chersonese ï'auriqiic (Crimée). Même i le leste île saint Irénéc avait le sens que liaronius lui donne, il nous paraît difficile d’admettre que la Captivité du saint pape lui laissât | 162 de liberté POUÏ

aller prêcher la vraie foi en Géorgie. Cependant, il est possible que ses disciples aient étendu leur apostolat jusqu’aux montagnes du Caucase. Un recueil de vies de saints géorgiens, Sabinini, Éden de la Géorgie, p. 621-627, mentionne, vers la fin du I er siècle, dix-neuf martyrs mis à mort dans l’Albanie (le Kakhétie actuelle), province orientale de la Géorgie. Si le martyre de ces saints est authentique, il est fort douteux qu’il ait eu lieu à la fin du ie siècle, surtout dans la Géorgie orientale, qui était la partie la moins accessible.

En résumé, nous ne possédons aucun témoignage certain de Févangélisation de la Géorgie durant les trois premiers siècles. Nous en sommes réduits à des hypothèses qui ne manquent toutefois pas de vraisemblance. Mais si le christianisme avait pénétré dans ce pays, il était loin d’avoir amené à la vraie foi la masse de la population, surtout dans le centre et dans l’est. L’honneur de convertir le royaume tout entier était réservé à une pauvre esclave, sainte Nino.

Dans son Histoire ecclésiastique, 1. I, c. x, P. L., t. xxi, col. 480 sq., Rufin raconte, sans beaucoup de détails d’ailleurs, la mission que la sainte accomplit en Géorgie. C'était une captive chrétienne que les Ibères avaient emmenée au cours d’une incursion chez leurs voisins, probablement dans une province de l’empire romain. Elle ne tarda pas à étonner les indigènes puisa vie pieuse et chaste et surtout par la guérison d’un enfant qu’elle obtint par ses prières. Mise au courant de ce fait, la reine qui était malade recourut à la sainte et recouvra elle-même la santé. Cette faveur céleste la convertit et elle employa dès lors tous ses efforts à gagner son époux à la vraie foi. Elle n’j réussit que lorsque le roi Mirian eut été miraculeusement délivré d’un danger pressant au cours d’une chasse. Sur la demande du prince, Nino traça le plan d’une église dont il confia la construction à ses ouvriers les plus habiles. Pendant ce temps, la sainte prêchait sans relâche la vraie religion, lorsqu’un miracle éclatant vint donner plus de force à sa parole. Pendant la construction de l'église, les ouvriers, après avoir mis en place les deux premières colonnes, ne parvinrent pas, malgré leurs efforts, à dresser la troisième et durent abandonner leur travail, profondément découragés. Le soir, quand tout le monde se fut retiré, sainte Nino vint passer la nuit en prières dans l'édifice en construction. Au matin, grande fut la surprise du roi et de sa suite de trouver la colonne debout, mais comme suspendue à un pied de distance du sol. Sous leurs yeux, elle descendit lentement et vint se placer d’elle-même sur sa base. En tel prodige, en frappant vivement l’imagination populaire, facilita grandement la prédication de sainte Nino. Une fois l'église construite, il fallait trouver des prêtres pour baptiser le peuple et compléter son instruction religieuse. Le roi Mirian députa à cet effet une ambassade a l’empereur

Constantin, le suppliant de lui envoyer des nommes instruits pour achever la conversion de ses sujets, « ce que Constantin fit avec autant de joie que s il avait ajouté une province à l’empire romain. » Tel est en substance le récit que lil a Hulîn, vers 380, le prince géorgien BacOUT ou Bacuiius, duc des frontières de Palestine et général de Théodose le Grand, auprès de qui il se lit tuer glorieusement lors de la révolte du tyran Maxime. Certains détails semblent déjà déformés pal la légende, mais Rufin écrivait a une époque assez rapprochée des événements pour que son récit puisse être admis dans son ensemble. Il n’Indique, il est vrai, aucune date précise : il semble bien toutefois, a cause des autres documents, qu’il laul placer la conversion

fie la I le cuire les années 320 et.'i.'tU. Quant à

sainte Nino, l’Imagination populaire lui a tisse une vie laire dans laquelle sa fanlaisic s’est donne libre elle hn a composé une brillante généalo