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FOI


une croyance à telle religion plutôt qu'à telle autre, il n’y aura pas de raison pour se mettre à pratiquer celle-ci plutôt que toutes les autres ; qu’une expérimentation à l’aventure n’est pas licite en un sujet si délicat ; que les ministres d’une religion (et c’est spécialement le cas pour l'Église de Jésus-Christ) ne livrent pas ainsi leurs choses saintes au profane qui ne sait pas encore si elles sont saintes, par exemple, l’eucharistie ; cf. Matth., vii, 6 ; que la prière et le culte commun supposent la croyance de tous, et que, si l’on ouvrait sciemment la porte à l’incroyance, on ne pourrait maintenir dans une société religieuse l’unité sans laquelle elle périt. Voir Expérience religieuse, t. v, col. 1842-1846. Cf. Dieu, t. iv, col. 813 sq.

3° Le motif de la foi dans l'Écriture. — C’est toujours l’autorité du témoignage divin, quel que soit l’envoyé qui transmet ce témoignage, que ce soit le Christ luimême, ou un prophète, un apôtre.

1. La foi par l’intermédiaire de la prédication du Christ. — Relisons ce dialogue de nuit entre Jésus et Nicodème : « En vérité, en vérité, je te le dis : nul, s’il ne naît de nouveau, ne peut voirie royaume de Dieu. » Joa., iii, 3. L’interlocuteur prend cette naissance nouvelle en un sens matériel ; Jésus reprend son affirmation en la précisant, et lui explique qu’il s’agit d’une naissance toute spirituelle, invisible comme l’air, accomplie en nous par l’Esprit-Saint, 5-8. Il importe, en effet, que le chrétien, sans les pénétrer, ait une idée juste des mystères, tel qu’est ici celui de la régénération : ce ne sont pas de vaines formules, indifférentes à la vérité ou à l’erreur de l'âme. « Nicodème lui répondit : Comment cela se peut-il faire ? » 9. Il y a dans ce mot une surprise en face de l’inconnu, un étonnement dont Jésus s'étonne à son tour, car l’ignorance de Nicodème semble porter sur le fait même de notre régénération, et un docteur en Israël n’aurait pas dû ignorer le fait de cette transformation des âmes, qui renaissent par la puissance de Dieu à la vie spirituelle, 10. Il y a dans ce mot encore autre chose, la tendance de l’esprit raisonneur à la connaissance intrinsèque et profonde, le désir d’apprendre le mécanisme intime de cette régénération simplement affirmée par le Christ, et de comprendre à fond le mystère avant de l’admettre. Ici Jésus se redresse, et au lieu de fournir l’expérience, l’intuition ou du moins la science que voudrait ce docteur, il se plaint qu’on ne reçoive pas son témoignage, si compétent, si autorisé ; par cette plainte, il proclame que ce témoignage est à lui seul le motif qui doit suffire à croire : « En vérité, en vérité je te le dis, nous disons ce que nous savons, et nous attestons ce que nous avons vu, mais vous ne recevez point notre témoignage. Si vous ne croyez pas quand je vous parle des choses qui sont sur la terre, comment croirez-vous si je viens à vous parler de celles qui sont dans le ciel ? » 11, 12. Paroles qui nous font voir aussi l'équivalence entre ces deux expressions du Christ « croire » et « recevoir son témoignage » . Et le témoignage de Jésus se ramène pour son interlocuteur au témoignage de Dieu, car dès le début Nicodème a dit : « Maître, nous savons que vous êtes venu de la part de Dieu pour nous enseigner, car personne ne peut faire les miracles que vous faites, si Dieu n’est pas avec lui, » 2. C’est donc Dieu luimême qui, par le miracle, comme par sa signature, garantit l’enseignement de son envoyé ; le témoignage de Jésus est donc le témoignage de Dieu, même pour un juif qui ne connaît pas encore le mystère plus relevé de l’incarnation. Concluons que le témoignage de Dieu est présenté ici comme motif suffisant et nécessaire de la foi : et il s’agit bien de la foi qui sauve, de la foi exigée pour le salut, et exigée non seulement de Nicodème mais de tous les hommes, 15, 16, 18.

La fin du même chapitre contient une explication doctrinale des plus importantes. Le témoignage du Christ y est avec une nouvelle insistance identifié au témoignage divin. Il « vient d’en haut » et « est au-dessus de tous ; et ce qu’il a vu et entendu, il l’atteste, < 31, 32. « Celui que Dieu a envoyé dit les paroles de Dieu, parce que Dieu ne (lui) donne pas l’Esprit avec mesure ; le Père aime le Fils et il lui a tout remis entre les mains, » 34, 35. Mais pourquoi tant insister sur ce fait que c’est Dieu qui parle ? Parce que Dieu est le témoin véridique par excellence : ce que nous reconnaissons en pratique par le fait même de recevoir purement et simplement son témoignage, qui se confond avec celui du céleste envoyé : « Celui qui reçoit son témoignage, certifie que Dieu est véridique, » quia Deus verax est, 33 ; cf. viii, 26. Et « recevoir son témoignage » est la même chose que « croire en lui » . Comparez 32, 33 avec 36. « Et cette foi est salutaire et obligatoire, » 36. C’est donc la véracité divine, l’autorité de Dieu comme témoin, couvrant le témoignage de son envoyé, qui nous attire intellectuellement à croire, qui est le motif de la foi. Et comme le fait de croire honore la véracité divine, ainsi le fait de ne pas croire fait injure à cette véracité, en traitant Dieu de menteur. I Joa., v, 9, 10.

2. La foi par V intermédiaire de la prédication des apôtres. — Ce n’est point par la seule prédication du Christ que les hommes doivent » croire » , doivent faire l’acte de foi, mais par celle de son précurseur, Joa., i, 7, et surtout par celle de ses apôtres, xvii, 20. Les apôtres ont une mission divine, dérivée de celle de Jésus et semblable à la sienne, xx, 21. Ils sont envoyés comme des « témoins » . Luc, xxiv, 48 ; Act., i, 8, 32 ; x, 41, 42. Pour que leur témoignage se ramène au témoignage divin, pour que Dieu soit entendu en eux, ils sont inspirés et assistés par l’Esprit-Saint, suivant la promesse du Christ. Joa., xiv, 26 ; xvi, 12, 13 ; cf. Matth., x, 20.

Paul lui-même, quoique tardivement agrégé au collège apostolique, n’a pas reçu ni appris son Évangile d’un homme, d’un autre apôtre, mais du Christ ressuscité et glorifié, par révélation. Gal., i, 11. Cette parole divine par lui transmise, les fidèles ont raison de la recevoir « non comme parole des hommes, mais, ainsi qu’elle l’est véritablement, comme parole de Dieu. » I Thés., ii, 13. Sur ce texte, voir Prat, La théologie de S. Paul, IIe partie, 2e édit., 1912, p. 338. Pour que la croyance des fidèles garde ce caractère de foi à la parole de Dieu, l’apôtre évitera les raisons philosophiques, si persuasives soient-elles, dont l’abus pourrait changer en eux la foi divine en science humaine. En dépit du « sage » , du « docteur » , du « disputeur de ce siècle » , en dépit des Grecs qui « cherchent la sagesse » , les démonstrations philosophiques, I Cor., i, 20, 22, l’apôtre n’apporte point « les raffinements de la raison ou de la sagesse, » mais simplement promulgue « le témoignage de Dieu. » I Cor., ii, 1. Sa prédication ne s’appuie pas « sur les discours persuasifs de la sagesse (ou philosophie), mais sur la démonstration de l’Esprit-Saint et de la puissance divine, afin que votre foi repose, non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu, » 4, 5. Ici sont indiquées les œuvres de la toute-puissance, les miracles moraux et physiques qui sont comme la signature du témoignage divin, qui font reconnaître Paul comme envoyé, et sa parole comme parole de Dieu ; c’est ce qu’il appelle ici la démonstration de la puissance et de l’Esprit (auteur du surnaturel), et ailleurs « les signes (ou preuves) de son apostolat…, les prodiges et les miracles » . II Cor., xii, 12. Ces preuves extrinsèques, qui servent à faire reconnaître le témoignage de Dieu, sont à l’opposé de toute preuve intrinsèque et philosophique des vérités révélées, comme aussi de toute in-