Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.djvu/609

Cette page n’a pas encore été corrigée

non

GENÈSE

1200

basse époque, formé de vagues souvenirs, apparaît maintenant d’accord avec ce que les inscriptions cunéiformes nous apprennent de l’époque d’Abraham. Si l’identification d’Amraphel avec Hammourapi n’est pas encore absolument démontrée, du moins le récit biblique convient parfaitement à son époque et cadre bien avec ce que nous connaissons maintenant de ce temps éloigné. Cf. Touzard. Où en est l’histoire des religions ? t. ii, p. 12-13. Voir Amraphel et Chodorlaliomor, dans le Dictionnaire de la Bible, 1. 1, col. 522-524 ; t. ii, > col. 711-712 ; V. Scheil, JLa chronologie, rectifiée du règne de Hammourabi (extrait des Mémoires de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, t. xxxix). Paris, 1912, p. 11. Cf. J. Nikel, Genesis und Keilïchriftforsehung, ein Beilrag zumVerlândniss der biblischen Ur-und Patriarchengeschichte, Fribourg-en-YirisgeM, 1903. Le voyage d’Abraham en Egypte et toute l’histoire de Joseph concordent exactement aussi avec ce que les documents hiéroglyphiques nous ont appris du pays à cette époque. Voir F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. i, p. 453-480 ; t. ii, p. 1-213 ; art. Échanson et Joseph, dans le Dictionnaire de la Bible, t. ii, col. 1558-1559 ; t. iii, col. 1657-1669 ; Dornstetter, Abraham, dans Biblische Studien, Fribourg-en-Brisgau, 1902, t. xvii, fasc. 1-3 ; H. J. Heyes, Joseph in jEgypten, Munster, 1911. Cet accord s’explique mieux par une rédaction rapprochée des événements que par une adaptation de la tradition hébraïque avec les choses égyptiennes à une époque postérieure, quand les Israélites étaient en rapport avec l’Egypte sous la royauté. Voir plus haut, t. v, col. 1555. Enfin, on trouve dans la Genèse deux mots égyptiens, ’abrek et sâfenat pa’enéah, nom égyptien donné à Joseph, xli, 43, 45, et des expressions hébraïques, qui ne sont que des transcriptions de mots égyptiens. Voir F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. ii, p. 586-591 ; Dictionnaire de la Bible, t. iii, col. 1668-1669 ; t. v, col. 82. 3° Réponse aux principales objections des critiques.

— 1. Emploi différent des noms Élohim et Jéhôvah. — a) Le fait. — Quand on lit le livre de la Genèse dans son texte original, on constate que régulièrement Dieu y est nommé tantôt Élohim tantôt Jéhovah, et cette particularité se continue dans les cinq premiers chapitres de l’Exode jusqu’au récit de la révélation du nom de Jéhovah, faite à Moïse. Exod., vi, 1-8. Cette particularité, d’ailleurs, peut se remarquer aisément même dans les versions, puisque les traducteurs grecs et latins ont fidèlement rendu Élohim par ®so’ç et Deus et Jéhovah par Kûpioç et Dominus. Ainsi on lit, Gen., i, 1-n, 3, trente-cinq fois Élohim, et Gen., ii, 4-in, 25, vingt fois Jéhovah Élohim. Au c. iv, Jéhovah seul est employé, et au c. v, Élohim seul (quatre fois). Jéhovah seul est employé cinq fois, vi, 1-8, sauf dans la formule : benê-ha’élohim, et Élohim seul, cinq fois dans le reste du chapitre, 9-25. Jéhovah revient, vii, 1, 5, 9 ; auꝟ. 16 on lit successivement Élohim et Jéhovah. Élohim est repris, vin, 1, 15, et Jéhovah, 20, 21. Élohim reparaît, ix, 1, 6, 8, 12, 16, 17 ; Jéhovah Élohim est employé auꝟ. 26, et Élohim seul auꝟ. 27. Dans le récit de la confusion des langues, xi, 5-9, c’est Jéhovah cjui est usité, ainsi que dans celui de la vocation d’Abraham, xii, 1-8, et de son séjour en Egypte, 17. Son emploi continue, xiii, 4, 10, 13, 14, 18. Dans la rencontre de Melchisédech et d’Abraham, c’est un nom spécial de Dieu qui est employé, Et Elyôn, xiv, 18-20, qui est dit Jahvé El Elyôn, 22. Les deux noms Jéhovah et Élohim sont successivement usités : Jéhovah, xv, 1, 4, 7, 9, 18, Élohim, 6, et réunis en une seule dénomination, Jéhovah Élohim, 28. Jéhovah seul est nommé, xvi, 2, 5, 7, 11, 13, qui est dit, dans ce dernier verset, ’Êl-ro’i. Si Jéhovah est dit’/ ? / Saddaï, xvii, 1, Élohim

vient aussitôt, 4, 7, 8, 9, 15, 18, 19, 22, 23. Jéhovah revient, xviii, 1, 3, 13, 15, 17, 19, 20, 26, 27, 30, 31, 32, 33, mais il a été appelé Élohim, 14. Il se lit aussi, xix, 13, 14, 16, 24, 27, mais Élohim reparaît, 29. 11 est employé encore, xx, 3, 6, 11, 13, 17, mais Jéhovah termine ce chapitre, 18. Il est répété, xxi, 1, et suivi immédiatement de Élohim, 2, 4, 6, 12, 17, 19, 22, 23, qui est appelé Jéhovah El Elyôn, 23. Élohim continue, xxii, 1, 3, 8, 9, 12, pour être remplacé par Jéhovah, 11, 14, 15, 16. Il reprend, xxiii, 6. Jéhovah revient, xxiv, 1, 26, 31, 35, 40, 44, 48, 50, 51, 52, 56, pour être dit encore l’Élohim du ciel et de la terre, 3, 7, et l’Élohim d’Abraham, 12, 27, 42, 48. Élohim est employé, xxv, 11, et Jéhovah, 21, 22 ; xxvi, 2, 22, 24, 25, 28, 29, qui est dit l’Élohim d’Abraham, 24. C’est encore Jéhovah que nous lisons, xxvii, 7, 27, mêlé à Élohim, 20, 28. El Saddaï reparaît, xxviii, 3 ; puis, Élohim, 12, précède immédiatement Jéhovah, qui est dit l’Élohim d’Abraham et d’Isaac, 13, et qui, 16, 21, est suivi d’Élohim, 12, 17, 20, 21, 22. Jéhovah seul se rencontre, xxix, 31-35. Élohim, xxx, 1, 8, 17, 18, 20, 23, 27, alterne avec Jéhovah, 6, 22, 24, 30 ; xxxi, 3, pour reparaître seul, 5, 7, 9, 11, 13, 16, 24, 29, 42, et être remplacé par Jéhovah, 49, et reprendre, 50, 53 ; xxxii, 1, 2, 10 (ici avec Jéhovah), 28, 30 ; xxxiii, 5, 10, 11, 20 ; xxxv, 1, 5, 7, 9, 13, avec El Saddaï, 11. Dans l’histoire de Joseph, Jéhovah est usité, xxxix, 2, 3, 5, 21, 23, mais avec l’expression : « mon Élohim » , 9. Élohim est employé à propos de l’interprétation des songes du panetier et de l’échanson, xl, 8, et du pharaon, xlv, 16, 25, 32, 38, 39, pour expliquer les noms des fils de Joseph, 51, 52, dans les rapports de Joseph avec ses frères, xlii, 18, 28 ; xi.m, 23, 29 ; xliv, 16 ; xlv, 5, 7, 8, 9 ; dans le voyage de Jacob en Egypte, xlvi, 1, 3 ; dans les derniers moments de Jacob, xlvii, 31 ; xlviii, 9, 11, 15, 20, 21, avec El Saddaï, 3 ; enfin à la mort de Joseph, l, 23, 24. On le retrouve au début de l’Exode, i, 17, 20, 21 ; ii, 22. 23 ; mais Jéhovah reparaît, 25. Les deux noms sont ensuite mélangés : Élohim, ni, 1, 6, 11, 13, 14, Jéhovah, 2, 4, 7, pour marquer clairement que Jéhovah est l’Élohim d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, 6, 15, 16, des pères des Hébreux, 13, 15, 16, tt des Hébreux eux-mêmes, 18. De même, au c. iv, Jéhovah, 1, 3, 4, 6, 10, 11, 14, est l’Élohim des patriarches, 5. Élohim est employé seul, 16, et il est suivi de Jéhovah, 19, 21, 22, 24, 27, 28, 30, 31, mêlé à Élohim, 20, 27. Jéhovah. v, 2, 17, 21, 22, est donc l’Élohim d’Israël, 1, l’Élohim des Hébreux, 3, 8. A partir du c. vi, c’est Jéhovah qui est régulièrement employé. L’alternance des deux noms divins, Élohim et Jéhovah, est donc extrêmement compliquée en elle-même et aussi par l’emploi d’autres noms, sans compter Adonaï, usité dans le discours direct à Dieu, et les explications doivent résoudre le problème dans toute sa complexité, et non pas seulement dans ses principaux éléments. Cf. F. de Hummelauer, Commentarius in Genesim, p. 10-14.

b) Ses explications. — Ce phénomène étrange, qui ne se rencontre dans aucun autre livre de la Bible, ne peut s’expliquer par le hasard, tant l’alternance des deux principaux noms divins est constante et régulière, ni par le seul désir de varier le style. II faut donc en rechercher les raisons. Le fait n’avait pas passé tout a fait inaperçu chez les anciens. Pour répondre à Hermogène qui soutenait l’éternité de la matière et qui appuyait cette erreur sur le fait que, dans la Bible, Dieu n’est pas toujours appelé Seigneur, Tertullien dit que, si Dieu n’est que ô ©eo’ç dans le c. i" de la Genèse, c’est qu’il n’est devenu Kjy.o ; <i ©eo’ç, Gen., ii, 4, le maître du monde créé, que par la création. Advcrsus Hermogenem, c. ni, P. L., t. i, col. 200. Saint Augustin a donné une explication analogue de la différence entre Deus et Dominus. De