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GANDULPHE DE BOLOGNE


certainement, de ceux qu’avait trouvés Denifle, mentionnaient Gandulphe, l’un au début par l’initiale G. (Turin, /, IV, 33, le plus ancien des trois), l’autre à la fin : cxpliciunt Sententiæ magislri Gandulfi viri disertissimi (Turin, /, VI, 3) ; ces manuscrits étaient datés par Denifle du xiie siècle. Loc. cit., p. 621, note 2 ; p. 622, note 2. De plus, le résumé de Bamberg, qui appartient au xiiie siècle, nomme expressément Gandulphe : Flores Sententiarum magislri Gandulfi, et indique l’incipit : Cum hœc sil (ides catholica. Ms. de Bamberg, B. IV. 29, fol. 126 v ; Denifle, loc. cit., p. 622, note 1, et 623, note 5. Outre cela, les coïncidences entre les avis de Gandulphe conservés dans ses gloses canoniques, et les opinions qu’il a énoncées dans ses Sententiie, fournissent un excellent appoint à cette preuve extrinsèque de l’authenticité ; l’on peut voir, par exemple, ses idées sur le baptême et l’essence du sacrement. Caus. I, q. i, can. 54, au mot Detrahe, voir au Corpus juris, Lyon, 1671, t. i, p. 522 ; Denifle, loc. cit., p. 622-623. Une comparaison plus étendue, après publication des textes, permettra de voir s’il y a lieu de confirmer ou d’infirmer ce jugement. Des manuscrits d’Angleterre et de France apportent également un témoignage en faveur de l’authenticité : de l’Angleterre provient un texte de Pierre Lombard, fréquemment annoté dans les marges, datant du milieu du xiiie siècle environ, et qui mentionne fort souvent, à partir du fol. 105 v, les Sententiæ de Gandulphe. Ms. de la bibliothèque d’Erfurt, Amplon. 108 ; Denifle, loc. cit., p. 623, note 4 ; de Ghellinck, Le mouvement thêologique du XIIe siècle, p. 227. En France, un commentaire critique anonyme, actuellement à la bibliothèque de Troyes (ms. 1206), jadis à Clairvaux, et dont la rédaction remonte vraisemblablement au milieu du xiiie siècle, fait souvent intervenir le nom et l'œuvre de Gandulphe. Denifle, ibid. ; de Ghellinck, op. cit., p. 229. Cet annotateur et ce commentateur avaient chacun un exemplaire des Sententise différent ; cet exemplaire n’a pu être non plus aucun des manuscrits actuellement existants, comme le montre à l'évidence la numérotation divergente des chapitres.

Contenu.

Les Sententiæ de Gandulphe sont

divisées, comme celles du Lombard, en quatre livres et chaque livre se subdivise en courts chapitres ; ceux-ci avaient un numéro d’ordre dans quelques manuscrits. Elles comprennent l’ensemble de la théologie, moins les fins dernières ; ce traité n’a-t-il pu être ajouté par l’auteur ? ou a-t-il été expressément retranché de son plan ? ou les manuscrits ne sont-ils pas complets ? L’on ne sait. Parmi les autres parties supprimées, il faut citer le chapitre sur l’extrêmeonction, et celui sur les ordinations des hérétiques, etc. ; or, Gandulphe parlait de cette matière dans ses gloses, comme on l’a vu plus haut. Le plan est sensiblement le même que celui de Pierre Lombard : 1. I, Dieu, la Trinité, attributs divins, science divine, prédestination, volonté divine ; 1. II, angélologie, hexaméron, état primitif de l’homme, liberté, péché originel et actuel ; 1. III, incarnation, vertus théologales et dons du Saint-Esprit ; 1. IV, les sacrements. La suite des des chapitres n’est pas toujours la même que celle de Pierre Lombard ; chaque livre offre ici des divergences cjui ont déjà été indiquées ailleurs, de Ghellinck, Le mouvement théologique du xue siècle, p. 181-191 ; le début, lui aussi, est différent : à la division par les res et les signa du Lombard, Gandulphe substitue les premiers mots du Quicumque sur la Trinité.

3° Antériorité de Pierre Lombard ou de Gandulphe. — La principale question que soulève l'œuvre de Gandulphe est celle de ses rapports avec Pierre Lombard. Est-ce lui qui a copié et, par endroits, résumé, le Magisler Sententiarum ? est-ce le Lombard qui s’est servi des Sententiæ de Gandulphe, en développant ou

en les transcrivant selon les diverses matières ? La question grandit en intérêt et prend une importance qui dépasse celle des problèmes littéraires ordinaires, si l’on veut bien penser que de l'œuvre de Pierre Lombard surgit, en somme, toute la dogmatique du moyen âge, la Somme de saint Thomas et, par suite, toute la théologie catholique actuelle. A l’aube des temps modernes, plusieurs des formules de Pierre Lombard, qui avait énoncé avec précision ou répandu avec succès un certain nombre de doctrines, furent consacrées par des définitions conciliaires.. Il y a donc un intérêt spécial pour le théologien à fixer la paternité de ces énoncés et à déterminer quelle part revient à Pierre Lombard ou à ses modèles dans les progrès réalisés. C’est surtout dans les questions sacramentaires et dans la christologie, non moins que dans le plan et la méthode même de la systématisation, que consistent ces progrès ou que se manifeste cette fécondité pour l’avenir. Nous croyons pouvoir affirmer que les Sententiæ de Gandulphe ne sont nullement autorisées à enlever quelque droit à Pierre Lombard en ces matières. L’idée opposée a prévalu pendant plusieurs années. A la suite de Denifle qui datait les Sententise de Gandulphe du milieu du xiie siècle et sur la foi d’un certain nombre de témoignages des xiiie et xive siècles, conservés principalement dans les notes marginales des manuscrits de Pierre Lombard, l’on a pu croire que le Magisler devait à Gandulphe bon nombre de ses doctrines ; Denifle, qui se proposait de revenir sur la question, aurait sans doute constaté que la vraie solution n'était pas favorable à l’antériorité de Gandulphe. Grabmann, qui avait adopté jadis l’idée de Denifle, est revenu à l’opinion opposée. Geschichte der Scholasiischen Méthode, t. ii, p. 389 sq. ; t. i, p. 39. D’autres, comme Espenberger, n’avaient pas été convaincus. Die Philosophie des Pelrus Lombardus, dans les Beilràge zur Geschichte der Philosophie des Miltclallers, t. iii, 1901, p. 7. Mais la plupart opinaient pour la solution qui faisait de Gandulphe une source de plus à ajouter à celles qu’avait déjà utilisées Pierre Lombard. Actuellement, les arguments, apportés en sens contraire, ont entraîné, croyons-nous, l’adhésion presque unanime des critiques. R. Seeberg, un des théologiens protestants qui ont le plus étudié la théologie médiévale, ne se montre pas encore rallié à la thèse de l’antériorité du Lombard. Lehrbuch der Dogmengeschichle, Leipzig, 1913, t. iii, p. 189 ; Theologisches Literatur-Blalt, 1912, t. xxxiii, p. 130. La publication du texte de Gandulphe facilitera évidemment la comparaison des deux œuvres et aidera à donner un jugement plus ferme. En attendant, voici les arguments qui établissent solidement, croyonsnous, l’antériorité de Pierre Lombard ; le premier est pris à un traité spécial, celui des sept ordres ecclésiastiques ; le second envisage, dans divers endroits du livre, les citations de saint Jean Damascène. 1. Le traité des sept ordres ecclésiastiques (Pierre Lombard, Sent, 1. IV, dist. XXV, 1-19 ; Gandulphe, ms. de Turin A. 57, fol. 81 v -820 r) a des chapitres complets identiques chez les deux auteurs, mais souvent le Lombard a quelques mots, ou des incises entières, de plus que Gandulphe, et cela dans des conditions qui s’harmonisent avec l’idée d’un résumé par Gandulphe, mais non avec celles d’un développement par le Lombard ; les citations prises à un tiers, comme au Dccrelum de Gratien, au De sacramentis de Hugues de Saint-Victor, ou au De excellenlia ordinum d’Yves de Chartres, montrent, par leurs variantes, que Gandulphe a dû prendre modèle sur Pierre Lombard quand il s'écarte de la source commune ; la réciproque ne peut être établie. Quelques particularités de transcription, des omissions, des modifications, etc.,