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le verrons, le vrai concept de la foi, et aussi l’existence des mystères : le donné révélé, objet de notre foi, renferme des « mystères proprement dits » qui ne peuvent ni être démontrés en vertu de « principes naturels » , c’est-à-dire de raisons intrinsèques et philosophiques, ni être pénétrés par notre intelligence, même après révélation. Sess. III, can. 1, De flde et ratione, Denzinger, n. 1816 ; cf. c. iv, n. 1795, 1796. Voir Mystère.

2. Plusieurs protestants vont plus loin et se représentent la foi chrétienne comme une « intuition » , un acte simple et primitif de notre intelligence. « La foi, dit un ouvrage très connu en Angleterre, est une énergie élémentaire de l’âme… Peut-on observer et analyser les intuitions fondamentales sur lesquelles repose notre connaissance ?… Si quelqu’un nous demande : Qu’entendez-vous par penser, aimer, vouloir, qui peut le lui dire ?… Ce n’est qu’en voyant, en voulant, en aimant, que nous pouvons tant soit peu concevoir ce qu’est la vue, la volonté, l’amour. Et la foi est du nombre de ces intuitions premières ; elle est encore plus profonde et plus élémentaire… Si on demande sa définition, on ne peut que répondre : La foi, c’est la foi ; croire, c’est croire. » H. S. Holland, dans l’ouvrage collectif publié par Ch. Gore sous le nom de Lux nwndi, Londres, 1889, p. 8-10. Plus loin il explique que la foi atteint immédiatement en nous cette relation de dépendance qui est au fond de toute créature à l’égard de son créateur, relation qu’il appelle filiation. « La foi est la découverte d’une filiation inhérente. .. déjà existant avant elle, mais qui nécessairement retient inactives ses plus riches et ses plus splendides énergies jusqu’à ce que cette découverte soit faite… La filiation, déjà en germe, se complète, se réalise dans l’homme par sa foi…, qui est l’attitude d’un fils à l’égard de son père. » Op. cil., p. 16, 17. On voit l’effort pour rejoindre au moins en apparence la théorie luthérienne de la justification par la foi. « La foi, dit-il plus loin, ne doit pas être mise sur la même ligne que les autres facultés de l’âme… Elle tient à une racine plus profonde… Elle remonte à l’origine même de notre être, à son point d’attache avec Dieu. >< Op. cit., p. 22. Voilà bien l’idée d’une faculté spéciale pour la foi, idée déjà ancienne parmi les protestants :

I.a foi, dit Eschenmaver, est un organe spécial pour atteindre ce qui est étemel et saint ; elle diffère de la pensée, du sentiment et de la volonté. » Die einfachste Dogmalik, Tubingw, 1826, p. 376. Ces conceptions détruisent le vrai motif de la foi chrétienne, telle que nous allons l’exposer d’après l’Écriture et les Pères ; elles ont encore l’inconvénient, au point de vue rationnel et psychologique, de multiplier, sans nécessité et s ; ins preuve expérimentale, les organes ou les facultés : au point de vue scripturaire et théologique, de limiter arbitrairement l’objet de la foi chrétienne à notre

dépendance ou libation envers Dieu, i ou bien aux

Choses éternelles, tandis que la foi qui sauve, d’après l’Écriture, atteint aussi d’autres objets : ainsi celle d’Abraham, donnée comme modèle par saint Paul, a pour objet la naissance promise d’un fils et sa nombreuse postérité future. Rom., iv. Voir plus liant les exemples des mots foi, croire dans le Nouveau Testament, f.a foi comme (acuité distincte n’en est pas moins une conception chère à certains protestants du

jour. Voir la citation de M. Crafer, à l’art. Dur, t. iv, col. 793.’'. Sont encore partisans de la connaissance immédiate ceux qui, sans demander une faculté spéciale ni un acte primitif et fondamental d’intuition, con ut la foi comme une expérience. Laissons ici de Côté ceux qui par expérience entendent une pure

émotion, comme certains protestants <t moderniste

réfutés plus liant. Ne prenons que ceux qui entendent

une connaissance, et prennent le mot « expérience » à peu près comme on le prend en physique et dans les autres sciences expérimentales, avec cette différence que l’objet expérimenté est ici surnaturel ou mystique. Et notons que l’expérience religieuse a été utilisée par les protestants de deux manières bien différentes : a) D’abord on lui a souvent donné un rôle purement secondaire, qui laissait subsister le véritable motif de la foi. Ainsi Calvin veut, comme nous, que l’on croie les vérités révélées dans l’Écriture, parce que c’est Dieu qui les a révélées ; sans doute, parmi ces vérités il met au premier rang la volonté que Dieu a de sauver ceux à qui il inspire la foi, et c’est ainsi qu’il définit la foi « une ferme et certaine connaissance de la bonne volonté de Dieu envers nous, » mais il ajoute : « Nous ne nions pas cependant que l’office de la foi ne soit de donner consentement à la vérité de Dieu… quoi qu’il dise, et en quelque manière que ce soit. » Institutions, 1. III, c. ii, n. 7, Genève, 1562, p. 328. Mais un acte préalable à la foi, c’est de se convaincre que dans l’Écriture c’est bien Dieu qui parle, c’est de reconnaître l’Écriture comme divine : et c’est seulement dans cet acte préalable que Calvin fait appel à l’expérience, à je ne sais quelle expérience du divin : « L’Écriture, dit-il, a de quoi se faire connaître, voire d’un sentiment aussi notoire et infaillible comme ont les choses blanches et noires de montrer leur couleur, et les choses douces et amères de montrer leur saveur. » Op. cit., 1. I, c. vii, n. 2, p. 25. Il y a là une erreur, contraire même à l’expérience, et quand on admettrait ce « sentiment » , il ne serait pas un critère suffisant de la divinité des Écritures. Voir Expérience religieuse, t. v, col. 1835. Mais enfin avec cette erreur secondaire le motif de la foi peut subsister. — b) Le protestantisme est arrivé à s’écarter encore plus de la doctrine traditionnelle, en assimilant la foi elle-même à une expérience. Cette manière d’invoquer l’expérience détruit le motif propre et "la vraie nature de la foi. C’est Schlcicrmacher qui paraît être le véritable auteur de cette évolution du protestantisme, au commencement du xix° siècle. Sur lui et sur les auteurs d’autres systèmes, protestants et modernistes, qui confondent la foi avec une expérience, soit qu’ils conservent encore ou ne conservent pas de dogmes, voir Expérience religieuse, t. v, col. 1798-1804.

Une tentative des plus curieuses en ce genre, parce que, cherchant à concilier la foi-expérience avec la conservation orthodoxe de quelques dogmes fondamentaux, elle essaie ce tour de force, de les tirer de l’expérience même, et de l’expérience morale ordinaire, c’est le système de lu certitude chrétienne de Frank, 2e édit. revisée, Erlangen, 1884 ; trad. anglaise, Edimbourg, 1886. Voir Expérience religieuse, t. v, col. 1799, 1800. Cf..parmi les critiques protestants, H. Bois, De la certitude chrétienne, lassai sur la théologie de Frcuik, Paris, 1887. Ce « système » est présenté par son auteur comme une forteresse ou peut se réfugier le chrétien soucieux de sauver quelques dogmes : fondé sur une expérience certaine, il n’a pas besoin de documents historiques, de philosophie, et resterait debout, quand même les critiques arriveraient à démolir toute historicité des origines chrétiennes, quand même les scep ticiiics renverseraient 1 toute philosophie et réduiraient a néant ce qu’on appelle la raison naturelle. Op. cit.,

trad. anglaise, p. ION. Nous en donnerons l’analyse substantielle, qu’on ne trouverai ! pas ailleurs.

Voici d’abord le fait d’expérience. Dans sa conversion, le chrétien a conscience d’une transformation morale : un nouveau moi a succédé à l’ancien ; le vieil homme, caractérisé par la concupiscence, a cédé l’empire a l’homme nouveau de tendance contraire ; tout péché est un retour agressif de l’ancien mot. Op. cit.,

p. 117, 118, Puisque nous sentons le nmi naturel com-