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GALLICANISME


absolument obligatoire de la foi catholique, sous la sanction des’peines portées contre l’hérésie, est placée aussi dans ce concours et ce concert des deux éléments de la souveraineté spirituelle. Telle est la base essentielle de la constitution de l’Église, tels sont les principes essentiels sur lesquels elle repose depuis dix-neuf siècles. Bâtie sur le fondement divin de Pierre et des apôtres, cette Église de Jésus-Christ n’a pas eu à se plaindre jusqu’ici d’une constitution pondérée qui a fait sa force et sa gloire. » Préface, p. xx sq. 3° Condamnations du gallicanisme.

Si les

erreurs démocratiques sur la constitution ont été réprouvées de très bonne heure (Jean XXII, dans la bulle Licel juxla doclrinam du 23 octobre 1327, contre les doctrines de Marsile de Padoue, Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 496 sq.), les thèses gallicanes n’ont point subi de condamnation formelle avant le concile du Vatican.

1. Il est vrai qu’à l’issue du concile de Constance, Martin V fit lire en consistoire, sans la promulguer autrement, une. bulle contre la procédure des Polonais qui des décisions pontificales en appelaient au futur concile (10 mai 1418). Gerson ne se trompa point sur la portée de cet acte et il l’attaqua : c’était une réprobation implicite de la théorie de la supériorité conciliaire, mais ce n’était pas une condamnation explicite. On peut en dire autant des mesures analogues des papes postérieurs, en particulier des bulles de Pie II : 7/i minoribus agenles, rétractation des erreurs de sa jeunesse ; et Exsecrabilis, contre l’appel au concile, et de Sixte IV, de Jules II, etc.

2. D’autres déclarations pontificales indiquaient assez clairement la pensée de l’Église : de toutes les démarches, pourtant contradictoires, d’Eugène IV en conflit avec le concile de Bâle, ressortait sans doute possible sa volonté de respecter l’éminence des assemblées conciliaires, mais de ne pas accepter leur prééminence : lui-même barra ce préfixe hétérodoxe dans une pièce envoyée par les Pères ; il les accusa formellement de détourner les décrets du concile de Constance dans un sens contraire à celui de l’Écriture, des saints Pères et de l’assemblée même dont ils invoquaient l’autorité. La bulle Etsi non dubilamus (20 avril 1441) du même pape affirmait la primauté du Saint-Siège, son droit de contrôler et de réprouver au besoin les décisions conciliaires et de transférer ou dissoudre les conciles.

Au concile de Florence, le même pape (Lœtentur cseli, 6 juillet 1439, Denzinger, n. 694) avait défini la doctrine romaine en des termes sur lesquels on épiloguera jusqu’au concile du Vatican, mais dont le sens était contraire aux prétentions gallicanes. Au Ve concile du Latran, XIe session, le 19 décembre 1516, bulle Paslor œtcrnus, Denzinger, n. 717, Léon X avait dit pareillement que le pontife romain tout seul avait autorité sur tous les conciles.

3. C’est pourquoi il n’est pas surprenant qu’Alexandre VIII, dans le bref Inler multipliées, ait cassé les actes de l’Assemblée de 1682 : il s’était engagé à l’égard de l’ambassadeur de France à ne point frapper la doctrine ; son successeur, Innocent XII, s’engagea de même manière, auprès des cardinaux français, à ne pas exiger des membres de l’assemblée gallicane une rétractation du système gallican, mais l’un et l’autre pape ont tenu à affirmer la nullité d’une déclaration capable d’autoriser en France une théologie déjà plus que suspecte. Les papes qui les suivirent au xviiie et au xixe siècle adoptèrent la même attitude ; ils attendirent pour aller plus loin l’occasion d’un concile général.

4. On ne trouvera pas ici un aperçu des querelles qui précédèrent le concile du Vatican et se prolongèrent au sein des congrégations et assemblées plé nr>res ; il suffit d’indiquer par quelles définitions et par quels anathèmes furent condamnées les théories gallicanes les plus récentes sur la constitution de l’Église.

La constitution J’aslor œlernus, promulguée dans la IVe session, le 18 juillet 1870, présente dans ses chapitres une synthèse doctrinale à laquelle la plupart des systèmes gallicans ne peuvent être ramenés, et dans ses canons elle proscrit explicitement quelques-unes des théories gallicanes. Le c. I er décrit l’institution de la primauté. Le concile enseigne qu’au seul Pierre a été promise et conférée immédiatement et directement par le Christ la primauté de juridiction sur toute l’Église, et non pas dans l’Église. Cette primauté n’est pas une simple primauté d’honneur, et l’Église ne l’a pas reçue pour la transmettre à Pierre. Le c. n professe que, par la volonté de Jésus-Christ, l’Église doit perpétuellement rester fondée sur Pierre, vivant, présidant et jugeant dans ses successeurs. Le successeur de Pierre sur le siège de Borne reçoit du Christ la primauté de Pierre sur toute l’Église. Le c. m explique plus en détail la nature de cette primauté, et la synthèse catholique commence ici à diverger notablement des théories gallicanes. Après avoir renouvelé la définition de Florence, le concile ajoute : « De droit divin, l’Église romaine possède un primat de puissance ordinaire sur toutes les autres Églises ; la juridiction du pontife est vraiment épiscopalc et immédiate ; pasteurs et fidèles de tout rite de toute dignité, pris isolément ou en corps, sont obligés à une véritable obéissance à son égard, non seulement en matière de foi et de mœurs, mais encore de discipline et de gouvernement ecclésiastique… Au reste, bien loin de nuire au pouvoir ordinaire et immédiat des évêques établis par l’Esprit-Saint, et qui sont successeurs des apôtres et vrais pasteurs, chacun de son troupeau, cette puissance du pape l’assure, la fortifie et la défend… » Le pape est juge suprême de tous les fidèles qui, en toute cause ecclésiastique, peuvent recourir à lui ; personne ne peut rétracter sa sentence, juger son jugement, ni en appeler au concile général comme à une autorité supérieure.

Le canon est peut-être plus précis encore : il atteint directement bon nombre de théories gallicanes, et en particulier celles de Mgr Maret.

Si quis itaque dixerit, ro manum pontificem haberc

tantummodo ofïieium inspe ctionis vel directionis, non

autem plenam et supremam

potestatem jurisdictionis in

universam Ecclesiam, non

solum in rébus quee ad fidem

et mores, sed etiam in iis,

quae ad disciplinam et re gimen Ecclesiæ per totum

orbem diffusas pertinent ;

aut eum habere tantum

potiores partes, non vero

totam plenitudinem hujus

supremae potestatis ; aut hanc ejus potestatem non esse

ordinariam et immediatam

sive in omnes ac singulas

Ecclesias, sive in omnes et

singulos pastores et fidèles,

anathema sit.

Si donc quelqu’un dit que

le pontife romain a seule ment un ollice d’inspection

ou de direction, et non

pleine et suprême puissance

de juridiction sur l’Église

entière, non seulement poul ies choses qui regardent la

foi et les mœurs, mais

encore pour celles qui con cernent la discipline et le

gouvernement de l’Église

répandue sur toute la terre ;

ou s’il assure qu’il a seule ment la part principale,

mais non la plénitude de

cette suprême puissance, ou

s’il nie que ce pouvoir soit

ordinaire et immédiat, soit

sur toutes et chacune des

Églises, soit sur tous et

chacun des pasteurs et des

fidèles, qu’il soit anathèrae.

Le c. iv traite du magistère infaillible du pontife romain : à son occasion, les gallicans ont livré et perdu leur dernière bataille ; leur opposition n’a pas été sans profit pour la doctrine : grâce à eux, elle a été formulée d’une manière plus précise et plus nuancée : la primauté pontilicalecomprend lemagistère suprême.