Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.djvu/548

Cette page n’a pas encore été corrigée

10/

GALILÉE

L078

dans le corps de leur sentence ; ils font entendre assez clairement leur pensée quand ils déclarent que la doctrine copernicienne est « fausse et entièrement contraire à la sainte Écriture, » falsa ed omninamente contraria alla sacrae divina Scritlura.

Cette pensée se précise encore dans les termes de la condamnation de Galilée et dans la formule d’abjuration qui lui est imposée. Galilée fut condamné comme « véhémentement soupçonné d’hérésie, c’est-àdire d’avoir cru et soutenu une doctrine fausse et contraire aux saintes et divines Écritures, à savoir que le soleil est le centre de la terre et qu’il ne se meut pas d’orient en occident, et que la terre se meut et n’est pas le centre du monde, » d’avoir cru et tenu « qu’on peut soutenir et défendre une opinion comme probable après qu’elle a été déclarée et définie contraire à la sainte Écriture. » Tous les mots portent : les voici textuellement : vehementemenle sospetlo d’eresiacioè d’avcr creduloe lenuto dottrina falsae contraria aile sacree divine Scritture, che il sole., etc. ; e che si possa teneree difendere per probabile una opinione dopo csser dichiaralae definila per contraria alla sacra Scritlura. En conséquence, le coupable fut contraint d’abjurer, de maudire et de renier « les susdites erreurs et hérésies, » / ; ' suddctti errori ed cresie. Ainsi Galilée n’a pas été condamné comme hérétique, mais comme véhémentement soupçonné d’hérésie : non que la doctrine qu’il soutenait ne fût pas considérée comme une « hérésie » , mais parce que la preuve n'était pas faite qu’il y eût adhéré intérieurement ; car dans tous ses interrogatoires et même sous la menace de la torture, « il avait répondu catholiquement. » L’hérésie dont Galilée était soupçonné consiste évidemment dans cette opinion que « le soleil est le centre de la terre et ne se meut pas d’orient en occident, » etc. ; elle consiste aussi dans cette prétention que « l’on peut défendre et soutenir comme probable une opinion après qu’elle a été déclarée et définie contraire à la sainte Kcriture. » Ce sont ces < erreurs et hérésies » que Galilée fut contraint d’abjurer. Quand le P. Grisar dit que les mots : /(' suddctti errori ed cresie sont une formule banale et sans signification précise, empruntée par les juges de 1633 au Sacro arsenale qui formait le Direclorium des inquisiteurs, op. cit., p. 243, il tente en vain d'énerver la force que le Saint-Ofiice entendait donner à sa sentence et à la formule d’abjuration qui l’accompagne.

Tous les documents que nous venons de passer en revue sont donc dans un parfait accord et se complètent mutuellement. Les uns et les autres attestent que la doctrine copernicienne doit être qualifiée d' hérésie » , parce qu’elle « est contraire à l'Écriture. » El ces documents ayant un caractère officiel sont des source-, historiques de premier ordre. La question peut des lors être considérée comme tranchée.

On nous objecte d’autres documents. Bellarmin, nous dit-on, qui fut l’un des juges les plus autorisés du système copernicien, n’a-t-il pas déclaré dans sa lettre à Foscarini « que, s’il y avait une vraie démonstration prouvant que le soleil est au centre du monde l t la terre dans le troisième ciel, que le soleil ne tourne autour de la terre, mais la terre autour du soleil, alors il faudrait apporter beaucoup de circonspection dans l’explication des passages de l'Écriture qui paraissent contraires et dire que nous ne les entendons p., plutôt que de déclarer faux ce qui est dé montré.. Lettre à Foscarini M 2 avril 1615), dans lierii. Copernico < ! < vicende del sistema copernicano, Home, 1876, p. 121 sq. Le savant cardinal ne ligne I il pas ainsi qu'à ses yeux la démonstration de la théorie copernicienne n'était pas impossible, et que par conséquent la note d’hérésie ne pouvait, sans rite, bu ctr< appliqui i '

A cela nous répondrons : 1° dans l’esprit du cardinal, comme nous l’avons déjà remarqué, l’hypothèse qu’il indique est chose purement chimérique, bien qu’il la présente sous forme de doute ; 2° à supposer qu’il eût conservé réellement quelque doute sur la question en 1615 (15 avril), date de sa lettre, sa conviction était au moins fixée en 1616. Le 4 mars de cette année, l’ambassadeur Pierre Guicciardini annonçait au grand-duc de Toscane que le pape Paul V et Bellarmin affirmaient que l’opinion de Galilée était « erronée et hérétique, » et qu’ils tiendraient une congrégation pour la déclarer telle : Fecc Sua Sanlita chiamare a se Bcllarmino, e discorso sopra questo (alto jermarono che questa opinione dcl Galilco fusse erronea ed cretica : e per l’altro sento feccro una Congregazione sopra questo fallo per dichiarla talc. Alberi, Le opère di Galileo Galilei, t. vi, p. 227-228. Cette révélation ne jette-t-elle pas une lumière nouvelle sur le sens du décret du 5 mars 1616 ?

On nous objecte encore que, huit ans après ce décret, le pape Urbain VIII, dans une conversation avec le cardinal Hohenzollern, affirmait que l'Église n’avait pas condamné la doctrine copernicienne comme hérétique, mais seulement comme téméraire, et que du reste il n’y avait pas à craindre que personne fût jamais capable de la démontrer nécessairement vraie. Lettre de Galilée à Cesi, 8 juin 1624, dans Alberi, Le opère, t. vi, p. 296 ; Favaro, Le opère, t. xiii, p. 182.

Le rôle d’Urbain VIII dans l’affaire de Galilée est assez complexe. Nul doute qu'à l’origine le cardinal Barberini ait professé pour le savant florentin une vive admiration. N’allait-il pas jusqu'à lui dédier en 1620 une ode latine en dix-neuf strophes, dans laquelle étaient célébrées ses découvertes astronomiques ? Cf. Pieralisi, Urbano VIII c Galilco Galilei, Rome, 1875, p. 22. Lorsque parut le traité des Taches solaires qui était nettement favorable au système de Copernic, le futur pape y trouva « des choses neuves, curieuses, établies sur de solides fondements. » Favaro, Le opère, t. viii, p. 208. En 1623, à peine élevé sur le trône pontifical, Urbain VIII accepte la dédicace du Saggialore. Sa sympathie pour Galilée et ses théories scientifiques ont pu donner l’impression qu’il était partisan de la doctrine copernicienne. Cf. Aubancl, Galilée et l'église, Avignon, 1910, p. 88. Dans une conversation qu’il eut avec Campanella, il dit nettement, en parlant du décret de 1616 : « Si cette affaire nous eût regardé, ce décret n’aurait jamais été rendu. » Alberi, Le opère, t. ix, p. 176.

Mais Urbain VIII demeura-t-il fidèle à ces sentiments ? La suite des événements montre combien sa déclaration, pour sincère qu’on la tienne, étail aventureuse. Ce fut. en effet. Urbain VIII qui engagea le procès de Galilée devant le Saint-Office en 16 : 53 ; ce lut lui qui ordonna de menacer l’accusé de la torture, afin de lui faire avouer qu’il avait soutenu intentionnellement dans son Diulogo une doctrine hérétique, la doctrine copernicienne ; ce fut d’après ses ordres que le Saint-Office condamna Galilée à désavouer cette

doctrine, à l’abjurer, à la maudire, SanctissinUU decrevit. etc. Séance du Saint* Mlice, du 16 juin 1633 ; von déliter. Die Arien, p. 112 ; ms. du procès, loi. 151, On voit par là ce que valait la parole qu’il avait donnée de ne jamais rendre un décret pareil a celui (le 1616. 11 ne faudrait donc pas faire trop de fond sur les entretiens qu’il eut avec le cardinal I lohen/ollein et avec Campanella ; le langage qu’il tint en ces circonstance* se trouve démenti plus tard par ses propret actes.

Pour résumer cette discussion, disons donc ; 1° que contraire à la sainte Écriture » n’a jamais été une censure ccclésiasl jrpie et ne saurait l'être davantage