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GALILÉE


Cependant Galilée se tut pendant plusieurs années. 11 ne rompit le silence qu'à la suite d’une provocation qui provenait d’un professeur du Collège romain, le P. Horace Grassi, lequel attaquait directement, bien qu’avec certains égards, dans un livre intitulé : Libra astronomica, cf. Favaro, Le opère, t. vi, p. 111-171, la théorie copernicienne et les thèses de Galilée. Celui-ci ne pouvait manquer de relever le gant. Il publia son Saggiatote, « l’Essayeur » , Favaro, Le opère, t. vi, p. 199, sous forme de lettre adressée à Mgr Cesarini, qui allait devenir le mæstro di caméra d’Urbain VIII. L’ouvrage avait pour but de faire voir que le système de Copernic et de Kepler est en parfait accord avec les observations du télescope, tandis que le système de Ptolémée et des péripatéticiens est insoutenable, Galilée concluait que, le premier système étant condamné par l’autorité ecclésiastique' et le second par la raison, il fallait en chercher un autre. Malgré cette conclusion, le Saggialore était, au fond, une défense habilement conduite de la doctrine copernicienne. Le maître du sacré palais et ses théologiens ne s’en aperçurent pas. L’autorisation d’imprimer, délivrée le 2 février 1623, contient ces mots : « J’ai lu par ordre du maître du sacré palais cet ouvrage du Saggialore, et outre que je n’y ai rien trouvé de contraire aux bonnes mœurs ou qui s'éloigne de la vérité surnaturelle de notre foi, j’y ai reconnu de si belles considérations sur la philosophie naturelle que notre siècle, je crois, pourra se glorifier dans les siècles futurs, non seulement d’un héritier des travaux des philosophes passés, mais aussi d’un révélateur de beaucoup de secrets de la nature, qu’ils furent impuissants à découvrir ; ainsi le démontrent les ingénieuses et sages théories de l’auteur dont je suis heureux d'être le contemporain, parce que ce n’est plus avec le peson et approximativement, mais avec des balances très sûres, que se mesure aujourd’hui l’or de la vérité. » Alberi, Le opère, t. ix, p. 26. L’ouvrage fut offert au nouveau pape, le cardinal Barberini, devenu Urbain VIII, qui en accepta la dédicace. Alberi, Le opère, t. ix, p. 1.

Bien plus, le souverain pontife, « le lut, dit-on, avec grand plaisir. » Lettre de Rinuceini du 20 octobre 1623, Alberi, Le opère, t. xiii, p. 154. Flatté d’un tel hommage rendu à son livre, Galilée se prit à caresser de hardis projets pour l’avenir. Dans un voyage qu’il fit à Rome en 1624, il eut avec le pape Urbain VIII jusqu'à six entretiens assez longs. Espérait-il pouvoir faire rapporter le décret de 1616 ? Cela n’est pas improbable. Un de ses partisans, le cardinal Hohenzollern, crut pouvoir inviter Urbain VIII à se prononcer en faveur du système héliocentrique. Le pape se hâta de répondre que cette doctrine n’avait jamais été condamnée comme hérétique, et que personnellement il ne la ferait jamais condamner, bien qu’il la considérât comme très hasardée : « Du reste, il n’y avait pas à craindre que jamais on pût en démontrer la justesse et la vérité. » Lettre de Galilée à Cesi, 8 juin 1624, dans Favaro, Le opère, t. xiii, p. 182.

Malgré la haute estime qu’Urbain VIII professait pour Galilée et dont on a maints témoignages positifs, cf. notamment la lettre que le pape adressait le 8 juin 1624 au grand-duc de Toscane et qui contient un éloge extraordinaire du savant astronome, Favaro, Le opère, t. xiii, p. 183-184, il n’est pas vraisemblable qu’il se soit prêté à une revision du procès de 1616. Galilée’n’en rapporta p’as moins à Florence la conviction que le système copernicien ne pouvait être condamné comme hérétique. Son ardeur scientifique s’en accrut d’autant. Il conçut un grand ouvrage dans lequel il développait les idées déjà insinuées dans le Saggialore sur les deux systèmes du monde qui

se partageaient les esprits. Il y travailla sept ou huit ans. Dans une lettre en date du 24 décembre 1629, qu’il adresse au prince Cesi, fondateur de l’Académie des Lincei, dans Favaro, Le opère, t. xiv, p. 60, on voit que l'œuvre était presque achevée.

Elle ne parut cependant qu’en 1632, sous ce titre : Dialogo di Galileo Galilei Linceo malemalico sopraordinario dello studio di Pisae filosofoe malemalico primario del serenissimo Granduca di Toscana : dove nei congressi di quallro giornale si discorze sopra i due massimi sisiemi del mondo, Tolemaicoe Copernicano, I roponendo indeterminalamente ragioni filosofiche e naturali tanlo per l’una quanlo per l’altra parte. Favaro, Le opère, t. vii, p. 20-489.

La publication avait souffert d'énormes difficultés. Galilée aurait souhaité de la faire imprimer à Rome. Mais le P. Riccardi, maître du sacré palais, qui avait si bien accueilli le Saggialore, reconnut que l’auteur, dans ce nouvel ouvrage, loin de proposer le système de Copernic comme une hypothèse mathématique, en parlait en termes qui formaient un essai de démonstration scientifique. Il ne fallait pas songer à le mettre au jour dans cet état. Le P. Riccardi proposa donc d’y introduire certaines corrections, que Galilée admit en principe. L’autorisation d’imprimer lui fut accordée à ces conditions. Favaro, Le opère, t. xiv, p. 258, lettre de Galilée à Cioli ; von Gebler, Die Aclen, p. 52 sq. ; ms. du procès, fol. 387 sq.

Bientôt cependant, par suite de circonstances qu’il serait trop long d’indiquer ici, il fut contraint de remporter son manuscrit à Florence. Là, il le soumit à l’examen de l’inquisiteur, qui lui donna V imprimatur sous les réserves qu’avait faites le P. Riccardi. C'était un succès, ce semble, mais un succès qui pouvait devenir dangereux. N'était-il pas à craindre que Rome ne jugeât sévèrement le procédé de l’Inquisition florentine ? Pour comble d’imprudence, Galilée mit en tête de son livre, avec l’imprimatur de l’inquisiteur et du vicaire général de Florence, celui du P. Riccardi, qui n’avait été accordé que sous conditions et conditions non remplies. Cf. von Gebler et le ms. du procès, loc. cit.

Il suffisait d’ouvrir le volume pour comprendre les justes appréhensions du maître du sacré palais. Les interlocuteurs du dialogue s’appelaient Segredo, Salviati et Simplicio : les deux premiers, savants amis de Galilée, l’un Florentin, l’autre Vénitien, déjà morts, soutenaient le système copernicien ; le troisième, dont le nom avait été emprunté à un commentateur d’Aristote, défendait la théorie de Ptolémée. Mais il était visible que Simplicio ne jouait son rôle que pour la forme : les raisons qu’il alléguait ne servaient qu'à mettre en valeur la force des arguments de ses contradicteurs. On accusa même Galilée d’avoir mis les arguments favorables à Ptolémée « dans la bouche d’un sot. » Cf. Von Gebler, Die Aclen, p. 56 ; ms. du procès, fol. 389 v°.

Dès que l’ouvrage fut connu à Rome, il souleva une tempête de colères et de réclamations. On devine d’où venait ce « fracas » , comme parle Galilée. Lettre du 17 mai 1632. « Il a écrit son livre contre le sentiment commun des péripatéticiens, » Alberi, Le opère, t. ix, p. 275, disait le P. Scheiner, jésuite. Ce que l’auteur avait le plus à redouter, remarque à son tour Campanella, récemment sorti des prisons du gouvernement espagnol, « c'était la violence des gens qui ne savent rien. » Alberi, Le opère, t. ix, p. 284.

Les sévérités de l’autorité ecclésiastique, jusque-là favorable à l’auteur, en raison des sentiments de piété et d’obéissance qu’il avait toujours montrés, étaient aussi à appréhender. Le P. Riccardi pouvait se plaindre qu’on eût abusé de sa complaisance, voire de sa signature. Le pape se reconnut-il, comme on l’a prétendu, dans le Dialogo, sous le personnage un peu ridicule de