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GAIANITE (CONTROVERSE)

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apprehendil ; unde debuil per omnia fralribus assimilari. Heb., il, 14 sq. Ces textes disent d’une manière suffisamment claire que Jésus-Christ a pris une chair naturellement passible, soumise aux mêmes infirmités que la nôtre, hormis la concupiscence, et qu’il nous est devenu consubstantiel, non seulement dans les grandes lignes, mais encore dans les moindres traits qui ne portent pas le stigmate du péché ou de ce qui y conduit par une pente naturelle, debuit per omnia fratribus assimilari. Julien prétendait au contraire que Jésus-Christ nous était consubstantiel seulement par l’essence, —rj oùcr’a, non par la passibilité, -c> —afkïv. Il y a là une restriction arbitraire qui ne cadre pas avec l’affirmation de l’apôtre. Nous avons vu que les Pères avaient rejeté cette restriction. L’un d’entre eux a même prononcé le mot d’hérésie en parlant de la doctrine de Julien et de ses disciples. Dans sa Lettre synodique à Scrgius, qui fut lue et approuvée à la xie session du VIe concile œcuménique, saint Sophrone, patriarche de Jérusalem, écrit : ’loj/.avo ; ô’AXixapvaaasuç, <PeXixiroiu.OÇ, Tai’avo ; ’<>’AXcÇavSpeijç, àç’ci>v f, tôv r<xïaviT « dv fîyo’jv’IouXiavwrûv în.yfyov :  ; atpsaiç. P. G., t. lxxxvii, col. 3192. Et ce Père avait de la doctrine gaianite une connaissance très exacte, comme on le voit par un autre passage de sa Synodique, où il formule clairement la thèse orthodoxe sur la passibilité du corps de Jésus-Christ en faisant une allusion évidente à l’erreur julianiste : Il a revêtu un corps passible, mortel et corruptible, soumis à nos infirmités naturelles et irrépréhensibles : et il l’a laissé agir et souffrir conformément à sa nature propre jusqu’à la résurrection d’entre les morts… Ces infirmités humaines étaient chez lui à la fois volontaires et naturelles. » Ibid., col. 3173.

Le concile de Latran, tenu sous.Martin I er en 649, déclare dans son 4e canon que Jésus-Christ a été passible dans sa chair, passibilem carne, et impassible dans sa divinité. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 257. Le IV concile de Latran (1215) enseigne encore plus explicitement dans sa définition contre les vaudois la passibilité du corps du Christ : Qui cum secundum divinilalem sil immortalis et impassibilis, idem ipse secundum humanitatem jactus est passibilis et morlalis : quin cliam pro sainte humani generis in ligna crucis passus et mortuus. Ibid., n. 429. Le concile distingue bien entre la capacité et le fait de souffrir : passibilis, passus. Nous trouvons la même doctrine dans le Décret pour les jacobiles du concile de Florence : immortalis et œternus ex natura divinitatis, passibilis i tanporalts ex condilione assumptæ humanitatis. Ibid., n. 708. On ne voit pas comment on pourrait faire concorder la thèse gaianite avec ces déclarations. Thomassin, dont nous avons rapporté tout à l’heure un passage un s accuse nettement l’opposition entre la doctrine orthodoxe et la doctrine julianiste, cependant de montrer qu’on pourrait ramener introverse a une logomachie : Num errare p<riclilatur, dit-il. qui carni ipsi Christi ut deificalæ jus quoddam ingens adsignal et velui naturam nihil patiendi, niltil dolendi ? Nonne carnis de Spirilu Sanclo conab omni ii>"<ii<, purse, tola Verbi deilate perfusæ, natura seu naturalis prærogaliva est ut a dolore cl li quavis necessitate vacet ? Cum ergo caro Christi ipirilualiter, non carnalitcr formata sit, cum tota saitdilate pollla <t quasi concrela sit, cum Verbo (cela sil, prou/ li.rr ejus conditio expenditur, nulla ci patiendi itas imminebal, quinimo naturalis incral immunités Incral ergo mini c.lirisii radix intima Imposaibtlltalis, sanctilns m mu uni et deltas, quanquam corni cl veluti recepta m interiores lalebras et deilate nctltale nalivee mm permtlteretur passibiltlatl. llaque utrique dicendi modo locus est, nec aller allcrum perimit. Num dici potest, ni vulgo dicitur, et passibilem

naturaliler fuisse carnem Christi et miraculo præslilum ne quandoque pateretur ; ac rursus dici potest ut dixil Philippus Abbas, et impassibilem naturaliler esse carnem Christi, et miraculo effeclum lamen esse ut pateretur ? Sola hic verborum compugnantia est, quæ nefas est ut graves inter se theologos commillat. Ubi enim caro Christi naturaliler impassibilis dicitur, non caro mera speclatur, sed caro subslantiva et sanctilale et deilate Verbi concrela, cui ut in tantam proveclie sublimitalem naturalis hxc et légitima adhæret prxrngativa, nihil ut doleat vel patiatur ; atque ideo cui vel dolere vel pâli non accidat citra id miraculum, quo prærogaliva hsec et Verbi Dei impassibilitalis in suam carnem naturale effluvium cohibeatur. Ubi autem caro Christi naturaliler passibilis dicitur, vel caro mera, vel caro adglulinali sibi Verbi prærogativis nonnullis fraudaia allenditur, cui ila nudee et naturale est pâli, el miraculo oblingit non pâli. De incarnalione Verbi, 1. IV, c. xin. Nous n’hésitons pas à déclarer que ces explications de l’illustre oratorien manquent de clarté et de précision et sont grosses d’équivoques. S’il veut dire que la chair du Christ, par le fait de la conception virginale et de l’union hypostatique, avait un droit incontestable au privilège de l’impassibilité, personne ne protestera. S’il veut dire encore que l’âme de Jésus-Christ jouissant de la vision béatifique portait en elle la vertu de glorifier son corps et de le rendre impassible, vertu qui par une disposition de la providence 01 ail arrêtée dans son exercice d’une manière habituelle, les théologiens seront de son avis. Mais s’il entend affirmer que la chair du Christ possédait en elle une sorte de qualité intime, don du Verbe, qui la rendait naturellement et normalement impassible et la faisait par là même différer de la nôtre, de telle sorte qu’elle ne pouvait souffrir que par une sorte de miracle et de dérogation aux lois intimes de sa nature, c’est là du julianisme le plus pur ; c’est inacceptable au regard de l’orthodoxie, et si ce n’est pas une hérésie au sens strict du mot, cela s’en rapproche très fort. Sans doute il faut reconnaître que, tout comme la plupart des hérésies orientales, le julianisme est quelque chose de très subtil, mais on arrive quand même à fixer le point précis où l’erreur se cache. Affirmer que le corps du Sauveur était impassible par nature avant comme après la résurrection, c’est tenir un langage que ne tolère pas l’orthodoxie, même si l’on ajoute que ce corps souffrit en fait par miracle.

La plupart des sources citées à l’article précédent sont à consulter pour l’exposé doctrinal. Il faut y joindre les ouvrages et travaux suivants : Sévère d’Anlioche, Liber ml

Jullanum Halicarnassensem, dans Mai. Splcilegium romanum, Rome, 1844, t. x a, p. 169-201 ; Léonce de Byzance,

Contra Xrstnriiun ri Eulychen, ii, /’. (’.. t. LXXXVI, col. 1317-1353 ; Jean de Bcith-Aphtonia, Vit’le Sévère, dans la l’alrologia or icntalis de Grallin-Nau. t.n, p. 251-252 ; Jean de Jérusalem (entre 574 el 577), l.rllrr mi CatholtCOS Abjs

d’Albanie, 11, dans VOrlens christianus, aouv, série, t. n (1912), p. 71-72 ; S. Anastase d’Antloche, De passlone el impasslblli, 1’. a., t. lxxxix, col. 1347-1356 ; Théodore de Haithou, De Incarnalione, /’.e ;., i. kci, col. 1497-1 >00 ;

S..Jean I >amasccnc, De fuir orlhodoXO, I. III, c. xx. xxviii,

/*. C, I. xr.iv, col. 1081-1084, 1097-1100 ; Théodore Abou

ear.a, Opuscul., IV’, P. <i., t. xc n. cul. 1517-1521 : S. lui

gence, Bplst., xviii, ml Reglnum cotnitetn, /’. /, ., t. lxv, col. 491 sq. ; Photlus, Blbllotheca, 112. /’. < ;.. I. Mil. col. 153-457 ; Clément d’Alexandrie, Strom., VI, c. ix.

/’. G., I. i. cul. 2’.I2 ; S. Iljlairc de Poitiers, I h liini

taie, I. X, 2 : 1, /’. /… i. s, col. 381 s (| ; Raugchen, Die Lettre’hs id. Htlarlu » ttber dit Letdensfàhtgkelt Christi, dans Vûbtng, Theolog. Quartalschrtft, 1905, p. 12 1 *q. ; Philippe de Harveng, EpUlohe, /’. /… 1..111….1. 34-86, 170-180 ; s Bernard, De Bplphania Dotnlnl sermo, 1, /’. /.., 1. 1 lvwnr, cul. 1 1 : ’, ; Hugues de Salnt-’V Ictor.De racramentfs, I. ii, pari. I, c. vu. I. /… 1. 1 1 wv 1. col. 389 390 ; P. Loin bard, Sent., I. III. disi. 1. ; -. /.., 1., uni, col. 1078 ; s. Thomas, Sum. iheol., III", q. xiv, xv, a. 4, 5 ; In Il Senl,