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FOI


et prenant £).th^o|xév(ov au passif (cj qui est plus naturel, et conforme aux Pères grecs), traduit sperandarum rcrum. Parmi ceux qui placent la virgule avant, quelques-uns prennent È).7ti’o jj.Iv uv au moyen, avec un sens actif, suivant une traduction de saint Augustin (moins autorisé que les Pères grecs pour décider ici entre le passif et le moyen) : Fides est spcranlium subslanlia. Loc. cil. Certains protestants anciens tenaient à ce speranlium, et ils remplaçaient subslanlia par exspeclalio, attente (ce qui est un des sens possibles du grec jttôcttxt :  ;). Même ainsi, on ne nous enlève pas le sens de simple croyance : attendre est un mot ou une idée vague, qui peut exprimer un fait intellectuel aussi bien qu’un phénomène affectif : « je l’attends pour demain, » c’est-à-dire je crois qu’il viendra demain ; et ces mots du symbole de Constantinople, Elexspecto resurrectionem morluorum, disent-ils au fond autre chose qu’une croyance ? Mais de plus, cette traduction exspectalio ne s’impose pas. On nous apporte tel exemple du mot ûmSaTao-i ; dans les Septante, où il répond assez bien, d’après le contexte, à l’idée d’attente. Soit ; mais ce mot grec se prête également et mieux à plusieurs autres sens. « Employé 18 fois par les Septante (en ne considérant que les livres protocanoniques), il représente 15 différents mots hébreux. » Hatch, Essays in biblical (jreek, Oxford, 1889, p. 88. On trouverait difficilement un mot plus élastique et plus imprécis. D’où nous sommes en droit de tirer deux conclusions : 1. Dans Heb., xi, 1, nous sommes en face de deux membres de phrase qui se balancent, se répondent, de deux titres de la foi, : jii<jr ; -<xrsic…, êO.syyo ; … L’un doit être à peu près l'écho de l’autre : nous le voyons, soit par la correspondance des mots très clairs ÈXiriÇo[jtivwv d’un côté, où p).E710jj.£V(ov de l’autre, cf. Rom., viii, 24, 25, soit parce que les deux membres sont une double définition de la même chose, sans parler des habitudes du parallélisme hébraïque. Westcott l’a remarqué : « L’interprétation de ces deux mots doit être coordonnée ; ils doivent décrire la foi sous le même aspect général. » Epistle to the Hebrews, 3e édit., Londres, 1906, p. 352. Ceci posé, ÛTiôir-raTic, très obscur, devra être expliqué par son correspondant 'û.eyy/j ;, d’un sens parfaitement défini et incontesté ; il devra donc être ramené, d’une manière ou d’une autre, au sens intellectuel de conviction et de croyance ; à moins d’expliquer, comme font ici plusieurs, le clair par l’obscur I 2. Dans cette obscurité du mot JTtorTTacni :, il est raisonnable de préférer l’explication des Pères grecs, excellents interprètes qui ont bien une certaine autorité dans leur langue maternelle. Saint Jean Chrysostome donne à ce mot le sens très conforme à son étymologie, de subsistance : la foi-croyance fait subsister « les choses que nous espérons » et qui ne sont pas encore, notre future béatitude, etc. ; elle leur donne déjà, dans notre esprit, une réalité subsistante, elle en est aussi certaine que si elle les voyait ; sens qui va rejoindre celui du second membre. Homil., xxi, in Heb., n. 2, P. G., t. lxiii, col. 151. Même sens dans Théodoret, In Heb., P. G., t. lxxxii, col. 758 ; et dans l'évêque africain Primasius. In Heb. commentaria, P. L., t. lxviii, col. 758. Saint Grégoire de Nysse explique ici JTidiTTaci ; par spôio^a, soutien, appui : la cité céleste qui attire notre espérance et nos vœux, et qui n’est évidente ni aux sens ni à la raison naturelle, flotterait en l’air comme un vain fantôme, si la foi-croyance ne lui donnait un solde appui. De anima et resurrectione, P. G., t. xlvi, col. 95. On le voit, ces interprétations des Pères, quoique prenant le mot ûiroaTaTi ; en deux sens différents, rendent au fond la même pensée, qu’pn peut retrouver aussi sous le mot vague sub^tantia de la Vulgate (de sub stare), en le rattachant soit à l’idée de subsister, soit à celle de sustenter. La plus ancienne des versions, la syriaque, dit à peu près de même : « La foi est la persuasion des choses qu’on espère, comme si elles existaient déjà réellement. » Voir Corluy, Spicilegium dogmalico-biblicum, Gand, 1884, t. il, p. 21' » . A cela revient l’interprétation que préfère le P. Prat : « La foi… est la réalité des choses que nous espérons, en tant qu’elle… empêche nos espérances d'être vaines ou fantastiques. » Op. cit., p. 543. La version officielle anglicane (revisée) ne s'écarte pas du sens intellectuel que nous défendons, quand elle traduit « l’assurance des choses espérées. » Le dictionnaire de Hastings, art. Hope, remarque qu’au mot assurance on pourrait presque substituer le mot fondement, t. il, col. 412. L’un ou l’autre rend la pensée des Pères, et répond assez à l’autre membre ï'/-. ; //j : …, que la version anglicane rend par proving, preuve, et Hastings par conviction.

Fermeté de la foi chrétienne.

Ce mot rappelle

à l’imagination l’attitude d’un homme qui ne chancelle pas, qui pose sur le sol un pied ferme. Dans l’ordre intellectuel où nous sommes, chanceler, vaciller, c’est douter : dire que la foi est « ferme » , c’est donc dire qu’elle exclut le doute, la fluctuation de l’esprit, qu’elle a cette fixité requise pour la certitude. Fixité au moins pour le moment : car nous ne prenons pas ici le mot « ferme » , comme on le prend souvent, pour indiquer la constance, la persévérance ; nous ne parlons pas encore de la fermeté habituelle de la foi, mais seulement de sa fermeté actuelle. — Dans notre étude sur la foi ferme, nous verrons : 1. sa preuve positive ; 2. sa raison d'être ; 3. son contraire, l’opinion, mêlée d’un certain doute ; 4. l’explication de quelques difficultés.

1. Sa preuve positive.

a) L'Écriture. — Revenons à Heb., xi, 1, où la foi est appelée 'ù.t^yoz. Le verbe i/£--/Go, d’où vient ce substantif, signifie, non pas avancer une preuve quelconque, mais une preuve décisive, qui ne permette pas de douter, d'échapper. Les Juifs alléguaient contre le Christ des griefs quelconques, mais ils ne pouvaient le convaincre de péché, ÈÀlyyeiv. Joa., viii, 46. « Le Paraclet… convaincra le monde, » iéy& :, Joa., xvi, 8, évidemment par une preuve complète, de manière à produire la conviction. « "EXefXOî » affirme saint Chrysostome, se dit de ce qui est tout à fait manifeste. » Loc. cil. « C’est, dit l’auteur de la Rhétorique à Alexandre, une espèce d’argument ou de réfutation qui prouve j que la chose ne peut pas être autrement que nous le 1 disons, » c. xiii, dans Aristotclis opéra, édit. F. Didot, t. i, p. 429. Sous ce mot qui caractérise la foi, tout concourt donc à montrer la conviction, l’absence du doute.

Abraham nous est présenté comme modèle de la foi qui dispose à la justification. Rom., iv, surtout 18-24. Or le trait distinctii de sa foi, celui sur lequel saint Paul appuie dans ce long passage, c’est la fermeté. Il y insiste, tantôt sous forme négative : « (Abraham) ne fut pas infirme dans la foi ; il ne considéra pas » les apparences contraires au miracle promis qui auraient pu lui donner des doutes imprudents : il ne se laissa pas allei au doute, à l’incrédulité. Voir plus haut, col. 68. Tantôt sous forme positive : i II fut fort dans la foi » ou « par la foi. » Il fut « pleinement convaincu, iùr t poyopvfleiç, que Dieu a la puissance d’accomplir sa promesse, » 19-21. Remarquons la force de cette dernière expression. IlXïipoçopfa, dit Sanday en commentant ce verset, « c’est une pleine assurance, une ferme conviction, cf. I Thés., i, 5 ; Col., ii, 2 ; mot spécialement en usage chez les stoïciens. Le verbe xr i çrj ?oç, z~.'7f)xi, appliqué à une personne, équivaut à être pleinement