Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.djvu/509

Cette page n’a pas encore été corrigée

999

GAIANITES

1000

    1. GAIANITES##


1. GAIANITES, secte monophysite née au début du ve siècle, au sein de ce qu’on a appelé le monophysisme sévérien, c’est-à-dire du parti monophysite hostile à la fois aux formules dyophysites du concile de Chalcédoine et à l’erreur eutychienne proprement dite. Les gaianites ou gaianistes, iV’.’avïxai, raïavïaTai, furent ainsi appelés du nom de leur premier évêque, Gaianos, dont il sera parlé tout à l’heure. On leur donne encore les noms suivants : 1° julianistes, de leur principal théologien et véritable fondateur, Julien d’Halicarnasse ; 2° aphlluirlolûtrcs ou incorruplicoles, à cause de leur doctrine sur l’incorruptibilité du corps de Jésus-Christ avant la résurrection ; 3° aphlhartodocètes et phanlasiasles, à cause des erreurs qu’on leur a prêtées et qu’on a déduites de leur théorie christologique ; 4° enfin, Anastase le Sinaïte, Hodegus, c. xxiii, P. G., t. lxxxix, col. 296, les appelle nagranites, Naypavfxai, et j’ignore pourquoi.

Sur l’ensemble de la christologie, julianistes et sévériens étaient d’accord. Les uns et les autres ne voulaient reconnaître en Jésus-Christ qu’une seule cpûaiç, tout en maintenant contre les eutychiens que l’humanité et la divinité restaient sans confusion. Les premiers cependant se montraient plus strictement monophysites dans la terminologie que les seconds, et refusaient d’admettre, à la suite de Sévère, la permanence et la différence des propriétés en qualité naturelle, toidxïixa ; <5>s Èv xroidxr)Tt çuaixf ;, après l’union. Pour eux la propriété, îoioTriç, était unique comme la epau. C’est du moins ce qui ressort du témoignage de l’auteur du De seelis, de celui d’Anastase le Sinaïte et de celui de saint Jean Damascène. Le premier écrit : « Confessant que les termes unis sont sans confusion, les gaianites ne veulent en aucune manière entendre parler de différence ou du nombre deux, mais ils affirment qu’après l’union les ternies unis forment quelque chose d’unique. Les théodosiens ou sévériens, au contraire, confessent que les parties dont est formé le Christ sont différentes, bien que le résultat soit unique : ôpLoXoyoù’vxeç àa’jyyuxa eïvai Ta ÉvwOévxa, oùy. àvéyovxai oXco ; où8è Siacpopàv ebteïv, où8’oXtoç xô 8ûo ovop.àaai, àXk’é’v xt xà évtoOsvxa jj.sxà xrjv é’vtoaiv Xéyouaiv. De seelis, act. VII, 4, P. G., t. lxxxvi, col. 1245. Anastase le Sinaïte dit également que, tandis que les sévériens reconnaissent deux propriétés après l’union, la divine et l’humaine, les gaianites n’en confessent qu’une, la divine et l’impassible, /.ai jiiav ioto’xrjxa ir.’aùxoù, xoûx’É’axi Beïxrjv xaî àra6f, . Hodegus, loc. cit. Enfin, saint Jean Damascène déclare qu’entre les deux sectes il y a entente, sauf en ce qui regarde la différence des propriétés et l’incorruptibilité du corps de Jésus-Christ. De hæresibus, 84, P. G., t. xciv, col. 756.

C’est, en effet, sur cette question de l’incorruptibilité ou plutôt de l’impassibilité du corps de Jésus-Christ que Julien et Sévère se brouillèrent. La rupture se produisit au début du règne de l’empereur Justin (518-527), en Egypte, où s’étaient réfugiés les évêques monophysites expulsés de leurs sièges dans le reste de l’empire. D’après Liberatus, Breviarium causse neslorianorum et culijchianorum, c. xix, P. L., t. lxviii, col. 1033-1034, ce fut un moine qui donna occasion à 1 à querelle. Il demanda à Sévère s’il fallait dire que le corps de Jésus-Christ avait été corruptible ou bien incorruptible. Le patriarche monophysite répondit que les saints Pères avaient déclaré que le corps du Christ avait été corruptible. Cette réponse circula vite dans les milieux monastiques et populaires d’Alexandrie, où elle lit sans doute scandale. Une députation de fidèles de la ville alla trouver Julien d’Halicarnasse, qui résidait dans les environs, probablement à Ennaton, et lui demanda son avis sur la question. Julien se prononça dans un sens opposé à

celui de Sévère : Me dixil, écrit Liberatus, sanctos Patres contraria dicerc ; ce qui peut signifier que les saints Pères ont dit le contraire de ce que leur faisait dire Sévère, ou bien que les Pères ne s’entendent pas entre eux sur la question. C’est probablement à la suite de cette consultation que Julien écrivit le traité (Xo’yoç) contre les dyophysites signalé par le pseudo-Zachariele Rhéteur, K.Ahrens et G. Kriiger, Die sogennante Kirchengeschichte des Zacharias Rhctor, ix, 9, p. 177, où il cherchait à concilier entre eux les textes patristiques, particulièrement ceux qui étaient extraits des écrits de saint Cyrille d’Alexandrie, de manière à leur faire dire que le corps de Jésus-Christ avait toujours été incorruptible, aussi bien avant qu’après la résurrection.

Là-dessus, il entama une correspondance avecSôvère dont on lui avait rapporté la réponse à la question du moine. Une première lettre accompagnée du traité susdit demandait respectueusement à l’ex-patriarche d’Antioche son avis sur la controverse qui commençait à agiter les esprits à Alexandrie. Sévère fit attendre sa réponse ; il aurait voulu écarter une discussion capable de jeter la division dans le parti antichalcédonien. Cependant, ne pouvant se dérober, il écrivit à Julien qu’il trouvait dans son traité des propositions insoutenables, sans s’expliquer davantage. Dans une seconde lettre, l’évêque d’Halicarnasse revint à la charge, affirma nettement sa doctrine sur l’incorruptibilité du corps du Christ et pria son correspondant de lui montrer en quoi il s’écartait du chemin tracé par les saints Pères. Cette fois encore, Sévère évita d’engager la lutte à fond ; il prétexta sa mauvaise santé, qui l’empêchait de répondre point par point à l’ouvrage de Julien, saisit habilement l’occasion que lui fournissait la lettre de celui-ci de concilier les passages de saint Paul et de saint Jacques relatifs au rôle des bonnes œuvres dans la justification, digression qui lui permettait d’écarter le véritable objet du débat, et termina en manifestant sa surprise de la publicité que Julien avait donnée à son xdtxo ;. Voir les deux premières lettres de Julien avec les réponses de Sévère dans le pseudo-Zacharie le Rhéteur, op. cit., p. 177-188, et dans Michel le Syrien, Chronique, 1. IX, c. xxvii, édit. Chabot, Paris, 1902, t. ii, fascicule 2, p. 224-235. Dans une troisième lettre, Julien s’emporta et reprocha à Sévère l’attitude dédaigneuse prise à son égard ; il se posa en incompris et, pour mieux s’expliquer, composa un ouvrage intitulé : Additions et une Apologie. Dans sa troisième réponse, Sévère prit la peine de justifier sa conduite en faisant l’histoire de la controverse ; prévoyant que toute entente était impossible avec l’évêque d’Halicarnasse, il rompit ouvertement avec lui et réfuta ses Additions et son Apologie. Ces réfutations sont conservées dans des traductions syriaques. L’ouvrage contre les Additions en particulier se trouve dans le cod. Valic. 140 et dans le cod. Addit. 12158 du British Muséum. Mai, Spicilegium romanum, Rome, 1844, t. x a, p. 169-201, en a donné de larges extraits. Le patriarche monophysite revient à plusieurs reprises dans sa correspondance sur la controverse avec Julien, notamment dans la lettre qu’il écrivit en 533 à l’empereur Justinien pour s’excuser de ne s’être pas rendu à Constantinople sur son invitation. Pseudo-Zacharie, op. cit., p. 201-204. Cf. Lebon, Le nwnophysisme sévérien, Louvain, 1909, p. 173-175. Il dut également batailler contre les partisans de Julien, notamment contre Romarins et Felicissimus, qu’il attaqua dans un ouvrage spécial.

De son côté, Julien déploya une grande activité pour défendre et propager sa doctrine. En dehors Additions et de l’Apologie, les manuscrits syriaques signalent de nombreux écrits de lui, en particulier un traité contre les eutychianistes et les manichéens,