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idées rencontrèrent, d’abord, une formidable opposition ; on l’accusa de reconnaître l’usure et de vouloir la favoriser, mais le Ve concile de Latran lui donna raison. Tout en reconnaissant qu’il serait désirable et plus parfait que les monts-de-piété prêtassent gratuitement, il déclarait que le fait d’exiger un intérêt modéré pour couvrir les frais de l’œuvre ne constituait pas, de la part de ces établissements charitables, une pratique condamnable et usuraire. Le 9 mai 1515, Léon X publiait un décret dans lequel il disait : Defïnimus montes pielalis in quibus, pro eorum expensis et indemnitatc, aliquid modération ad solas minislrantium impensas et aliarum rerum ad illorum eonservalionem perlinenlium, pro eorum indemnitate dumlaxat, ultra sorlem, absque lucro eorumdem montium recipitur, neque mali specicm præferre, neque peccandi incentivum prsestare, neque ullo pacto improbari. Ve concile de Latran, sess. x, Denzingcr-Bannwart, Enchiridion, n. 739 (C24). On n’autorisait le prélèvement d’un intérêt que dans la mesure où il était nécessaire pour faire face aux frais d’administration, mais le principe de la non-gratuité du prêt était consacré et, peu à peu, on arriva a des taux, gui, tout en restant modérés, permirent aux monlsde-piété d’augmenter leur capital et d’étendre leurs opérations. De l’Italie, ces établissements se répandirent dans les autres pays. Des ordonnances royales de 1626 et de 1643 réglementèrent leur fonctionnement en France, où il s’en était fondé de nombreux, dès le xvie siècle. La Révolution les supprima, mais ils furent rétablis par l’ordonnance du 12 janvier 1831. Ils sont les seuls établissements de prêt sur gage autorisés ; ils se trouvent investis d’une sorte de monopole, la loi du 12 pluviôse an XII ayant ordonné la fermeture de tous les établissements privés. Depuis longtemps, ils ont passé du contrôle de l’Église sous celui de l’État, et les emprunteurs n’y ont pas gagné. Tout bien compté, les monts-de-piété, qui, dans la pensée de leurs fondateurs, étaient destinés « à remédier aux maux infinis de l’usure, » font payer, sous diverses formes, à leurs clients un intérêt qui n’est pas inférieur au taux légal. Le droit français reconnaît, sous le nom de nantissement, le contrat de gage et le Code civil en détermine les conditions. Cf. a. 2071 sq. IN’. Choses qui peuvent être données en gage. — Chez les Hébreux, il était défendu de prendre en ^age les objets de première nécessité : le manteau de la veuve, Dent., xxiv, 17 ; les deux meules ou seulement la meule de dessus du moulin, sans lesquelles il était impossible de moudre le grain nécessaire à la subsistance de la famille. Deut., xxiv, 6. Si l’emprunteur se trouvait dans un dénûment tel qu’il n’eût que son manteau pour se protéger contre la fraîcheur des nuits, le créancier était tenu de le lui rendre le soir, quitte a le lui reprendre le lendemain. Lxod., xxii. 25. I.e droit canon interdisait de livrer en gage, sauf le’; is (l’extrême nécessité, les vases sacrés, les ornements servant aux cérémonies du culte, les livres liturgiques, i tiques « les sainte et les vaisseaux qui les renièrent : Xiillus presbijter præsumat calicem vel palenamvel vestimentum sacerdotale aul libruw ecclesiaslinmi labernario vel negolialori aul cuilibet laico vel limin.r m radium darr, nisi juslissima necessilate urgente, tir ptgnoribus, c. 1. Il a été dit plus haul que l’ordonnance de 1360 confirma cette prohibition el défendit en Mitre, non pas seulement d’exiger, mais même d’accepter, en ige, les coutres, les ferrements de charrue et II moulin. I.a règle aujourd’hui

admise, par la théologie comme par le droit, c’est que tout <e qui peu ! faire i obji t d’un l< gitime eonir.it de te peut pareillement f.iire l’objet d’un légitime contrat de gage. Peuvent donc être données en

Immobll bllii res et même les

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choses incorporelles : un simple droit, par exemple. Autrefois, sous prétexte que les choses incorporelles ne sont pas susceptibles de tradition, res incorporâtes tradilionem reciperc non possunl, on n’admettait pas qu’elles puissent servir de gage, le contrat de gage supposant nécessairement, disait-on, la livraison de l’objet. Aujourd’hui, on reconnaît, comme alors, que la livraison de l’objet est essentielle au contrat, mais on admet avec le Code civil français, a. 1689, la possibilité d’une tradition véritable pour les choses incorporelles, aussi bien que pour les choses corporelles ; pour une créance, par exemple, que pour un champ, un animal domestique ou un tableau. Cette doctrine était déjà courante parmi les théologiens, au temps de De Lugo. Celui-ci dit dans son traité De juslilia et jure, disp. XXXII, sect. ii, a. 26 : Res corporales cl incorporales, qualia sunt jura, atque ideo pignus, quod apud le habes debitoris tui, oppignorari a le rursus potest alleri ; tuo autem debitore tibi solvenle, cessai secunda oppignoralio quia non habes amplius jus in rc illa, quod possis pignori dare. Nomina etiam debilorum, seu quse tibi debentur, poteris oppignorari. On s’est demandé, autrefois, si le débiteur peut se donner ou donner un des siens comme gage ; la question ne se pose plus depuis longtemps. L’homme ne peut pas plus être l’objet d’un contrat de gage que d’un contrat de vente. Il n’y a que deux cas où il puisse être objet de contrat : dans le mariage et dans l’adoption.

V. Conditions requises chez celui qui donne le gage. — Pour pouvoir donner une chose en gage deux conditions sont requises. Il faut être propriétaire de cette chose et avoir la capacité de l’aliéner. On n’e pas le droit d’engager la chose d’autrui, sans le consentement de son propriétaire. Celui-ci, s’il n’a pas donné son consentement, pourra réclamer son bien et en exiger la restitution du créancier qui l’a reçu en nantissement, alors même que ce créancier l’aurait reçu de bonne foi, c’est-à-dire dans l’ignorance qu’il était de la propriété d’un autre que celui qui le lui a remis. Mais, dans ce cas, le détenteur de bonne foi peut attendre, pour se dessaisir du gage, d’y être condamné par sentence du juge. Celui qui le lui a injustement remis n’a pas qualité pour le réclamer sous prétexte qu’il ne pouvait validement disposer d’une res aliéna et qu’il a le devoir de la rendre à son maître. Ce dernier seul est admis à poursuivre la restitution.

Il ne suffit pas, pour pouvoir faire valablement constitution de gage, d’être légitime propriétaire de l’objet donné en nantissement, il faut encore ne pas être dans un des cas d’incapacité d’aliéner prévus par le droit. L’incapable peut toujours faire prononcer la nullité du contrat et exiger la restitution de sa chose. Le tuteur, le curateur, l’administrateur peuvent régulièrement engager les biens de leur pupille ou de leur commettant, pourvu qu’ils le fassent dans son intérêt et avec une suffisante prudence. Pouvant emprunter pour lui, ils peuvent garantir cet emprunt par un gage lui appartenant. Chacun peut prendre sur ses propres biens pour cautionner la dette d’un autre. Le contrat de gage, dans ce cas. impose les mêmes obligations et produit les mêmes effets que dans les cas ordinaires. Celui qui a fourni le nantissement n’a le droit de faire rendre la chose donnée

en garantie que tout autant que le débiteur s’est acquitté de sa dette.

i. Droits ei obligations di créancier qaoistb.

— Il a le droit : de se faire délivre ! i Ipulé ;

de ne pas s’en dessaisir tant qu’il n’est pas rembourse intégralement ; de le revendiquer et de le reprendre lorsque, contre son gré, il est tombé en la possession d’un tiers, d’être payé, avant tout autre en am 1er, sur

le prix de l’objet gagé, lorsque cet objet est vendu ;

d< faire ordonner en Justice, que le gage lui demeurera

VF.