Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.djvu/50

Cette page n’a pas encore été corrigée

85

FOI

86

autres vertus. Il y a des actions qui sont un premier commencement nécessaire, mais qui ne doivent pas se continuer ensuite ; telle l’action de la main qui, au moyen de l’aiguille, introduit le fil ; la main et l’aiguille s’en vont, le fil reste, et n’a plus besoin de leur aide ; ainsi la charité parfaite peut mettre de côté la crainte qui a servi à l’introduire. I Joa., il, 18. Tel n’est pas l’acte de foi, remarque Bellarmin : « c’est un commencement qui reste et se développe (en renouvelant son action) ; on a raison de le comparer aux racines, qui ne sèchent pas, mais se développent et se fortifient avec la croissance de l’arbre, et aux fondations, qu’on ne retire pas quand la maison est bâtie, mais qui atteignent alors leur perfection et leur but, en soutenant les murs et le toit, et n’en sont que plus durables. La foi commence la justification, ensuite, prenant avec elle l’espérance et la charité, elle l’achève-Quand elle commence, elle est seule ; quand elle achève, elle n’est plus seule ; ou, ce qui revient au même, seule elle commence l’ouvrage, mais elle n’est pas seule à l’accomplir. » De juslificatione, I. I, c. xx, Paris, 1878, t. vi, p. 197.

Que la foi soit la coopératrice des vertus qui viennent la perfectionner, comme la racine est la coopératrice des branches pour produire le fruit, l’Écriture elle-même l’affirme. Jac, ii, 22. Et nous voyons mieux comment saint Paul a pu dire : « Justifiés par la foi, » en sous-entendant les actes qui suivent. Voir plus haut, col. 72. Malgré ce grand rôle de la foi, observons avec saint Thomas que son genre d’influence sur les autres vertus ne la rend pas nécessairement supérieure à chacune, même à la charité : car elle n’est pas à l’égard des autres causa perfteiens (rôle général qui revient à la charité), mais seulement causa disponens, et ne fait que montrer à chacune son objet, son motif spécial, solum oslendil objeelum. Sum. theol., IIa-IIæ, q. lxvi, a. 6. Et par là nous pourrons harmoniser saint Paul avec lui-même ; concilier, d’une part, l’influence si vaste qu’il donne à la foi, le rôle qu’il lui attribue dans la justification et le salut, et de l’autre, la supériorité qu’il reconnaît à la charité. I Cor., xiii, 1, 2, 13.

C’est surtout l’Épîtrc aux Hébreux, xi, qui décrit le rôle général de la foi, en la montrant à la base de toutes les grandes œuvres des justes antiques, Abel, Abraham, Moïse, etc., puis les chefs des guerres saintes, les prophètes persécutés, les martyrs. Faut-il conclure de ces exemples que la « foi » est la vertu universelle, ou qu’elle se confond avec l’obéissance à tous les préceptes divins, comme l’ont voulu certains protestants d’autrefois ? Le luthérien Gerhard leur répond : « Les exemples de ce chapitre décrivent sans doute la foi justifiante, mais surtout dans ses effets, dans ses exercices, iris que la confiance en général, la patience, la force, la constance, l’humilité, etc. Car le but de l’apôtre est d’exhorter à la persévérance, comme on le voit au chapitre précédent, x, 36 sq. ; en conséquence, au e. xi, il propose dis exemples de fidèles qui ont subi diverses épreuves, pour montrer que la vraie foi (la foi parfaite) donne la force de résister à tout’lités. » Loci theologici, Berlin, 1864, t. ir, p. 357. M il faut-il conclure de ces exemples, que la « foi «  qui y est nommée consiste essentiellement dans la fiance pratique et non dans la croyance, i comme h dit Diclionnary « I the Bible de l butings, t. r, p. B36’Non : car seule la foi-croyance, et non pas la confiance, répond au rôle général de la foi i dans fous les Is de ce c. xi où (Ile est nommée. Parmi ces ver-il en est : 1. nu la confiance pratique n’a rien i faire, parce qu’il s’agit d’une croyance toute spécula live : * C’est par la foi que nous reconnaissons « pic le monde a été formé par la parole de Dieu, » 3 ; cꝟ. 0. Il en est : 2. où la croyance excite bien un mouvement affectif et pratique, mais très différent de la confiance : ainsi, au ꝟ. 7, la foi fait admettre à Noé le déluge annoncé « qu’on ne voyait pas encore » et cette croyance excite en lui la crainte, sentiment opposé à l’espérance et à la confiance, et c’est par cette crainte que la foi le pousse à travailler au moyen de sauver sa vie et celle de ses enfants. Rappelons-nous enfin que, dans le système du dictionnaire de Hastings et des protestants en général, la foi consiste essentiellement, non pas dans une confiance quelconque en Dieu, mais dans la confiance spéciale du pardon à cause des mérites du Christ. Or, cette confiance toute spéciale n’est jamais mentionnée dans ce chapitre sur la foi : ce simple fait n’est-il pas la condamnation du système ? Il est vrai que, dans ce long passage de l’Épître aux Hébreux, la foi est souvent représentée comme ayant pour effet l’espérance : les circonstances particulières, parmi tous les effets de la foi, demandaient une place privilégiée pour l’espérance, puisqu’elle est un puissant moteur dans l’exercice des autres vertus, surtout de la force et de la patience, qui sont le but de toute cette exhortation ; l’espérance des biens éternels soutient l’âme dans la perte des biens de la terre et dans toutes les peines. Heb., x, 34, 35. Voir Espérance, t. v, col. 611, 612. Au reste, les protestants ne gagneraient rien à nous objecter cette fréquente mention de l’espérance du ciel aux c. x et xi : car pour eux la foi justifiante n’est pas l’espérance d’un bien futur, mais la confiance du pardon déjà reçu ; de plus, ils ne veulent considérer le ciel que comme une grâce, et non comme une rémunération, ce qui supposerait le mérite dont ils ont horreur, voir Mérite ; or, dans ces chapitres, non seulement il est beaucoup question de l’espérance, mais l’idée d’un Dieu rémunérateur et d’une rémunération leur est servie plusieurs fois, x, 35 ; xi, 6, 20.

Ce que nous venons de dire explique aussi pourquoi, dans le verset bien connu qui a tout l’aspect d’une définition, Heb., xi, 1, la foi est décrite au début par cet effet particulier, mais si important à la circonstance du moment et à la préoccupation de l’écrivain sacré, à savoir qu’elle soutient l’espérance. S’ensuit-il que la foi soit ici confondue avec l’espérance ? Non : le. soutien n’est pas la chose soutenue : et cette confusion des deux vertus contredirait d’autres textes, comme I Cor., xiii, 13. S’ensuit-il que la foi soit d’une nature affective et émotionnelle comme l’espérance ? Non, , i elle soutient les vertus affectives, c’est en leur montrant intellectuellement leur objet ; et d’ailleurs, dans cette définition même, la foi est appelée d’un nom tout intellectuel, ’ô ; - ; //, :. Ce mol signifie argument, preuve, soit dans le grec plus ancien. puisqu’Aristote a fait un livre De sophislicis elenchis, « qui ont l’apparence des preuves, ïiï-y/i.r/, mais qui ne sont que des paralogismes, > Opéra, édit. F, Didot, Paris, 1862, t. i, p. 276, soit même dans le grec du temps des apôtres, puisque, par exemple, l’historien Josèphe dit que « Hérode se teignait les cheveux pour dissimuler la preuve, ) :  ; /o, de son âge avancé, ’Anl. fud., 1. XVI, c. viii, n. 1, Opéra, édit. F, Didot, 1865, p. 637 ; sans compter que la Vulgate traduit : argumenium. Ileh., xi, 1. Saint Augustin traduit : convictio, Srrm., CXXVI, c. ir, /’. /… t. xxxviii, col.’mais peu Importe ce détail : que la foi soit une conviction, ou une preuve qui produit la conviction, c’est toujours quelque chose d’intellectuel, e’esl une croyance. D’ailleurs, celle traduction par conviction » parait moins exacte. P, l’rat, /.</ théologie dr s. Paul, I’partie, 1e édit.. p. 543.

Examinons de plus prés cette eélèhre définition. I.a foi, c’est lXm(o|lfv(0V C-’/lTaTi ; ttoct /’/' i.a virgule peut se mettre avanl ou après r.yi ( 7 7(, i I. Bien des éditeurs la placent avant : la Vulgate (dans sa forme actuelle) la met après