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FUITE PENDANT LA PERSÉCUTION


ment lors de la première mission des apôtres. Comment donc Notre-Seigneur leur a-t-il donné, alors, le précepte ou le conseil de fuir ? Et si, alors, cet ordre ou ce conseil ne fut pas déraisonnable, étant tombé des lèvres même du Verbe incarné, pourquoi le serait-il devenu dans la suite ? Cf. Mgr Freppel, Terlullicn. leçons xiii-xiv, t. i, p. 274-277, 290 sq., 310-321 : Bardenhewer, Les Pères de l’Église, leur vie et leurs écrits, 3 in-8°, Paris, 1905, t. i, p. 339.

La vraie doctrine.

Bien différent est l’enseignement

de saint Athanase. Les ariens, ayant cherché par tous les moyens à s’emparer de lui pour le mettre à mort, et n’ayant pas réussi à se saisir de sa personne, voulurent, du moins, se venger en le couvrant d’injures, et en l’accusant publiquement de lâcheté. Il leur opposa sa célèbre apologie tant et si justement admirée, Wnoloyia. Ttspi tïjï epuyf, ; a-Jro-j, écrite vers 357, P. G., t. xxv, col. 643-680.

1. Sa réponse fut triomphante. Saint Athanase la fît avec cette vigueur de logique et cette justesse d’expressions qui caractérisaient sa si virile éloquence. Après avoir rappelé, dans un tableau court mais frappant, les crimes affreux dont ces suppôts de l’enfer s’étaient rendus coupables envers tous les plus saints évêques de cette époque, il leur oppose d’abord un terrible argument ad hominem : s’il est honteux de fuir, combien plus de poursuivre et de persécuter ? Celui qui fuit ne s’y résout que pour échapper à la mort ; celui qui poursuit et persécute n’a pas d’autre but que de tuer, c. viii, P. G., t. xxv, col. 653.

2. Il prouve ensuite par les Écritures la licéité de la fuite dans ces conditions. Le texte sacré réprouve-t-il Jacob fuyant la colère de son frère Ésaii, Moïse celle de Pharaon, David celle de Saiil ? Et le saint prophète Élie, quoiqu’il eût la puissance d’attirer le feu du ciel sur ses persécuteurs, ne s’est-il pas caché pour éviter le ressentiment du roi Achab et de la reine Jézabel ? c. x, col. 657.

Et dans le Nouveau Testament, l’évangéliste inspiré de Dieu réprouve-t-il les apôtres qui, dans la crainte des Juifs, se cachaient, tandis que Pierre était en prison ? Et saint Paul n’a-t-il pas fui de la ville de Damas, en acceptant de descendre nuitamment, au moyen d’une corbeille, le long des remparts ?… Saint Paul, Élie, David, Moïse, Jacob et tant d’autres dont parle l’Écriture, furent-ils donc des timides, des lâches et des peureux ? Furent-ils des révoltés contre Dieu leur ordonnant de subir la persécution ? Mais, durant même leur fuite, Dieu les comblait de ses grâces, de ses bienfaits et de ses consolations, leur envoyant même parfois ses anges, comme à saint Pierre, pour les aider à fuir 1 c. xx, col. 669.

D’ailleurs la loi divine donnée sur le Sinaï n’avait-elle pas prescrit de reconnaître à certaines villes le droit d’asile, afin qu’il fût possible à ceux qui étaient poursuivis et menacés de mort d’y trouver un refuge assuré ? Le Verbe de Dieu qui avait dicté à Moïse cette loi salutaire, n’a-t-il pas continué à parler de même, lorsque, venu sur la terre, il disait à ses disciples : Quand on vous persécutera dans une ville, fuyez dans une autre ? Matth., x, 23. Et encore : Quand vous verrez dans le saint lieu l’abomination de la désolation prédite par le prophète Daniel, alors que ceux qui sont dans la Judée s’enfuient dans les montagnes, et que celui qui est dans la campagne ne retourne pas dans sa maison pour prendre son vêtement. Matth., xxiv, 15-18. Les saints connaissaient ces enseignements divins donnés à la terre, avant comme après l’avènement du Christ ; ils en firent le principe de leurs actes et le guide de leur vie, c. xi. col. 657-660.

3. Et le Verbe de Dieu lui-même, fait homme par amour pour nous, ne s’est-il pas caché quand on le poursuivait ? N’a-t-il pas ainsi évité les embûches

de ses ennemis ? Enfant, il a fui en Egypte pour échapper à la colère d’Hérode. A la mort de celui-ci, il retourne de l’exil : mais, pour se mettre à l’abri d’Archélaiis. fils d’IIérode, il se retire à Nazareth, en Galilée. Même, quand, plus tard, il fit éclater sa puissance divine par d’innombrables miracles, il se cacha, cependant, au moment où les Pharisiens tinrent conseil pour décider par quel moyen ils se débarrasseraient de lui. Matth., xxvi, 4. Et quand, après la résurrection de Lazare, ses ennemis, de plus en plus acharnés contre lui, songeaient à le mettre à mort, Jésus ne se montrait plus à découvert, et il se retira au loin dans le désert. Joa., xi, 53-54. Et quand, le Seigneur ayant affirmé qu’il existait avant Abraham, les Juifs prirent des pierres pour les jeter sur lui, Jésus se cacha encore. Joa., viii, 58-59. Et quand Jean le Précurseur eut été décapité, et que ses disciples eurent enterré son corps, Jésus monta sur une barque, et, traversant le lac, se retira, à l’écart, dans un lieu désert. Matth., xiv, 13.’ATtoXoyta, c. xii-xiii, col. 660.

Tels étaient les enseignements et les exemples du Sauveur. Mes ennemis, continue le saint proscrit, accuseront-ils aussi le divin Maître de timidité et de lâcheté ?


4. Mais pourquoi cette fuite de Jésus, plusieurs fois renouvelée ? L’évangéliste nous l’apprend. C’est parce que son heure de souffrir n’était pas encore venue. Joa., vu, 30. Quand son heure fut venue, enfin, il ne se cacha plus, et avertit clairement ses apôtres qu’il allait être livré aux mains des pécheurs. Matth., xxvi, 45.

Par ces paroles, le Sauveur montre que tout homme aussi a son heure, fixée, non par le destin aveugle, comme l’ont faussement imaginé certains philosophes païens, mais par le bon plaisir du Père éternel qui en a ainsi disposé dans les secrets de sa sagesse. Quelle est cette heure pour chacun de nous ? Nul ne le sait, c. xiv-xv, col. 661-664.

Quoique le Verbe de Dieu fait homme n’ignorât pas quel temps avait été déterminé pour sa passion par Dieu, son Père, il se cachait, à notre manière, durant les jours qui précédèrent immédiatement ce temps. Mais quand le temps déterminé par son Père et par lui fut arrivé, où il avait décrété de souffrir et de mourir pour nous, il ne se cacha plus, mais se montra spontanément afin d’être pris. A ses ennemis qui lui répondirent : « Nous cherchons Jésus, » il dit : Ce Jésus que vous cherchez, c’est moi. Joa., xviii, 4-6. Non seulement il les en assura une fois ; mais il le leur répéta. Ainsi donc, conclut saint Athanase, avant son heure, il ne permet à personne de mettre les mains sur lui : mais, cette heure venue, loin de se cacher, il se livre lui-même, afin de bien montrer à tous que la vie des hommes, comme leur mort, dépend uniquement du souverain Maître qui est aux cieux, c. xv, col. 664.

Telle fut, à l’exemple du Sauveur, la conduite des saints. Poursuivis par les persécuteurs, ils fuyaient et se cachaient. N’étant que des hommes, ils ignoraient absolument, à moins d’une révélation spéciale, le temps fixé par Dieu pour la consommation de leur sacrifice. Ils ne voulaient donc pas se livrer eux-mêmes aux persécuteurs, leur vie ne leur appartenant pas. Comme le dit l’apôtre, ils erraient dans les lieux déserts, couverts de peaux de bêtes, se cachant dans les grottes et les cavernes de la terre, endurant la faim. la soif, le dénuement, les privations de toutes sortes eux dont le monde n’était pas digne, Heb., ii, 37 : jusqu’à ce qu’arrivât leur heure, et que Dieu, ou bien fît cesser la persécution, ou leur révélât que le moment était venu pour eux de souffrir la dernière immolation, ou les livrât lui-même aux persécuteurs, selon qu’il lui paraissait mieux, c. xv, col. 665.

Que d’exemples de ce genre nous présentent les pages inspirées de l’Ancien et du Nouveau Testament !