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FOI

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S. Grégoire de Njsse, De fide ad Simplicium, P. G., t. xlv, col. 135 sq. ; S. Cyrille d’Alexandrie, De recta jide libri III, P.G., t. lxxvi, col. 1134. Inutile de donner des textes pour une période où la chose est si claire.

Nous voyons le même sens du mot régner déjà chez les Pères les plus anciens, sur lesquels nous insisterons davantage.

Lightfoot a bien remarqué que saint Clément de Rome, tout en affirmant comme saint Paul la justification par k foi, à l’exclusion des œuvres faites avant la foi, a toujours soin de recommander aux fidèles la charité et les bonnes œuvres, et de concilier saint Jacques avec saint Paul. / Cor., xxxii, xxxiii, Funk, Patres apostolici, 2e édit., Tubingue, 1901, t. i, p. 138, 140. Cf. Lightfoot, The aposlolic falhers, part. I, St. Clément of Rome, Londres, 1890, t. i, p. 96 ; t. ii, p. 100, 101. Mais ce qui nous intéresse à présent, c’est le sens qu’il donne au mot 7ct<7Ttç. Il n’y enferme pas toute vertu, tout sentiment religieux, puisqu’il distingue la « foi » de plusieurs autres vertus qu’elle aide : « Pourquoi notre père Abraham a-t-il été béni ? N’est-ce pas parce qu’il a fait la justice et la vérité par le moyen de la foi ? » o ; à Ttirrretoç, xxxi, 2. Funk, t. i, p. 138. Cf. Jac, ii, 22. « A cause de sa foi et de son hospitalité, Sià tu’ittiv xal cpOolevi’av, un fils lui a été donné dans sa vieillesse, » xi, p. 112. De même, « c’est à cause de sa foi et de son hospitalité que Rahab a été sauvée, » xii, 1, p. 114. Et cette « foi » de Rahab, cf. Heb., xi, 31, Clément l’explique par les paroles mêmes de l’étrangère aux deux Israélites cachés dans sa maison : « Je sais avec certitude que votre Dieu (auquel elle fait ensuite profession de croire) vous livrera cette ville. » Jos., ii, 9 sq. Et Clément d’observer qu’elle a eu non seulement la foi, mais la prophétie, 8, p. 114. Le rapprochement de ces’deux dons nous montre assez qu’il prend aussi la foi pour un don intellectuel ; et les paroles mêmes de Rahab dans la Bible expriment la foi-croyance.

Saint Ignace d’Antioche, sous le nom de « foi » , ne comprend pas la charité, puisqu’il les oppose l’une à l’autre comme l’origine et la consommation de la vie spirituelle. Ad Eph., xiv, Funk, t. i, p. 224. Il ajoute une phrase que Lightfoot interprète ainsi : « Où coexistent ces deux choses (la foi et la charité), là est Dieu ; la foi ne peut errer, et la charité ne peut haïr. » Aposl. f thers, part. II, St. Ignatius, 2e édit., Londres, 1889, p. 67. Si la foi exclut l’erreur comme l’amour exclut la haine, c’est donc la connaissance infaillible qui caractérise la foi. Ce sens intellectualiste revient encore, plus bas, quand il oppose la « foi » et l’hérésie comme un bon et un mauvais enseignement : « Si quelqu’un corrompt la foi de Dieu par une impure doctrine, il ira au feu inextinguible, et ses disciples aussi, » c. xvi, p. 226.

Passons aux Pères du IIe siècle ou du commencement du IIIe. Pour Clément d’Alexandrie, la « foi » n’est pas tout ce qui justifie et qui sauve, mais seulement " la première orientation vers le salut. Après elle, la crainte, l’espérance, le repentir, progressant par la continence et la patience, nous conduisent à la charité et à la gnose (vie parfaite, avec une connaissance supérieure des choses de Dieu). » Slrom., II, c. vi, P. G., t. viii, col. 965. Il explique comment la foi engendre non seulement l’espérance, mais aussi la crainte en constatant les menaces divines. Ibid. C’est dire que la foi n’est pas la confiance, autrement elle ne pourrait engendrer la crainte ; mais qu’elle est la croyance à toute parole de Dieu, soit consolante, soit terrible. Il définit la « foi » une admission anticipée, 7rpô).r, ’î<ir, de ce que l’on comprendra un jour (par la gnose ou connaissance des parfaits, ou mieux, dans le ciel), col. 964 ; admission influencée par la volonté, 71po).v}/i ; Ixoûfftoç, col. 940, 941, comme nous le disons de la « croyance » . Enfin, à un singulic r emploi du mot 7te « 7T’ç par l’hérétique Basilide il oppose cet autre concept de la foi qui fait bien la part de l’intell’genre : « un assentiment raisonnable » , >o-- ! zr ( / « ruptarâôeo’. v, V, c. i, P. G., t. ix, col. 12. Voir Clément d’Alexandrie, t. iii, col. 189.

Saint Irénée, avec saint Justin qu’il cite, distingue la foi de la charité comme deux dons différents. Cont. hier., 1. IV, c. vi, n. 2, P. G., t. vii, col. 987. Puis rappelant la promesse de vie éternelle faite à la foi, Joa., m, 15, etc., de peur qu’on ne l’entende mal et contre les bonnes œuvres, il ajoute cette glose : Crcdere autem ci est facere ejus voluntatem, n. 5, col. 989. Mais ce serait trop presser cette phrase explicative jetée en passant, que d’y voir une véritable définition du mot crcdere : Irénée n’a pas coutume de définir ; ce qu’il veut simplement ici, c’est que la foi, pour mener de fait à la vie éternelle, sous-entende (et non pas signifie) l’observation des préceptes, l’accomplissement des volontés de Dieu. Du reste, il emploie couramment les mots « foi, croire » pour la croyance aux dogmes. Exemples : « L’Église, disséminée dans le monde entier…, a reçu des apôtres et de leurs disciples la foi en un seul Dieu, Père tout-puissant, » etc. Il récite le symbole, et continue : « Ayant reçu cette prédication et cette foi, l’Église partout disséminée la garde avec soin… et croit unanimement à ces vérités… Ni les Églises qui sont chez les Germains n’enseignent et ne croient autrement, ni celles qui sont chez les Ibères ou les Celtes, ou en Orient, ou en Afrique, » etc., I. I, c. x, n. 1, 2, col. 549, 552. Les hérétiques « boivent une eau boueuse et corrompue, éloignés qu’ils sont de la foi de l’Église, » 1. III, c. xxiv, col. 967.

Tertullien, comme Irénée, récite une formule du symbole des apôtres, et l’appelle régula fïdei. La « foi » y est contenue, fides in régula posila est. Præscript., c. xiii, xiv, P. L., t. ii, col. 26, 27. Devenu montaniste, il continuera à appeler ce symbole régula fidei, lex fidei. De virgin. velandis, c. i, col. 889. Admettre ces dogmes, c’est « croire » . AMarcion, qui, donnant au Christ la seule apparence de la chair, supprimait par là sa naissance, sa mort, sa résurrection, il dit : Si chrisiianus es, crede quod tradilum est. De carne Christi, c. ii, col. 755. Plus bas, col. 759, il rappelle le mot de saint Paul : « Ce que le monde tient pour insensé, Dieu l’a choisi pour confondre les sages, » I Cor., i, 27 ; et il part de là pour célébrer, comme un signe de vérité, le déshonneur qui s’attache à notre « foi >, c’est-à-dire à notre croyance, aux yeux d’un vain monde, la belle impopularité de nos dogmes : « Pourquoi supprimes-tu le déshonneur nécessaire de la foi’l… Je suis sauvé, si je n’ai pas rougi du Maître. Luc, ix, 26. Ici l’effronterie est un devoir, la folie est un bonheur. Le Fils de Dieu est né : je n’en rougis point, parce que c’est honteux. Le Fils de Dieu est mort : c’est tout à fait croyable, parce que c’est inepte. Enseveli, il est ressuscité : c’est certain, parce que c’est impossible. » Op. cit., c. v, col. 761. On voit le vrai sens de ces phrases paradoxales, d’où l’on a fabriqué de nos jours le credo quia absurdum, si souvent reproché au rude Africain : comme s’il bravait la raison elle-même, et non pas le faux honneur et les fausses opinions du monde. Voir A. d’Alès, La théologie de Tertullien, Paris, 1905, p. 33-36. Enfin Tertullien oppose perpétuellement la « foi » à l’hérésie, c’est donc la foi croyance. Exemples : « Les hérésies, nées pour étouffer et tuer la foi…, ne peuvent rien, si elles rencontrent une foi saine et robuste. » Præscript., c. ii, col. 13, 14. Il rappelle « le futur jugement où il nous faudra tous comparaître devant le tribunal du Christ pour rendre compte en premier lieu de notre foi. Que diront-ils, les corrupteurs hérétiques de la vierge que le Christ leur avait confiée ? » Op. cit., c. xliv, col. 59.