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FOI

ou « orthodoxes » , qui veulent garder la croyance à plusieurs vérités révélées, ne trouvant dans le Nouveau Testament d’autres mots, pour exprimer cette croyance, que « croire » et « foi » , aboutissent à équivoquer perpétuellement sur ces mots, comme M. Harnack lui-même le reproche à Luther, ou à remanier perpétuellement leur définition de la foi, comme la Realencijclopâdie de théologie protestante de Hauck reproche à Mélanchthon de l’avoir fait dans ses ouvrages successifs. Voir Harnack, Précis de l’histoire des dogmes, trad. Choisy, Paris, 1893, p. 442, 444, 448 ; L’essence du christianisme, trad. franc., Paris, 1902, p. 307 ; Realencyclopâdie, 3e édit., Leipzig, 1899, t. vi, p. 678. Cf. Études du 20 octobre 1907, p. 233 sq. ; Denifle, Luther et le luthéranisme, trad. Paquier, Paris, 1912, t. iii, p. 252-258. D’autre part, l’indifférence dogmatique des protestants libéraux, la « foi qui sauve » réduite par eux à une attitude confiante, la doctrine chrétienne devenue pour eux une quantité négligeable, tout cela est aussi antiévangélique qu’antipaulinien. Cf. Éludes du 20 avril 1908, p. 170 sq. ; L. de Crandmaison, dans le Bulletin de littérature ecclésiastique, 1905, p. 194 sq. Par le sens qu’il donne à la « foi » , le protestantisme s’enferme donc dans un dilemme : orthodoxe, il aboutit à se contredire ; libéral, à ruiner de fond en comble les croyances chrétiennes.

Auguste Sabatier, libéral, attaque à son tour notre conception de la foi-croyance : « La foi qui, dans la Bible, était un acte de confiance et de consécration à Dieu, devient une adhésion intellectuelle à un témoignage historique ou à une formule doctrinale. Un dualisme mortel éclate dans la religion. On admet que l’orthodoxie peut exister en dehors de la piété… Combien d’âmes se rassurent, se croyant ainsi fidèles quant à la doctrine, sauf, un moment ou l’autre, d’y ranger leur cœur et leur vie I » Elles auraient tort de se rassurer, et la doctrine même qu’elles professent les en avertit. « Au fond, poursuit-il, cette idée de la révélation est toute païenne. Sur le terrain du christianisme authentique, on ne saurait séparer l’acte révélateur de Dieu de son action rédemptrice et sanctifiante. Dieu n’éclaire pas, il aveugle au contraire ceux qu’il ne sauve pas ou ne sanctifie pas…. Quand elle ne nous donne point la vie, la parole de Dieu ne nous donne rien. » Esquisse d’une philosophie de la religion, 4- édit., Paris, 1897, p. 43, 44. Tout ou rien : système violent, contraire à l’Ecriture. L’« aveuglement » (relatif ) dont elle parle, regarde les grands pécheurs endurcis, et non pas les pécheurs ordinaires qui ont conservé leur croyance : ceux-ci, Dieu ne les aveugle en aucun sens ; dans nos Livres saints, on le voit se servir de cette croyance pour les exhorter à la conversion ; s’ils répondent à son appel, s’ils coopèrent à sa grâcf, ce crépuscule ou cette aube de la loi se changera en lumière cl en chaleur du plein jour. Tandis fine le Jupiter tonnant de Sabatier se plaît a aveugler ceux qu’il ne convertit pas du premier coup, le Christ se garde d’éteindre la mèche qui fume encore. Matth., XII, 20.

2. La définition de la foi chez Newman.

Si c’est dans les ouvrages de Newman encore protestant qu’on va chercher sa pensée sur la foi, faudra-t-il s’étonner d’y trouver le même embarras, la même équivoque, que nous venons de constater dans le protestantisme orthodoxe, auquel il appartint ? Tantôt il dira a la manière protestante : « Qu’est-ce donc que la foi.’Croire, c’est… nous élever Jusqu’à Dieu, réaliser sa lire, attendre sa vi ayer d’accomplir sa volonté… ; croire, c’est se rendre a Dieu, s’abandonner humblement entre ses mains. « Tantôt, se rapprochant des catholiques : Lfl foi est un principe actif qui appréhende des doctrines définies. A ces citations, M. Brémond ajoute en note : Une des croit du problème newmanten est dans le raccord entre ces définitions. » Newman, psychologie de la foi, Paris, 1905, p. 312, 313. La « croix » est la même ici que pour l’orthodoxisme protestant en général. Y a-t-il lieu de chercher un raccord ? — C’est bien à Newman protestant que paraît empruntée cette fâcheuse définition de la foi : Croire au Christ, c’est le considérer « comme une réalité présente, qui est pour nous la voie, la vérité et la vie…, c’est appuyer son être au sien pour y trouver le salut. » R. P. Laberthonnière, Le réalisme chrétien et l’idéalisme grec, Paris, 1904, p. 123. — Mais Newman converti est très net sur le sens du mot « foi » . Prenons presque au hasard un exemple. Dans sa Lettre à Pusey à l’occasion de son Eircnicon de 1864, il dit : « Par le mot foi, j’entends le credo (creed), et l’assentiment donné au credojpar le mot dévotion, j’entends les honneurs religieux qui appartiennent aux objets de notre foi, et l’action de leur rendre ces honneurs. La foi et la dévotion sont aussi distinctes dans la réalité des faits que dans nos concepts. Nous ne pouvons pas, il est vrai, avoir la dévotion sans la foi ; mais nous pouvons croire sans éprouver de dévotion. Ce phénomène, chacun en a l’expérience en soi et dans les autres ; et nous lui rendons témoignage, toutes les fois que nous parlons de réaliser une vérité ou de ne pas la réaliser, » c. iii, dans le recueil intitulé : Certain di/]icullics felt by anglicans in catholic teaching, Londres, 1876, p. 26. Par où nous voyons que, pour Newman catholique, « réaliser une vérité » appartient à la « dévotion » , mais n’est pas un élément essentiel de la « foi » , à laquelle suffit l’assentiment à la vérité révélée. Voir Croyance, t. iii, col. 2373, 2374. Nous ne saurions trop blâmer le procédé qui consiste à introduire chez nous des idées protestantes en les empruntant à Newman, lorsqu’il était protestant, et à ne pas tenir compte de sa conversion, ni du changement de sa pensée.

II. Les pères.

Si saint Augustin a une interprétation du credere in Deum dont Luther et d’autres se sont servi, voir plus haut, col. 67, cependant le sens de croyance reste pour lui le sens propre du mot « foi » . Voir la définition qu’il en donne, Enchiridion de fui, -, speelcarilate, c. viii, texte cité à l’art. Espérance, t. v, col. 606. Pour lui, la foi qui dispose a la justification (sans y suffire toute seule), c’est la foi dogmatique, celle que l’hérétique rejette. Contra duas epist. pelagian., 1. III, c. v, P. L., t. xi.iv, col. 598. Cf. De sermone in monte, 1. I, c. v, /’. L., t. xxxiv, col. 1236 ; De Trinilale, 1. XV, c. xviii, P. L., t. xlii. col. 1082. Des protestants contemporains reconnaissent qu’Augustin a le concept catholique de la foi. Voir Realencyclopâdie de Hauck, t. vi, p. 676.

Les autres grands docteurs du iv° et du ve siècle, grecs et latins, nous sont encore moins disputés. Saint Cyrille te Jérusalem et saint Jean Chrysostome dégagent de l’Écriture deux sens du mot foi, la foi des miracles et la foi « dogmatique. Voir plus haut, col. 70. Comme la première n’est qu’un charisme donné à quelques-uns, ce ne peut être la foi chrétienne, et la seconde doit être la foi au sens propre. Dans plusieurs définitions que les Pères donnent de la foi, c’est pour eux un assentiment de l’esprit, avynaxi’içt ::. Voir S. Cyrille de Jérusalem, lor. rit., et Théodore ! , (irtrc. affectionnm curatio, serm. i, /’. a., t. uxxxin, col. 814, tous deux dans Rouët de.lournel. Lnchiridion patriiticum, Fribourg-en-Brisgau, 1911, n. 820, 21 1 1. avec un texte douteux de saint Basile, souvent cité, n. 972. D’autres grands docteurs de ce temps écrivent îles livres sur la foi i et ils entendent par la l’expotitlon des dogmes (surtout de la Trinité et de l’incarnation), ce qui suppose que la « foi est t’assen timellt donné à des dogmes. Voir S. Ambroise. /), fide ad Gratianum libri V, /’. /… t. wi. col. jt sq : s. Ambroise. Bxpotiiio fidei, P. G., t. xxv, col, 199 sq. ;