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871 FRERES PRECHEURS (LA THEOLOGIE DANS L’ORDRE DES,

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(1256-1258), à Paris, des commentaires sur les Sentences. Plus heureux que beaucoup de ses contemporains, son œuvre a eu les honneurs de l’impression, 4 in-fol., Toulouse, 1649.

Moneta de Crémone, avec sa Somme contre les cathares et les vaudois (Rome, 1730) en cours de composition en 1241, a élevé le plus important monument d’hérésiologie du xiiie siècle. Elle est aussi d’une grande richesse doctrinale.

Hugues Ripelin de Strasbourg († 1268) a composé un Compendium veritalis theologicæ qui est un petit chef-d’œuvre du genre et a été le manuel le plus répandu de la fin du moyen âge. Bien que l’auteur écarte c ! c propos délibéré tout ce qui est objet de controverse, il se rattache à la direction augustinienne, mais il subit particulièrement déjà l’influence d’Albert le Grand. La composition de son œuvre tombe vers 1260-1265.

Les prêcheurs anglais ont aussi fourni des maîtres « le renom. Ils ont enseigné à Oxford, eu les écoles de l’ordre étaient, dès l’origine, incorporées à l’université. Le premier, RobertBacon, entra dans l’ordre étant déjà maître et continua à ce titre son enseignement théologique. Il fut l’ami intime et l’historien de saint Edmond de Cantorbéry. Richard de Fishacre, qui lui succéda, nous a laissé un commentaire inédit sur les Sentences (Paris, Bibl. nat., lat., 1575, 16389 ; Londres, British Muséum, Reg. 10 B. vu ; Oxford, Balliol, 57 ; ibid., New Collège, 112 ; ibid., Oriel, 43 ; Vienne, Palat., lat. 1514). De ces deux maîtres, morts en 1248, Matthieu Paris a écrit qu’ils n’avaient pas alors leurs pareils en théologie et dans les autres sciences (ad an. 1248).

Robert de Kilwardby, qui leur succéda à Oxford, avant de devenir provincial d’Angleterre (1261-1272), archevêque de Cantorbéry (1272-1278) et cardinal de Porto († 1278), est le plus célèbre dominicain augustinien du siècle, et peut-être mérite-t-il la première place parmi tous les autres augustiniens de son temps. Sa culture philosophique était très vaste, et il nous est resté de lui de nombreuses productions dans ce domaine, en particulier son De orlu et divisione scienliarum, un des plus remarquables traités du moyen âge sur cette matière. On possède aussi de lui, en plusieurs états, un commentaire sur les Sentences (Avignon, 290 ; Chartres, 325 ; Oxford, Merlon, 131). Soit par la forme de son activité littéraire (plusieurs de ses écrits ont manifestement une destination scolaire), soit par la vigueur et la décision de ses doctrines, Kilwardby était qualifié pour être chef d’école. Les hautes charges qu’il occupa dans son ordre et dans l’Église d’Angeterre y aidaient en outre efficacement. Mais malgré sa valeur personnelle et l’étendue de son activité littéraire, l’augustinisme de Kilwardby avait la faiblesse inhérente à cette direction doctrinale. II ne put lutter efficacement, même chez les prêcheurs, contre le thomisme, son contemporain. Nous verrons toutefois Kilwardby ne pas déposer les armes en face de son rival et user contre lui (1177), non seulement de son prestige personnel, mais encore de l’autorité que lui conférait sa dignité d’archevêque de Cantorbéry et de primat d’Angleterre.

L’augustinisme devait encore laisser une faible traînée dans l’ordre des prêcheurs. Une collectivité, qui renfermait tant d’hommes d’étude et un corps professoral énorme (il comptait, au moins, quinze cents professeurs à la fin du xiiie siècle) pouvait difficilement être ramenée à une unité doctrinale absolue. Si quelque chose toutefois peut nous surprendre, ce fut la rapidité et l’universalité du triomphe du thomisme à l’intérieur même de l’ordre.

Sit/er de Brabanl, t. i, c. ii, et passim. ; Scriptores ordinis prœdicatornm, t. i ; Dcnifl’-Châtelain, Chartularium uni versitalis parisiensis, l. i ; Ehrle, Du Auguslinismus und (1er Aristotelismus in der Scholastik yegen linde des xiii Jahrhunderls, dans Archiu fiir Lit— und Kirchengeschichte’1rs MUteldlters, t. v (1889) ; Bàimker CI., Die eurnpiiische Philosophie dis Millelalters, dans Allgemeine Geschichle der Philosophie (Kultur drrGegemv : trt. i, 5, 1909. p. 360 sq) ; G. Freih. von Hertling, Wiiienscha/lliche Richlitngen und philosophisihe Problème im drcizehnlen Jahrhunderl, Munich, 1910.

V. ALBERT LEGUAS !) ET /7/O.V.18 /.’, /(/ Y. — (.,

fut sous l’action d’Albert le Grand et do Thomas d’Aquin que l’ordre des prêcheurs, et à sa suite la plus grande partie du monde ecclésiastique, sortit du traditionnel et inconsistant augustinisme, pour se rallier à la création doctrinale nouvelle de ces deux maîtres qui dominent souverainement le xiiie siècle.

La fondation de l’école thomiste est incontestablement due à l’action personnelle de saint Thomas d’Aquin ; mais le maître a tellement frayé le chemin au disciple que leurs noms et leur œuvre sont a jamais inséparables. Albert, né en Souabe, en 1207, et Thomas, né dans le royaume de Naples, en 1225, sont entrés très jeunes, l’un et l’autre, dans l’ordre des prêcheurs. Ils y sont venus, néanmoins, comme tant d’autres, d’un milieu universitaire : Albert, de Padouc (1223), et Thomas, de Naples (1244). L’inclination naturelle et les aptitudes d’Albert l’ont porté, plus peut-être qu’aucun de ses contemporains, vers l’étude des sciences rationnelles, naturelles et sociales. N’ayant pas subi dans le développement ultérieur de sa formation doctrinale l’action de grands centres scolaires, de Paris surtout, ils s’est plus aisément affranchi des influences augustiniennes alors régnantes dans son ordre et en dehors. Mais c’est surtout par la prise de possession de la science antique et de la science arabe, dont les grands monuments affluaient alors par leurs traductions dans le monde latin, qu’Albert a été conduit à déserter le champ si pauvre et si maigre de la science et de la philosophie du xii c siècle. C’est par là aussi qu’il a été pour son jeune disciple l’initiateur à la connaissance d’un monde nouveau. C’est a Paris, vers la fin de 1245, que le jeune Thomas d’Aquin joignit Albert de Teutonie, ainsi qu’on appelait alors le fils des comtes de Bollstâtt devenu simple frère prêcheur. Thomas avait vingt ans et son maître moins de quarante. Albert occupait la régence d’une des deux écoles de théologie des prêcheurs, et commençait à mener, concurremment à son enseignement, la composition et la publication de sa grande encyclopédie scientifique. Thomas fut le témoin et un des premiers bénéficiaires des travaux et des leçons d’Albert. Lorsque ce dernier quitta Paris, aux vacances d’été de 1248, pour se rendre à Cologne et y prendre la direction du sludium générale que les frères prêcheurs venaient d’y établir, Thomas le suivit. Il y resta sous la direction d’Albert pendant quatre années, c’est-à-dire jusqu’au moment où le disciple s’en revint à Paris, en 1252, pour se préparer à y être maître en théologie à son tour. C’est donc pendant sept années consécutives (1245-1252) que l’action d’Albert s’est exercée sur Thomas d’Aquin. Cette séparation ne rompit pas d’ailleurs les rapports doctrinaux de ces deux hommes qui se rencontrèrent, quelques années plus tard, au chapitre général de 1259, tenu à Valenciennes, et où ils travaillèrent, en collaboration avec d’autres maîtres, à un règlement pour les études dans leur ordre. Mais, si à cette heure déjà la pensée de Thomas d’Aquin est très autonome, et si le jeune maître marche par les seules forces de son génie, il n’en doit pas moins à Albert le Grand d’avoir franchi en peu de temps des espaces que d’autres, même avec les années, eussent été impuissant parcourir. 11 nous est resté, en outre, des traces matérielles encore visibles des rapports de Thomas et