Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.djvu/44

Cette page n’a pas encore été corrigée

73

FOI

74

la foi, » la « foi » ne change pas de signification ; elle ne signifie pas les autres dispositions, mais elle les laisse sous-enlendre ; de même que le « baptême » , quand la justification d’un adulte lui est attribuée par saint Paul, ne change pas de sens, ne prend pas un sens prégnant, mais nous savons par ailleurs qu’il faut sousentendre dans cet adulte, à côté du baptême, les dispositions nécessaires.

Objections. — Même avec ces sous-entendus, pour pouvoir attribuer la justification à la foi-croyance, il faudrait au moins qu’elle eût une valeur morale, une vertu salutaire initiale ; or, elle ne l’a pas. « La croyance à un dogme ou à un fait, quelque vrais qu’ils soient, ne saurait avoir de vertu salutaire, pas plus qu’une erreur de pensée ne saurait, en bonne morale, être un motif de condamnation. Le salut doit dépendre, non d’un acte intellectuel, mais d’un mouvement plus profond, plus intime de l’âme. » Ménégoz, Le fidéisme, p. 31. —
Réponse. — Vous supposez à tort que nous entendons par croyance un acte purement intellectuel ; nous entendons, avec la plupart des philosophes même modernes, un acte où la volonté influe sur l’intelligence ; et en ce sens il peut y avoir des erreurs coupables. Voir Croyance, t. iii, col. 2365, 2375, 2377, 2379, 2384 sq. L’acte par lequel nous croyons un dogme ne sort pas de cette conception générale de la croyance ; il présuppose, comme nous le verrons, un pius afjecius credendi, un mouvement de l’âme vers Dieu, que nous honorons en le croyant sur parole. La croyance à un dogme, avec toutes les conditions voulues, peut donc avoir une valeur morale et religieuse, et une vertu salutaire initiale, du moins si l’on considère que c’est un acte surnaturel, un don de la grâce. Aussi saint Thomas dit-il que la « première union de l’âme avec Dieu se fait par la foi, » In IV Sent., I. IV, dist. XXXIX, q. i, a. 6, ad 2um, et que « le premier principe de la purification du cœur est la foi, qui enlève l’impureté de l’erreur ; ensuite, si elle est perfectionnée par la charité, elle produit la purification parfaite.

  • ! Sum. theol., IL 1 II » , q. vii, a. 2. Sur la valeur

morale de la foi, reconnue enfin par une grande partie des protestants, voir Prat, op. cit., p. 342, 359.

.Mais, nous dira-t-on encore, pourquoi saint Paul, dans la plupart des textes, attribue-t-il la justification non pas à la charité, mais à la foi, vertu inférieure d’après le sens que vous lui donnez ? — Réponse. — La foi-croyance, quoique inférieure, avait des titres spéciaux à une mention plus fréquente. Dans l’ordre psychologique des dispositions à la justification, elle vient la première : et c’est bien ainsi que saint Augustin explique l’apôtre : Ex fide dicil juslificari hominem, quia ipsa prima datur, ex qua impclrantur cœlera. De prœdeslinat. sanctorum, c. vii, P. L., t. xliv, col. 969. Cette priorité tient sans doute à ce que, dans l’ordre du développement psychologique, on va de l’imparfait au parfait, mais enfin c’est une priorité. S. Thomas, Sum. theol., II’II » , q. iv, a. 7 ; q. xvii, a. 8. C’est la porte qui nous introduit dans le christianisme ; et comme, quand on nous demande OÙ est telle maison, nous indiquons la porte plutôt que toute autre partie de l’édifice plus parfaite on plus intime, ainsi la foi-croyance devait être mise en relief, et surtout par les apôtres, dont la fonction était d’introduire Juifs et gentils dans oyances chrétiennes ; c’était pour eux la première Ité, et aussi la grande difficulté, laquelle une fois lie, il était plus facile d’obtenir le reste. Tolet. lu ml Rom., <. iii, annot. 17, Mayence, 1603, p. 152, utrc titre de la foi : elle fonde, et soutient perpétuellement les antres actes de Veiln. Voir plus loin, col. 84. On peut ajouter que saint Paul, qui remonte volontiers aux exemples et aux textes biblique*, aj ml à parler de la justification qui nous rend amis de I lieu, rencontrait comme exemple Abraham, le grand juste, I que Dieu appelle son ami, Is., xli, 8, mot bien remarqué dans la suite. Judith, viii, 22 ; Jac, ii, 23. Or, si nous lisons la vie d’Abraham dans la Genèse, le seul de ses actes auquel il arrive d’être rapproché de l’idée de justice, de justification, c’est le fait d’avoir cru : « Abraham crut à (la parole de) Dieu, et Dieu le lui imputa à justice. » Gen., xv, 6. D’après le contexte, il s’agit ici de la foi-croyance, de la croyance d’Abraham à la révélation qui lui est faite de sa nombreuse postérité future. C’en était assez pour que l’apôtre citât et commentât au long cet exemple et ce texte ; il se trouva ainsi amené, quand il traitait de la justification, à mentionner le plus souvent la foi de préférence à toute autre disposition de l’âme, quoiqu’elle ne soit pas la seule requise pour la justification.

Autre solution : la « foi » serait la foi vive, qui renferme la charité, laquelle renferme la résolution d’obéir à tout ce que Dieu veut. Ne pourrait-on pas dire que chez saint Paul, sans parler d’acceptions rares et exceptionnelles, on trouve deux sens du mot à peu près également usitésl — Souvent, il prend la foi dans un sens strict, soit en la distinguant de l’espérance et de la charité, I Cor., xiii, 13, ce sont trois choses, tria hsec, cf. Eph., i, 15-18 ; Col., i, 4, 5 ; IThes., i, 3 ; v, 8 ; LIeb., x, 22-24, soit en la distinguant au moins de la charité. I Cor., xvi, 13, 14 ; Gal., v, 6 ; Eph., iii, 17 ; iv, 13, 15 ; vi, 23 ; I Tim., i, 5, 14 ; vi, 11, etc. Pour plus de détails, voir Prat, op. cit., IIe partie, 2e édit., p. 468, 469. Il prend encore la foi dans le sens strict de croyance, dans tous les exemples que nous avons cités plus haut. « Fides ex audilu ; elle est l’adhésion de l’esprit à un témoignage divin. » Prat, loc. cit., p. 337. « Ici (Rom., vi, 8 ; x, 9 ; I Thés., iv, 14) la foi est une adhésion intellectuelle à une vérité d’ordre historique, sans aucune idée accessoire de confiance ou d’abandon ; néanmoins, c’est la foi véritable, la foi chrétienne, puisque le salut y est attaché, » p. 339. Mais dans sa controverse avec les judaïsants sur la foi et les œuvres, sur la foi qui justifie, ne pourrait-on pas dire qu’il entend, sous le nom de « foi » , le groupe entier des vertus théologales, ce que les théologiens appellent la foi vive, complétée par la charité ? C’est ce que semble admettre, entre autres exégètes, le R. P. Prat, dans cette définition de la « foi » qui justifie : « Il y a de plus, dans la foi, un double, acte d’obéissance : obéissance de la volonté inclinant l’intelligence à accepter le témoignage de Dieu ; obéissance de tout l’homme au vouloir divin connu par la révélation, » op. cit., I rc partie, p. 236 ; et dans ces assertions : « La foi de saint Paul est la foi concrète, la foi agissante, la foi qui reçoit de la charité son impulsion et sa forme ; la foi de saint Jacques est un simple assentiment de l’intelligence… Le premier parle de la foi vive, le second d’une foi qui peut être morte, qui est en tout cas inactive, » p. 244, 245.

Le seul inconvénient que nous trouvions à cette solution, c’est de faire passer l’apôtre d’un sens à l’autre sans avertir, au risque d’égarer les fidèles ; même dans sa controverse avec les judaïsants, il quitterait parfois le sens qu’on lui suppose dans cette controverse, pour revenir brusquement à l’autre : ainsi Rom., x, 9 ; Gal., v, 6. I.e même mot « foi » tantôt signifierait la charité, tantôt ne la signifierait pas. Avons-nous le droit de supposer dans l’écrivain inspiré une telle confusion de langage a propos d’idées Importantes, quand nous pouvons l’éviter par la solution classique donnée plus haut, qui laisse toujours le même sens au mot « foi » ?

Remarquons en passant que, lorsque les théologiens parlent de « foi vive » , alors l’adjectil qu ils ajoutent détermine nettement une nouvelle signification : il signale la présence.le la rharilé, comme l’expression contraire foi mort île son absence. Mais la