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du pardon de ses péchés, qu’il faudrait dans leur système ; ils n’arrivent donc pas ici au sens « prégnant » qu’ils veulent. « La foi que Paul loue dans Abraham, ce n’est pas cette foi spéciale (des protestants), que ses péchés lui étaient remis à cause du Christ : d’une telle foi, il n’est question ni dans ce c. iv, ni ailleurs ; mais c’est la foi générale et catholique par laquelle Abraham a cru tout ce que Dieu lui disait. » Stapleton, De justificatione, 1. VIII, c. iv, Opéra, Paris, 1620, t. ii, p. 243. Sur ce texte, voir Cornely, Comment, in Epist. ad Romanos, Paris, 1896, p. 242 sq. ; Prat, loc. cit., p. 342. Que, dans l’Écriture, les mots « foi, croire » puissent, en de rares occasions, outre la signification principale de croyance à une promesse, signifier secondairement l’effet de cette croyance, le mouvement affectif vers la chose promise — le connoter, en style scolastique — nous pouvons l’accorder avec plusieurs de nos anciens controversistes. Mais cela ne peut arriver qu’accidentellement, dans les cas où la révélation que l’on croit contient une promesse et peut ainsi exciter l’espérance de la chose promise et la confiance en celui qui promet ; combien de révélations ou paroles divines ont un autre contenu, menacent d’un mal, affirment un dogme, donnent un précepte, et ne promettent rien !

b) La foi des miracles.

Les textes où le Christ recommande ce qu’on a appelé « la foi des miracles » , Matth., xvii, 19 ; xxi, 21, et autres synoptiques, sont de ceux où l’on peut admettre que les mots « foi, croire » indiquent secondairement un mouvement affectif de confiance, d’espérance. Mais d’abord, il ne s’agit nullement ici de la confiance du pardon, la seule dans laquelle les protestants font consister la foi qui sert à la justification ; aussi, est-il de tradition, parmi eux, de distinguer la « foi des miracles » et la « foi qui just : fie » . Et une distinction peut très bien s’admettre, pourvu qu’on ne force pas la différence et qu’on l’explique bien. De plus, ce qui caractérise la loi des miracles, dans l’Évangile, ce n’est pps cet accompagnement émotionnel et affectif, c’est au contraire un élément intellectuel tout particulier. Outre la croyance commune à la toute-puissance de Dieu, révélée à tous les chrétiens (le miracle « peut se faire » , croyance demandée par Jésus dans Matth., ix, 28), la foi des miracles ajoute une croyance absolument ferme au futur événement (le miracle sera) : « Je vous le dis en vérité, si quelqu’un dit à cette montagne : Ote-toi de là, et jette-toi dans la mer, et s’i'/ ne doute pas dans son cœur, mais croit que ce qu’il dil arrivera, il le verra s’accomplir. » Marc, xi, 22. Dieu demeure le maître de ses dons et surtout d’un miracle aussi éclatant : évidemment il ne suffit pas, pour l’obtenir, que l’homme se persuade par entêtement qu’il y arrivera : la persuasion dont parle ici le Christ doit venir surnature lie nient de Dieu, soit par une révélation particulière, soit du moins par un vague instinct prophétique, par une conviction imprimée dans l’esprit d’une manière naturellement inexplicable, les récits authentiques de miracles iimis montrent parfois cette extraordinaire conviction anticipée du miracle, dans le futur miraculé. C’est Dieu qui la produit : encore fautil que la liberté humaine le laisse agir, et ne perde pas cetle grâce en cédant, par sa faute, à une tentation subséquente de doute ou de crainte, ce que le Maître blâme. Matth., xiv, 31. Le miracle n’a pas toujours besoin, pour se produire, de cette extraordinaire prévision ; mais quand eDe existe, il suit infailliblement ; il les deux grâces un lien noué par la promesse du Christ, tellement que la seconde résulte de la preml t que le miracle est comme un effet de la foi << miracles. Il fallait ce lien : quand le thaumaturge annonce d’avance le miracle qu’il. faire pour prouver la vérité de sa mission religieuse (par exemple, Pierre, Act., iii, 6, à l’imitation de son Maître, Marc, ii, 10, 11), comment pourrait-il prudemment s’avancer ainsi, s’il n’avait intérieurement la certitude de l’événement ?

Cette espèce de don regarde directement le bien de l’Église plutôt que le salut de qui le reçoit ; aussi l’apôtre le range-t-il parmi les charismes, inférieurs à la charité et incapables de nous sauver, I Cor., xiii, 2 ; etle miracle lui-même auquel se rapporte ce don peut se faire par l’intermédiaire d’un homme qui n’a pas la charité ou qui ne sera pas sauvé. Matth., vii, 22. Cependant, si elle ne suppose pas la charité, la foi des miracles suppose toujours à sa base la foi chrétienne ordinaire, qui a déjà par elle-même une relation avec le miracle. Cf. S. Thomas, Qwest, disp., De potentia, q. vi, a. 9. D’autre part, la foi des miracles et les miracles eux-mêmes étaient des charismes né< essaires à l’Église surtout à ses débuts, ce qui explique que Jésus en parle avec insistance à ses apôtres, futurs thaumaturges, qu’il envoie déjà faire leur apprentissage de ce don. Matth., x, 8. Sur la nature de la foi des miracles et sa distinction de la foi dogmatique et ordinaire .voir, parmi les Pères, S. Cyrille de Jérusalem, Cat., v, c. x, P. G., t. xxxiii, col. 517 ; S. Jean Chrysostomc, In Matth., homil. lvii, P. G., t.Lvn.col. 563 ; In I Cor., homil. xxix, n. 3, P. G., t. lxi, col. 245 ; parmi les théologiens et les exégètes catholiques, Vasquez, In / »  » II*, disp. CCX, c. iv, Lyon, 1620, t. il, p. 688 sq. ; Louis de Torrez (Turrianus), De fide, spe et caritate, Lyon, 1617, t. i, p. 514 ; Justiniani, In B. Pauli epistolas, Lyon, 1612, p. 780 sq. Nous savons que d’autres l’expliquent autrement, mais d’une manière moins satisfaisante.

c) La foi et les œuvres, dans saint Paul, surtout Rom., iii, 21 sq., et iv ; Gal., ii, 16 sq., et m.

Si nous ne craignions de sortir de notre sujet, il nous serait aisé de montrer que les « œuvres » ou « œuvres de la loi » , rejetées par saint Paul comme inutiles à la justification et au salut, sont les actions conformes à la loi, du moins en partie, non pas faites comme la loi naturelle ou mosaïque les supposait, mais comme les concevaient d’ordinaire les Juifs d’alors, et à leur suite les judaïsants que l’apôtre combat : enivres sans esprit intérieur, où l’on ne cherchait que la légalité extérieure et l’estime des hommes, comme le Christ l’avait déjà reproché aux pharisiens ; où, comptant sur les forces de la nature, on ne demandait rien à la grâce, et l’on s’imaginait ainsi mériter : partant, œuvres purement naturelles, et même viciées. Saint Paul indique lui-même la distinction entre deux sortes d’œuvres. Il y a celles qu’il recommande aux fidèles, les œuvres vraiment bonnes et surnaturelles : il les appelle ordinairement frona opéra, à Y<x8à ou xâXa îpya, IICor., ix t 8 ; ITim., v, 10 ; ’Fit., ii, 14, etc. (operemur bonum, Gal., VI, 10) ; ou bien, observatio mandalorum Dei. 1 Cor., vii, 19. Il y a les crimes qui sont purement de nous, non de la grâce, Tit., iii, "> (remarquez l’addition emphatique vj = ;.-, qute fecimus nos), (envies de justice légale et toute personnelle. uxquelles se fiait Paul avant sa conversion, l’hil., iii, 9 (remarquez de même Èi/.r, v, meam) : à Celles-là jamais l’apôtre ne donne l’épithete de lxi. mes i ; il les appelle iy ; x tout Court,

ou plus souvent ïpyec vépou, opéra legis, œuvres de légalité, telles que les entendaient ses adversaires. Même il met parfois en opposition manifeste ces ilni catégories, ces bonnes œuvres et ces i œuvres >. Eph., II, 9, 10 ; Tit, III, 5, 8. Voirie théologien catholique Wieser, Pauli doctrina de fusil fleatione… blblicodogmatlce dtseussa, Trente, 1874, p. 1 19, 120 ; cf. p. 16, 27 ; l’évêque anglican liull, llurmonia iipostnlicn (critique des Systèmes pour concilier saint Paul et saint

Jacques sur la fol et les œuvres), diss. ii, <-. xii, dans Opéra, Londres, 1703, p. 81 sq. ; B. Bartmann, Sf. Pau-