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distinction profonde, non pas pour la langue vulgaire, mais pour la langue spécifiquement chrétienne, pour les « cercles chrétiens » . S’il ne s’agit que du simple datif, qui revient à peu près 40 fois avec ce verbe, il admet que aans la grande majorité des cas il signifie la simple croyance. Mais les prépositiens ! ’Eni se prête si bien à exprimer « qu’on se repose, par la confiance, sur Dieu ou sur le Christ. Eiç rappelle du premier coup Ventrée de l’âme dans cette union mystique, » etc. Loc. cit., p. 469, 470. Raisonner de la sorte, c’est raisonner a priori, où il faudrait des preuves positives ; c’est même supposer ce qui est en question, que les premiers chrétiens aient attaché au verbe -cfiTc-jto employé avec ces prépositions les divers sens qu’y voit le protestantisme. Non seulement on ne le prouve pas, mais nous avons prouvé plus haut par des textes, avec Salmeron, que les écrivains du Nouveau Testament n’ont pas mis, entre ces diverses tournures grammaticales, la distinction qu’on voudrait y voir.

Nous sommes ici, comme nos adversaires, sur le terrain de l’Écriture : nous n’avons donc pas à examiner les idées que plus tard, dans la rédaction ou l’interprétation des diverses formes du symbole, certains docteurs de l’Église, partant des principes du urec classique, ont pu attacher à sîç, quand cette préposition a été réservée aux personnes divines : Ilurreûid sic ©eôv Ttarspa…, eî ; Xpiarôv, etc., à la différence des autres objets de la croyance, tt’.tte-Jio… àyt’av âxx}.ï)<jiav, etc. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 2. Distinction qui d’ailleurs est loin d’être universelle, puisqu’on lit : s !  ; âxxXrio-îav, scç penm-Gi. a, etc. (forme de Cyrille de Jérusalem), e !  ; fiai :).si’av oùpavàiv (Constit. apost.), eîç [ju’av… ixxXyjffcav, etc. (symbole d’Épiphane). Ibid., n. 7, 11, 14. Quant à l’Écriture elle-même, saint Augustin a le premier hasardé une théorie sur une différence de sens dans le verbe « croire » suivant qu’il est mis avec le datif, ou avec une préposition et l’accusatif, en sorte que les protestants modernes pourraient l’invoquer, s’ils faisaient cas de son autorité en exégèse. Pour lui, crederc in Deum plus est quam credere Deo. In ps. lxx vii, n. 8, P. L., t. xxxvi, col. 988. Quid est ergo, credere in (Deum) ? Credendo amare…, credendo in eum ire, et ejus membris incorporari qustification). In Joa., tr. XXIX, n. 6, P. L., t. xxxv, col. 1631. C’est ce que nous appelons la foi vive, la croyance perfectionnée par la charité parfaite qui justifie. Mais il est visible que le saint docteur, qui n’invoque pas ici la tradition commune, mais donne son exégèse particulière, est dominé par la préoccupation du latin classique qu’il avait étudié, dans lequel, comme dans le grec classique, la préposition avec accusatif réclame l’idée de mouvement ou d’entrée dans quelque chose : credendo in eum ire. Il ne remarque pas que notre Vulgate, sans se soucier de la pureté du latin, suit ici mot à mot l’original grec assez peu classique, mettant le datif où il a mis le datif, l’accusatif avec ; ’/ ; où il a mis l’accusatif avec etc. Nos arguments donnés ci-dessus valent donc aussi contre l’exégèse augustinienne, laquelle, on le sait, est en défaut parfois. « L’assertion de saint Augustin, Credere in Deum plus est quam credere Deo, ne paraît donc pas solide. » Ainsi conclut Salmeron, Commentarii, t.-xiii, p. 100 ; et il ajoute cette raison que, dans l’Église, il n’y a pas que les amis de Dieu, ceux qui l’aiment et lui sont unis, qui doivent réciter et chanter le symbole et dire, pour leur compte personnel : Credo in Deum ; que, dans saint Jean lui-même, des princes de la synagogue sont dits « croire en Jésus » , in eum, tout en manquant au précepte grave de « confesser leur foi » et en « préférant la gloire des hommes à la gloire de Dieu, » xii, 42, 43, donc en n’étant pas justes et amis de Dieu, mais pécheurs. Au reste, saint Augustin a varié là-dessus, et attribue parfois au pécheur lui-même le credere in Deum. De fide et operibus, c. xiv, P. L., t. xl, col. 211. Le Lombard ayant introduit la théorie de saint Augustin dans ses Sentences, 1. III, dist. XXIII, les scolastiques, qui commentaient son texte, ont admis généralement une distinction entre credere Deo et credere in Deum, sans l’expliquer toujours de la même manière. Saint Thomas finit par renoncer à l’interprétation augustinienne de la formule in Deum, par la foi vive, citée par le Lombard, mais qui a trop d’inconvénients ; et, voulant expliquer in Deum par un autre mouvement vers Dieu, il recourt dans sa Somme théologique à ce mouvement antérieur de la volonté qui commande la croyance, au pius affeelus credendi, qui appartient à la nature de la foi, et se trouve même dans la foi « morte » ou séparée de la charité parfaite. IIII-, q.n, a.2. C’est d’un tel mouvement vers Dieu que parle le concile de Trente dans sa description de l’acte de foi, libère moventur in Deum, credentes vera esse, etc. Sess. VI, c. vi, Denzinger, n. 798. Luther semble avoir voulu tirer parti de la distinction augustinienne et scolastique entre credere Deo et credere in Deum : on la trouve soulignée dans les notes marginales qu’il avait ajoutées aux Sentences du Lombard, et qui ont été publiées en 1893. Voir Denifle, Luther und Lutherthum, Mayence, 1904, t. i, p. 382. Ses disciples ne manquèrent pas d’alléguer les passages de saint Augustin que nous avons cités plus haut ; ainsi le plus célèbre théologien du luthéranisme, Jean Gerhard, Loci theologici, 1. XVI, édit. de Preuss, Berlin, 1865, t. iii, p. 351. Ils ne pouvaient d’ailleurs se flatter sérieusement d’avoir pour eux saint Augustin. Quoi qu’il en soit de son interprétation des mots scripturaires credere in Deum, le grand docteur, d’accord avec toute la tradition catholique, est manifestement contre eux pour le fond de la question, pour la conception et la définition de la foi. Voir ci-dessous, col. 78, 111, 112 sq.

2. Catégorie de textes où figure le substantif -niVciç, fuies. —

Nous examinerons les groupes de textes qui se rapportent :
a) à la foi d’Abraham ;
b) à la foi des miracles ;
c) à la foi opposée aux œuvres.
Ce sont ceux que l’on a objectés contre notre thèse.

a) La foi d’Abraham.

Le texte principal, Rom., iv, 18 sq., où saint Paul explique le verset de la Genèse sur la foi d’Abraham (Gen., xv, 6 ; cf. Rom., iv, 3), décrit admirablement la foi-croyance, l’assentiment intellectuel donné à une révélation divine (exprimée au verset 18) sous l’influence de la volonté bien disposée. Cette volonté empêche l’intelligence de s’arrêter aux difficultés qui surgissent contre la révélation, 19, et par là même, de douter, où StExpifrri, cf. xiv, 23 ; Matth., xxi, 21, etc., et de céder à l’incrédulité, àrcec-rez, 20. Ainsi, par la « force de sa foi » Abraham « rendit gloire à Dieu, » 20, en le croyant sur parole, et en mettant, « avec une pleine conviction, la toute-puissance divine » au-dessus des apparentes impossibilités du miracle annoncé, 21. Si l’apôtre joint ici les mots de « foi » et d’« espérance » , s’il dit qu’Abraham, « contre l’espérance, » c’est-à-dire contre ce que l’on pouvait humainement espérer, « a cru, avec espérance » ou en espérance, ÈTr’È).71îo !, « qu’il serait le père de beaucoup de peuples, » cela prouve-t-il que pour saint Paul croire » signifie « espérer’? De ce que l’espérance est mentionnée par lui comme accompagnant la foi d’Abraham, ou comme un effet de cette foi, s’ensuit-il que le mot « foi » signifie cet effet ? Quand je dis qu’un courant électrique produit telle lumière, je ne veux pas dire que le mot « courant » signifie la lumière : telle est pourtant la confusion d’idées de ceux qui nous objectent ce texte. Ils devraient voir aussi que, d’après le contexte, cette « espérance » , louée par l’apôtre dans Abraham, n’est pas la même chose que la confiance