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est presque toujours, dans cette construction, une personne, très rarement Dieu…, très communément le Christ… Il suffît d’un coup d’oeil jeté sur ces passages, pour saisir combien le sens du verbe « croire » y est prégnant… Ce qu’ils expriment, c’est un transfert absolu de confiance, notre confiance en nous-mêmes faisant place à la confiance en un autre ; c’est une reddition, un complet abandon de soi (self-surrender) fait au Christ, » t. i, p. 829. Belles affirmations : c’est dommage que la brutalité des faits les démente. D’abord, la construction avec le datif, que l’on nous abandonne et qui, manifestement, n’exprime qu’une simple croyance (voir col. 60), et cette construction avec la préposition et l’accusatif, où l’on veut triompher, sont employées dans saint Paul et saint Jean indistinctement l’une pour l’autre. C’est la remarque que faisait déjà un théologien de Trente, l’illustre exégète Salmeron. Il citait le texte même dont Luther et Calvin ont le plus abusé pour leur théorie de la justification : « A l’homme qui ne fait aucune œuvre, mais qui croit en celui qui justifie l’impie (êrct avec l’accusât, f), sa foi lui est imputée à justice. » Rom., iv, 5. « Et cependant, continue Salmeron, saint Paul commentait alors la Genèse qui dit (dans la traduction même de l’apôtre, ibid., 3) : Abraham crut à Dieu,

  • o> Bs& » , et cela lui fut imputé à justice. C’est donc la

même chose, de croire en Dieu et de croire a Dieu. Ce qui apparaît non moins clairement dans saint Jean : Comme il disait ces choses, beaucoup crurent en lui, eîç a-j-rov. Jésus dit alors aux Juifs qui avaient cru en lui, a-j7<7>, etc. Joa., viii, 30, 31. Ainsi ces mêmes hommes, que l’évangéliste disait croire en Jésus, répétant maintenant la même chose sous une forme équivalente, il dit qu’ils croyaient à la parole de Jésus. Cf. vi, 29, 30. » Commentarii, Cologne, 1604, t. xiii, p. 100. Ensuite, le Christ dans saint Jean ne fait nuitpart une distinction entre croire à ses paroles et croire en lui. Qua ;.d il demande aux Juifs de croire en lui, il ne les excite jamais à la confiance du pardon de leurs péchés, ce qui eût été indispensable dans l’hypothèse de nos adversaires, mais il apporte des raisons de croire sa doctrine : » Ma doctrine n’est pas de moi, mais de celui qui m’a envoyé… Celui qui m’a envoyé est véridique. » Joa., vii, 16, 28. Entendant ifflrmations, et connaissant les miracles qui h s confirment, plusieurs croient en lui : « Beaucoup, parmi le peuple, crurent en lui, z ; v.’, -.6v, et ils disaient : Quand le Christ viendra, fera-t-il plus de miracles que n’en a fait celui-ci ? » Ibid., 31. Aussi saint Jean met-il cette locution, où l’on cherche tant de mystère, dans la bouche même des pharisiens et des prêtres juifs parlant à la foule, eux qui ne pouvaient entendre la foi en Jésus que comme une croyance à s a paroles, et qui ignoraient le mystère sotériologique et le self-surrender aussi bien que ceux à qui ils parlaient : "Nous aussi, vous êtesvous laissé séduire ? Y a-t-il quelqu’un parmi les princes du peuple qui ait cm en lui, eis auton ? » vii, 17, 48 ; « Comme il disait ces D S, beaucoup crurent en lui, eis auton, » viii, 30. Leur avait-il parlé du mystère sotériologique, du pardon de leurs péchés ? Non. Que leur avait-il dit’ne fais rien de moi-même, mais je dis ce que mon Père m’a enseigné. Et celui qui m’a envoyé est avec moi, c t il nm’a pas laissé si ni. » Ibid., 28, 29. Origine divine de son enseignement humain, assistance divine pour que cet enseignement ne soit pas déformé, vola qui s’adresse à la simple croyance. Voir de même, dans leur contexte, X. 12 ; xii, 1 1, 46.

Ainsi le profond mystère que l’on cherche dans cette préposition et cette accusatif n’est qu’une chimère, sans fondement dans l’étude des textes. Que dire maintenant du principe philologique que l’on invoque : "La préposition avec l’accusatif indique toujours un mouvement ; il y a donc mouvement vers le Christ, ce qui semble dire plus qu’une simple croyance ? » Ce principe, qui vaut pour le grec classique, n’est nullement concluant quand il s’agit du grec du Nouveau Testament, à cause d’une double influence exercée sur ce grec, l’une par l’hébreu, l’autre par la langue familière ou « hellénistique » . Ce que le grec classique exprime ordinairement par le datif, comme pisteuein tini, croire à quelqu’un ou sur la parole de quelqu’un, l’hébreu est forcé de le rendre par une préposition, et le grec du Nouveau Testament imite souvent la construction hébraïque, soit que l’écrivain juif suivît inconsciemment la syntaxe de sa langue maternelle, soit qu’il travaillât sur des matériaux aramaïques, soit que la version des Septante, qui lui était familière, colorât son style grec. Blass, Grammaire du grec du N. T., trad. anglaise, Londres, 1898, Introduct., p. 4. « La tendance à employer une préposition quand le cas seul suffirait, dit M. l’abbé Vitcau, est due à l’influence de la langue familière, et surtout à celle de l’hébreu. En hébreu, les cas proprement dits n’existent pas, et l’on emploie perpétuellement des prépositions poi : r les remplacer (Preiswerk, p. 537 sq., 603 sq.). Aussi, l’influence de l’hébreu s’est-elle exercée sur le grec des Septante, où les prépositions abondent. » Élude sur le grec du Nouveau Testament comparé avec celui des Septante, Paris, 1896, p. 162. Donc, l’emploi de pisteuo avec une préposition, à la place du simple datif, ne trahit pas une intention spéciale, ni un mystère profond ; ce qui explique pourquoi les écrivains du Nouveau Testament, comme nous l’avons vii, se servent indifféremment du seul datif ou de la préposition, parlant un grec tantôt plus tantôt moins pur. En même temps que l’hébreu, le grec vulgaire, la « langue familière", agissait dans le même sens ; cette langue nous est bien mieux connue aujourd’hui par la découverte de nombreux papyrus. On y constate une antipathie grandissante pour le datif, quoiqu’elle ne soit pas encore très marquée dans le Nouveau Testament. Le datif vieillissait, et devait finir par disparaître complètement de la liste des cas du grec moderne, qui est le dernier terme de cette évolution populaire. Le dictionnaire de Hastings, quand il veut conclure de eis à l’idée de mouvement, fait un anachronisme. Oui, « la position classique était que en avec le datif répondait à la question ubi, eis avec l’accusatif à la question quo (mouvement)… Mais le langage populaire hellénistique vint tout simplifier : eis avec l’accusatif représenta la question ubi comme la question quo ; on le voit dans les Septante, et dans les papyrus égyptiens, i Blass, op. cit., § iî’.i, p. 122. De là des textes comme eis oixov esti.Marc, ii. 1 : o ov eis tov xoipiov tou patros. Joa., i, 18. A fortiori quand il ne s’agit pas de position locale, mais d’un verbe à signification morale, comme « croire >-. Alors ; " le caprice de l’écrivain dans le choix de eis ; ou ev n’est pas surprenant, puisque l’hébreu (pour rendre l’un ou l’autre) n’avait qu’une seule préposition, et que le grec classique dans la plupart de ces cas n’en mettait aucune. Ainsi pisteueiv eis ; alterne avec pisteueiv en (Marc, i. 15) et pisteueiv epi (et alors, tantôt avec le datif. I l’un., i, 16, tantôt avec l’accusatif, Act., ix, 42) ; ajoutez la tournure correcte et classique par le simple datif. Ad., v, 1 I ; xviii, 8. A cela répond une semblable liberté de construction dans le substantif pistis (ev Xristo.Gal., iii, 26 ; Col., i, I X-, g : -.-/, Ad., xiv, 21, ou le génitif XpioroO. Gal., II, Blass, op. cit., p. 123. (.f. p. 110. Le révérend II. Moulton reconnaît avecKrebs cette décadence du datif dans la langue familière et la tendance à lui substituer l’accusatif avec une préposition. The 1 tilor, Londres, 1904, p. L€ 166. Malgré fout, il vent entre les diverses constructions de itiertvM une