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fîcation, il importo de bien distinguer la question de chose et la question de mot. Sur la première, nous ne différons pas des protestants quant à la nécessite de la confiance en Dieu pour obtenir le pardon, de la confiance appuyée sur les mérites du Christ, ni quant à l’impossibilité d’offrir sans lui une digne satisfaction à un Dieu offensé. Nous différons, soit par quelques dispositions intérieures que nous ajoutons à la confiance du pardon comme plus ou moins nécessaires (repentir, charité) et qu’en général ils suppriment, soit par une certitude absolue du pardon ou du salut personnel, qu’ils regardent comme une propriété ordinaire de leur foi-confiance, qu’ils exigent même, de tout homme comme condition du pardon, tandis que le concile de Trente rejette une telle certitude et une telle exigence. Au reste, toute cette question de chose est en dehors de notre sujet. Voir Espérance, t. v, col. 616, 617, et surtout Justification. Sur la question de mot, la seule que nous ayons ici à traiter, question d’ailleurs importante pour éviter la confusion des idées et comprendre l’Écriture, nous différons en ce que nous n’appliquons pas le nom de « foi » à ces sentiments ultérieurs de confiance.

Examinons maintenant les principaux textes que les adversaires allèguent en leur faveur.

1. Catégorie de textes où figure le verbe pisteuo, credo.

Parmi les constructions de ce verbe, il en est deux qu’ils invoquent.

a) Quand pisteuo est employé sans aucun complément : « croire » tout court. Les textes de cette catégorie ont souvent un contexte explicatif qui révèle le complément sous-entendu. Ceux-là sont clairs, et chose remarquable, ils sont en notre faveur. Elisabeth dit à Marie : « Bienheureuse d’avoir cru ! car elles s’accompliront, les choses dites de la part du Seigneur. » Luc, i, 45. Le contexte indique le complément sous-entendu : d’avoir cru ces choses dites, etc. Il s’agit donc, non pas de la confiance du pardon, mais de la croyance à une révélation où du reste il n’était pas question de pardon promis à Marie. Ailleurs, dans les Évangiles, c’est, d’après le contexte, la croyance à la puissance de Jésus comme thaumaturge. « Qu’il te soit fait suivant que tu as cru. » Matth., viii, 13 ; comparez 8, 9, et notez le mot « foi » outre le mot « croire » , et le magnifique éloge que fait Jésus de cette foi, 10. Cf. Matth., ix, 28, 29 ; Marc, v, 36 ; ix, 22, 23 ; Luc, vm, 50 ; Joa., xi, 40. En saint Jean, « croire » tout court est souvent expliqué par le contexte dans le sens d’une ferme et simple croyance aux révélations de Jésus, quel que soit leur objet. « Nous attestons ce que nous avons vii, dit le Christ à Nicodème, mais vous ne recevez pas notre témoignage. Si vous ne croyez pas quand je vous parle des choses qui sont sur la terre, comment croirez-vous si je viens à vous parler de celles qui sont au ciel ? » Joa., iii, 11, 12. Nous voyons ici que le mot « croire » équivaut à « recevoir un témoignage » , et un témoignage qui porte, non pas sur le seul pardon des péchés, mais sur divers objets de la terre et du ciel ; et tout doit être également cru de la part d’un tel témoin, sans qu’il soit question, pour le moment, de la confiance du pardon. Ailleurs en saint Jean, « croire » tout court équivaut à reconnaître la mission divine de Jésus pour enseigner la vérité, ou sa qualité de Messie, et ordinairement sans aucune allusion au pardon des péchés ni à sa mission rédemptrice et sotériologique, que le dictionnaire de Hastings s’imagine voir indiquée partout. « Si vous êtes le Christ (le Messie), dites-le-nous franchement. Jésus leur répondit : Je vous l’ai dit, et vous ne croyez pas : les œuvres que je fais au nom de mon Père rendent témoignage de moi ; mais vous ne croyez point, parce que vous n’êtes pas de mes brebis. » Joa., x, 24-26 ; cf. v, 44 ; ix, 37 ; xvi, 30 ; xix, 35 ; Luc, xxii, 66, 67.

Cette mission de Jésus était intellectuellement reconnue à l’aide de ses miracles. Joa., ni, 2. Aussi « croire tout court est souvent uni, dans le contexte, à l’idée d’un miracle qui serve de raison de croire, qui fasse admettre Jésus comme docteur surnaturel, ou comme Messie : « Que le Christ, le roi d’Israël, descende maintenant de la croix, afin que nous voyions et que nous croyions. » Marc, xv. 32. « Nathanaël lui répondit : Rabbi, vous êtes le fils de Dieu, le roi d’Israël. Jésus lui répartit : Parce que je t’ai dit : Je t’ai vu sous le figuier, tu crois. » Joa., i, 49, 50 ; cf. iv, 4, 8 ; xi, 14. Dans les récits des apparitions du Christ après sa mort « croire » tout court, c’est admettre le fait de sa résurrection, abstraction faite de la confiance du pardon. « Comme ils hésitaient encore à croire…, il leur dit : Avez-vous quelque chose à manger ? » Luc, xxiv, 41. Cf. Marc, xvi, 11. « Parce que tu m’as vii, tu as cru, » etc. Joa., xx, 29 ; cꝟ. 8, 25. Dans les Actes et les Épîtres, « croire » équivaut souvent, d’après le contexte, à admettre comme parole de Dieu les diverses vérités prêchées par les apôtres. « Afin que, par ma bouche, les gentils entendent la parole de l’Évangile, et qu’ils croient. » Act., xv, 7. « Ayant reçu la divine parole que nous avons fait entendre, vous l’avez reçue non comme parole des hommes, mais, ainsi qu’elle l’est véritablement, comme une parole de Dieu. C’est elle qui déploie sa puissance en vous qui croyez. » I Thess., ii, 13. Cf. Rom., i, 16 ; I Cor., i, 21 ; xv, 11 ; Luc, viii, 12 ; Joa., i, 7.

A côté de ces textes si nombreux où le contexte nous donne raison, il en est qui se trouvent n’avoir pas de contexte explicatif, et, dans cette obscurité du « croire » tout court, les protestants triomphent, mais à bon marché : car alors, sans qu’objectivement il en résulte rien, chacun est libre de voir subjectivement ce qu’il veut sous des expressions vagues comme « les croyants » , oï pisteuontes ;. Act., ii, 44 ; iv, 32 ; xi, 21 ; xv, 5 ; xviii, 27 ; xix, 18 ; I Thess., i, 7, etc. Et même là, notre sens est bien plus naturel. Ces « croyants » , en effet, comme nous le voyons dans les Actes, sont connus et comptés par les autres hommes : « beaucoup de ceux qui avaient entendu ce discours crurent, et le nombre des hommes s’éleva à environ cinq mille. » Comment expliquer un pareil dénombrement des croyants, si « croire » consistait dans des sentiments intérieurs, difficiles à constater, de confiance du pardon avec humilité et défiance de soi, etc. ? Tout s’explique très bien, au contraire, si « croire » est une simple croyance dont on fait facilement profession extérieure, en se soumettant au magistère des apôtres, comme nous le voyons d’ailleurs exprimé : « Ceux qui reçurent la parole de Pierre furent baptisés ; et ce jour-là, le nombre des disciples s’augmenta de trois mille personnes environ. » Act., ii, 41. Après tout cela, on s’étonne que le dictionnaire biblique de Hastin.ns ait bien pu dire de ce « croire » tout court que, « dans le Nouveau Testament, c’est un terme technique consacré à désigner la confiance dans le Christ pour notre propre salut, » t. i, p. 830.

b) Quand pisteuo est employé avec une préposition etl’accusatif.

Ici le même auteur anglais se sent encore plus à l’aise. « Quand nous arrivons, dit-il, aux constructions qui renferment une préposition, nous entrons dans une région où le sens profond du mot — celui de ferme et entière confiance — reprend tous ses droits… La préposition suivie de l’accusatif implique un mouvement moral, une direction de l’âme vers l’objet. » Et après un mot sur la préposition ètt :, plus rare, « la construction caractéristique du Nouveau Testament, dit-il, se fait avec ei ;, qui se présente 49 fois dont environ les quatre cinquièmes appartiennent à saint Jean, et le reste à peu près à saint Paul… L’objet de la foi (le régime de la préposition)