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FRANÇOIS DE SALES (SAINT ;

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de 1 100 lettres. L'édition d’Annecy en apportera plus de 500 nouvelles ; et elle donne toutes les lettres dans leur intégrité, avec leur date et le nom de leur destinataire.

On voit apparaître tour à tour dans les Lettres l’ami et le parent affectueux, le conseiller judicieux, l’homme dévoué toujours prêt à rendre service, le patriote fidèle et le sujet obéissant, le politique avisé et l'économiste, le canoniste, l'évêque qui juge et commande, le défenseur de la justice, le prédicateur de la foi, le polémiste, le théologien et le docteur, le moraliste et l'éducateur, l’ascète et le mystique, le législateur monastique, le protecteur et le guide des âmes consacrées à Dieu, et surtout le directeur des consciences, le père « prenant volontiers en charge une âme qu’il aura rencontrée au désir de la sainte perfection, la portant en son sein, comme une mère faict son petit enfant, sans se ressentir de ce faix bien-aymé. » Préface de la Vie dévote. La grande partie de ces Lettres sont des conseils de direction, de cette direction dans laquelle le mandataire divin s’efface et apprend à l'âme dirigée à écouter docilement le maître intérieur, le seul vrai directeur. Les conseils sont appropriés à toutes les situations, à tous les besoins, a toutes les bonnes volontés. Le saint directeur traite tous les sujets avec une attention égale, toutes les âmes avec un profond respect.

En toutes ces lettres de direction, c’est la même idée fondamentale et la même marche ascendante et continue : aider doucement l'âme à se dégager d’ellemême, la rapprocher de plus en plus de Dieu et l’unir intimement à lui. Rien n’est intéressant comme de suivre la progression constante en ces âmes d'élite qui s’appelaient sainte Chantai, M me de la Fléchère, la mère Favre, la mère de Bréchard, la mère de Blonay, la présidente Brulart, M me de Cornillon, sœur du saint, le duc de Bellegarde, car les hommes n’y sont point étrangers, et on y rencontre même des évêques. On y retrouve l’Introduction à la vie dévote, ou, si l'âme en est capable, le Traité de l’amour de Dieu, reproduits au vif, complétés, dans les actes et circonstances de vies fort différentes et variées. Et le plus intéressant, c’est de voir le bon saint, si désireux de s’effacer, se découvrir à tout instant à son insu, et, livrer, avec une exquise naïveté, tous les trésors de son âme.

Les plus remarquables de ces lettres sont celles qu’il adresse à sainte Chantai. On peut suivre le développement de cette âme que François avait reçue toute meurtrie par les douleurs du veuvage, comprimée par un directeur maladroit, ardente, généreuse, pleine de désirs et de bonne volonté, mais ignorante encore dans les voies spirituelles, Mémoires de la mère de Chaugy, part. I, c. ix, bien que Dieu la pressât vivement, bien qu’il l’attirât déjà à l’oraison « d’une simple vue et sentiment de sa divine présence, » timorée, scrupuleuse même. Il lui enseigne à se dégager d’elle-même, à être fidèle à l’appel divin ; il la guide et l’affermit dans les voies de l’oraison : il l’aide à monter avec une lenteur prudente, mais sûre et droite, jusqu’aux plus hauts sommets. Il n’est point, du reste, un novice dans ces parages : il a la science et l’expérience. Plus tard, à Annecy, alors qu’il écrira le Traité de l’amour de Dieu, la mère de Chantai lui sera, elle et ses fdles de la "Visitation, un sujet admirable d'études et d’expériences. Sa sainteté, à lui-même, grandira à ce contact, et en bénéficiera abondamment. Quant à rechercher lequel des deux a le plus gagné à un commerce si intime et si saint, c’est une question oiseuse : Dieu seul pourrait y répondre. D’autre part, intervertir les rôles tels qu’on les a envisagés depuis trois siècles, et faire du directeur presque un dirigé, semble tout à la fois risqué et paradoxal.

Dans plusieurs de ces Lettres, surtout dans celles qui s’adressent à sainte Chantai, le^ saint emploie des ex pressions affectueuses qui ont choqué quelques esprits chatouilleux. L’usage courant du pays et du temps autorisait amplement ce langage. Du reste, rien n'était plus pur que le cœur du saint évêque, rien de plus dégagé des sentiments de la terre que l’affection qu’il portait à ses filles spirituelles ; le sceptique SainteBeuve lui-même l’a reconnu ; et les destinataires et les lecteurs ne pouvaient se méprendre à ces expressions d’une paternité toute de l'âme et ne respirant que le zèle de l’amour de Dieu. C’est ainsi qu’entre toutes les autres, lesaint conduisait l'âme de sainte Chantai, dans] son progrès incessant, à l’immolation la plus complète, à la cime de la perfection et de la sainte indifférence : les lettres des 17, 18, 19 et 21 mai 1617, au t. xvii, en font foi. Ces suprêmes sacrifices, demandés par le saint directeur, ne signifient pas, comme on l’a prétendu naguère, qu’il subsistait encore, dans une amitié qui fut toujours toute surnaturelle, quelque chose de trop sensible ou de trop humain. Ils étaient simplement, après un long et incessant progrès, le couronnement de la sainteté et de l’union avec Dieu.

9° Règle de sainct Augustin, et Constitutions pour les sœurs religieuses de la Visitation, Lyon, 1619. — De toute la législation religieuse donnée à ses filles, le saint fondateur ne put faire imprimer que les Constitutions, avec la traduction de la règle de saint Augustin, précédées d’une remarquable préface.

L'éloge des Constitutions de la Visitation est fait au bréviaire romain, leçon ine du iie nocturne de la fête de saint François de Sales, au 29 janvier : Consliiuliones sapientia, discrelione et suavilale mirabiles. Une bulle de Clément XI, donnée en laveur de la Visitation au premier centenaire de sa fondation, le 22 juin 1709, renchérit encore : Ordo vesler… conslitutionibus sapientia, discrelione ac suavitale mirabilibus instructus fuit. Elle ajoute : …Si saluberrimas Constilutiones et monila vobis a sancto inslitutore relicta, quibus ad christianam perfeclionem iler tutum, expedilum ac planum slernitur, diligentissime cuslodiatis. Pie X, dans le bref adressé à l’institut de la Visitation, à l’occasion du 3e centenaire, le 13 décembre 1909, donne le commentaire de cet éloge : Ea nempe sancti docloris fuit mens ut filiæ Deo formarentur quibus inessel spiritus gratiæ et precum, quæ ipsum in spirilu et veritalc adorarent : quæ animi demissionc suique despicientia efus gloriæ amplifteandæ studerent ; quæ quasi columbae in tacilo nido delilescentes, terrenis omnibus abdicatis, et in cœlestium rerum conlemplatione defixæ, sese Deo exhibèrent hostias viventes. Telle est bien la pensée du saint fondateur : offrir les secours de la vie religieuse aux jeunes filles, aux veuves mêmes qui n’ont pas l’attrait ou la force de porter les austérités corporelles des ordres religieux : c’est le but qu’on pourrait appeler extérieur. Le but intérieur et intime, c’est de réaliser une forme de vie religieuse selon la méthode de piété qui était chère à François et qui constituait le fond de sa doctrine spirituelle : être uni à Dieu en s’appliquant à conformer sans cesse sa volonté à la volonté divine ; en recherchant en toute action le bon plaisir divin : Quæ placila sunt ei facio semper.

Les Constitutions de la Visitation se trouvent dans les Œuvres complètes de Vives et de Migne. Elles ont été imprimées à part, à l’usage des religieuses, à différentes reprises. La dernière édition est d’Annecy, 1889.

10° Coustumier et Directoire pour les sœurs religieuses de la Visitation Saincte-Marie, Lyon, 1628, plusieurs fois réimprimés depuis. L'édition définitive est de 1637. — Le Coustumier est en substance l'œuvre de saint François de Sales ; mais c’est sainte Chantai qui l’a arrangé définitivement en volume. Il en est de même du Directoire spirituel pour les actions journalières : c’est une méthode pratique et courte de se tenir