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FRANÇOIS DE SALES (SAINT)


de 1609, à Lyon. L’édition princeps ne contenait que trois parties. Dans les éditions suivantes le saint en ajouta deux, s’appliqua à perfectionner la forme ; il s’efforça surtout de rendre son livre plus universel et d’en faire disparaître ce qui se rapportait d’une façon trop exclusive à la direction de personnes particulières. L’auteur commence par expliquer clairement ce qu’il appelle la dévotion, et qu’aujourd’hui nous appellerions la piété : « La vraye et vivante dévotion, o Philothee, présuppose l’amour de Dieu, ains elle n’est autre chose qu’un vray amour de Dieu ; mais non pas toutefois un amour tel quel : car, en tant que l’amour divin embellit nostre ame il s’appelle grâce, nous rendant aggreables a sa divine Majesté ; en tant qu’il nous donne la force de bien faire, il s’appelle charité ; mais quand il est parvenu jusques au degré de perfection auquel il ne nous fait pas seulement bien faire, ains nous fait opérer soigneusement, fréquemment et promptement, alhors il s’appelle dévotion. » Le livre contient : 1. un préambule : la préparation de l’âme à la dévotion ; 2. les deux grands aides et moyens de la dévotion, la prière et les sacrements ; 3. la pratique des vertus : qui constitue le corps de la dévotion ; 4. la mise en garde contre l’ennemi, ou comment se conduire dans la tentation ; 5. la retraite, ou renouvellement périodique des bonnes résolutions. Voilà tout l’ouvrage : simplicité, bonté, je dirai presque bonhomie, clarté, esprit judicieux et pratique, délicate analyse du cœur humain, en même temps que stimulant puissant pour arracher l’âme à sa nature viciée et l’engager dans les voies de la piété’et de la perfection de l’amour de Dieu.

Quand ce livre parut, il eut un succès sans pareil. On n’avait pas encore essayé, en France du moins, de donner un guide clair et pratique pour mener les fidèles vivant au milieu du monde dans les voies de la perfection. On n’écrivait de semblables choses que pour les couvents, et en latin ; et la doctrine relevée des livres de dévotion convenait mieux, dit saint François de Sales lui-même, « aux parfaits qu’aux aspirants. » Du vivant même de l’auteur, l’Introduction avait pénétré dans les principales contrées de l’Europe, et avait été réimprimée plus de 40 fois en langue française. Dès 1656, elle avait été traduite déjà en 17 langues. Actuellement on peut avancer sans exagération que les éditions de cet ouvrage dépassent le nombre de mille. Celle de l’abbé F. Boulenger, in-12, Paris, 1909, reproduit l’édition de 1619, mais elle a modernisé l’orthographe.

Le bien que l’Introduction a produit dans le monde est en rapport avec cette diffusion. Le bref du doctorat résume les témoignages d’admiration de près de trois siècles, et les consacre par ces décisives paroles : Maxime autem vivis coloribus virliilem opère quod « Philothea » inscribitur, pinxil ; ac prava siernens in direela, et aspera in vias planas, universis Christi fidelibus iler ad eum ita facile commonslravil ut vera exinde pielas lucem suarn ubique effunderet, viam sibi ad regum solia, ad ducum tentoria, ad judiciorum forum, lelonia, ofp.cin.as, et ipsa oppidula paslorum aperiret. Enimvcro iis scriplis ex sacra doctrina summa scientix sanctorum principia eruit, et ita enucleat, ut insigne ejus priinlegium plane visum sit, quod ad omnes fulclium conditiones sapienier, leniterque eamdem accommodare noverit. Œuvres, t. i, p. xviii.

Le livre de la Vie dévote a eu des critiques, quelque parfait qu’il fût pour le fond et pour la forme. Le saint a réfuté lui-même une de ces accusations : o Ce livret a receu généralement un gracieux et doux accueil… ; il n’a pas pourtant été exempt d’une rude censure de quelques-uns…, de ce que je dis à Philothee que le bal est une action de soymeme indifférente… J’eusse désiré qu’il leur eust pieu de considérer que la… pro position est puisée de la commune et véritable doctrine des plus saintz et sçavans théologiens, que j’escrivois pour les gens qui vivent emmi le monde et lis cours, qu’au partir de la j’inculque soigneusement l’extrême péril qu’il y a es danses… » Préface du Traité de l’amour de Dieu. Il aurait pu ajouter qu’il recommandait instamment à sa Philothee de n’avoir aucune affection à tout cela, ce qui serait « chose contraire a la dévotion et extrêmement périlleuse. Ce n’est pas mal de le faire, mais ouy bien de s’y affectionner. Vie dévote, 1. I, c. xxiii. Des âmes timorées se scandaliseraient aussi volontiers du langage dont se sert le saint en maints endroits, avec une verdeur d’expression à laquelle nous ne sommes plus habitués. Saint François de Sales était de son temps et parlait la langue de son pays, moins raffinée, moins hypocrite, plus sincère et au fond aussi chaste pour le moins que, la nôtre. Il pensait qu’il fallait signaler le mal afin que la jeunesse pût s’en préserver ; et dans ce temps-là on pouvait appeler le mal par son nom. Les chapitres de la IIIe partie sur les amitiés et « amourettes » sont tout aussi pratiques aujourd’hui qu’autrefois, et les leçons qu’on y rencontrera ne seront pas hors de saison. Dans le c. xxxix : De l’honnêteté du lit nuptial, le saint donne, d’une façon très réservée, mais très claire, de difficiles et nécessaires enseignements : « Je pense avoir tout dit ce que je voulais dire, et fait entendre sans le dire ce que je ne voulois pas dire. » On peut mettre, sans doute, entre les mains des enfants ignorants des éditions spéciales ; mais supprimer ce chapitre et les autres que nous avons dit, des éditions courantes, comme on le fait souvent, c’est se priver d’un utile auxiliaire.

4° Traité de l’amour de Dieu, t. iv, v. — C’est l’ouvrage capital et le chef-d’œuvre de saint François de Sales. Ce fut aussi son œuvre de prédilection, à laquelle il travailla de longues années. Les instances de sainte Chantai et des premières visitandines le déterminèrent à achever ce travail, qui parut à Lyon en 1616. Il fallut le rééditer en 1617, 1618, 1620. Il fut traduit bientôt dans la plupart des langues de l’Europe.

Le saint docteur a résumé lui-même le livre dans sa Préface : « J’ay seulement pensé a représenter simplement et naïvement, sans art et encore plus sans fard, l’histoire de la naissance, du progrès, de la décadence, des opérations, des propriétés, avantages et excellences de l’amour divin. > Douze livres, dont le I er est un préambule et le dernier tire des conclusions pour la pratique de la vie.

Le 1. I er est une page de psychologie qui sert de préparation à 1’« histoire de la divine charité » : c’est l’étude de la place forte que la charité va conquérir et transformer. Qu’est-ce que cet amour qu’il s’agit de rendre divin ? La volonté humaine, nous dit le saint auteur, commande à toutes les puissances et passions de l’âme : elle commande même à l’amour ; mais à son tour il sait prendre autorité sur elle et lui commander. Et le saint décrit les différentes opérations de l’amour et les différentes sortes d’amour. Il le montre cherchant en vain son objet ici-bas, et tendant par l’inclination de sa nature à Dieu, sans pouvoir l’atteindre, à moins que la grâce ne vienne à son aide. Et c’est là précisément que va commencer l’histoin la divine charité.

Les 1. II-IV racontent cette admirable histoire : d’abord la génération du divin amour dans les éternels décrets de la divine providence que l’auteur énumère : l’incarnation en premier lieu, et l’élection de la Vierge .Marie, la création de tout le reste des chos -s tant naturelles que surnaturelles, la rédemption, l’immaculée conception. Nous voyons la naissance du divin amour en nous, par notre justification : les attraits divins qui nous sollicitent, tout en nous laissant notre liberté : puis la foi, l’espérance, la pénitence venant suc<