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comme bien plus fréquent un autre sens qu’ils nomment le sens fort, ou profond, ou « prégnant » . Sa prédominance dans le Nouveau Testament en ferait le stns « propre » , c’est-à-dire celui qu’on est en droit de présumer partout jusqu’à preuve du contraire, celui par lequel on est en droit de définir la foi dans l’enseignement chrétien. Ce sens propre présupposerait l’élément croyance, plus ou moins diminué dans son objet, niais y ajouterait un élément affectif subséquent, que chacun décrit d’une manière un peu différente et plus ou moins complexe, mais dans lequel réside la véritable essence de la foi. « Le retour à Dieu, dit M. Ménégoz, exige un acte du moi tout entier, par lequel l’homme s’arrache au péché et se donne à Dieu. Cet acte est la Foi… Dieu ne demande au pécheur, pour le recevoir en grâce, ni la sainteté à laquelle il sent qu’il ne pourra jamais atteindre, ni une expiation qu’il sent ne jamais pouvoir fournir, mais uniquement un mouvement du cœur, un acte de sincère consécration, un abandon confiant et entier à la divine miséricorde. » Le fidéisme, Paris, 1900, p. 17. Qu’est-ce donc que la foi ? demande Auguste Sabatier. Est-ce encore l’adhésion intellectuelle à des dogmes ou la soumission à une autorité extérieure ? Xon. C’est un acte de confiance, l’acte d’un cœur d’enfant, qui retrouve avec joie le Père qu’il ne connaissait pas, et qui, sans orgueil d’aucune espèce, est heureux désormais de tenir tout de ses mains. Voilà ce que Luther a trouvé dans cette parole de l’apôtre Paul : Le juste vivra par la foi. Dans cette transformation radicale de la foi ramenée à son sens évangélique, se trouvait le principe de la plus grande révolution religieuse que le monde eût traversée depuis la prédication de Jésus. » Esquisse d’une philosophie de la religion, 4e édit., Paris, 1897, p. 245. Oui, la transformation du sens du mot « foi » (reste à savoir si cette transformation « ramenait la foi à son sens évangélique » ) a servi de prétexte à Luther pour rejeter presque tous ceux des dogmes catholiques qu’il rejette, hiérarchie, sacrements et leur manière d’opérer, expiations de la pénitence, purgatoire, etc. C’est loin bien, avec sa théorie exagérée des suites de la chute originelle, un dis fondements de son système et un principe de sa révolution religieuse, on pourrait presque dire sa seule idée positive et originale, le pouvant se retrouver çà et là dans d’autres hérésies. On conçoit dès lors pourquoi les protestants d’aujourd’hui, quelle que soit leur couleur, quel que soit le nombre des dogmi s conservés par Luther qu’ils i nent ou qu’ils abandonnent, gardent tous au moins quelque noe di sa conception de la foi. Ainsi M. Sanday, bien qu’il rejette en partie la théorie de Luther sur la justification par la foi (voir son commentaire sur l’Épltre aux Romains, I’édit., p. 152), te pourtant cette définition : Foi au Christ signifie îiii attachement au Christ, une forte émotion d’amour et de gratitude. Introduction, p. xi.vi. i La foi. dit le dictionnaire biblique de Hastings, contient certaim ment un (Nue ni de connaissance, el non moins i ei i ainement elle about it à la conduite (bonnes œuvres, obéissance ô Dieu). Cependant elle ne consiste ni dans iitiment (qui la précèdo), ni dans l’obéissance (qui la suit), mais dans une confiance qui se repose sur l’invisible auteur de tout bien…Pour l’homme pécheur (tel qu’est l’homme dans l’état présent, que l’Écriture), ce repos du ca or en Dieu de vient nécessairement une humble confiance du pardon il du retour en pécheur. En réponse aux révélations de la divine miséricorde, la foi se livre sans réserve, et avec le renoncement de celui qui ne compte plus sur soi. A i >i< u « oniii.ni et suffisant sauveur, et ainsi, dans un seul et même acte de toute orgueilleuse prétention à l’égard de Dieu et se jette, pour obtenir le salut, dans les bras de sa grâce. » Dictionary of the Bible, 1. 1, p. 836. Les traits de cette description rentrent à peu près dans l’idée complexe de confiance en Dieu. Voir Espérance, t.v, col. 628-630. Et les protestants libéraux qui ont rejeté la chute originelle, cette autre base de Luther qui l’exagérait, ont gardé sa conception de la foi, témoins Sabatier et Ménégoz, précédemment cités.

Nous sommes d’accord avec Luther et avec ces protestants contemporains sur un point bien établi : c’est que le sens foi-fidélité (aux promesses, ou au devoir en général), et par dérivation foi-obéissance à Dieu, n’est pas le sens ordinaire et propre du mot « foi dans le Nouveau Testament, qui nous importe surtout, quoi qu’il en soit de l’usage hébraïque’et de l’usage profane du mot chez les Grecs et les Latins. Ce sens avec ses dérivés peut donc être mis de côté. Reste uniquement à discuter la prétendue prédominance du sens foi-confiance dans le Nouveau Testament. Mais d’abord entendons-nous.

a) Nous ne prétendons pas nier qu’il y ait dans la foi chrétienne une sorte de confiance en Dieu. La foi, au sens chrétien du mot, n’est pas un assentiment intellectuel obtenu par un moyen quelconque, mais, comme nous le verrons, un assentiment obtenu par l’intermédiaire du témoignage divin, et qui repose sur la science et la véracité de Dieu. Or, quand on croit quelqu’un sur parole, à raison de sa compétence et de sa véracité, en quelque manière on se confie à lui. Franzelin en a fait la remarque : Hic modus cognilionis. .. est fides quia fidens scienliæ et vcracitali alterius prœslal assensum verilali. De traditionc et Scriptura, 2e édit., Rome, 1875, p. 588. C’est ce qui explique la parenté du mot fides avec fidere, fiducia, confidentia, l’emploi du mot « crédit » (du latin crederc) dans la langue du commerce et de la banque, etc. Mais cette sorte de confiance, que nous reconnaissons connue essentielle à la foi chrétienne, est antérieure à la croyance, puisqu’elle en est la cause : c’est parce, que je me fie à la science et à la véracité de Dieu que j’admets sur sa parole une vérité, ce qui est la croyance. Au contraire, la confiance maintenant en question entre les protestants et nous vient après, c’est une conséquence de la croyance, lorsque la croyance a pour objet un bien que Dieu nous promet, ce qui n’est pas essentiel à tout acte de foi. Premier temps : me confiant à la science et à la véracité de Dieu, j’admets sur sa parole qu’il veut nous pardonner à cause du Christ, qu’il nous promet le. pardon ; cette croyance, c’est précisément l’acte de foi d’après les catholiques, ce n’en est qu’un préliminaire d’après les protestants. Second temps : à la suite de cette croyance, s’élève en moi le sentiment complexe de la confiance du pardon : désir de ce pardon, humilité et défiance de moi-même, abandon au Dieu puissant et miséricordieux, joie de compter sur lui, commencement d’amour. Cette confiance du pardon, c’est l’acte de foi proprement dit, d’après les protestants : c’est un effet, une conséquence de la foi, d’après les catholiques. Le 1’. Pra1 distingue ainsi ces deux sortes de confiance : « Confiance en celui qui parle et confiance en celui qui promet. » La théologie de S. l’uni. II’- partie, p. 344. Il observe que la première est inhérente el. essentielle à l’acte de foi. la Seconde accidente lie seulement. Cf. I" partie, 4e édit., p. 236. Donnons un exemple de la concept ion protestante : Luther a remis la foi à la place qu’elle occupe dans la théologie de Paul…Ce n’est pas autre chose qu’une confiance personnelle, dans la grâce de Dieu qui pardonne, le. péehé. W. Morgan, ai t. lùiith, dans f fin i/i lop : rdia of religion ami ethtet dfl lias tings, Edimbourg, 1912, t. v, p. 691. /m Dans la grande controverse sur la toi et la Justi-