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FORME DU CORPS HUMAIN


parties qu’en second lieu et par rapport au tout ; ce sont les formes supérieures qui donnent la vie. Toutes les parties du corps humain sont des parties humaines ; mais elles ne le sont qu’en fonction de tout l’individu qu’informe l’âme. Les anciens scolastiques, voir Cajétan en particulier, admettaient des formes intermédiaires, les formes des végétaux et des animaux inférieurs, qui, tout en ayant normalement comme « premier perfectible » l’être vivant tout entier qu’elles affectent, peuvent cependant parfois également affecter les parties de cet être et les rendre séparément vivantes (exemples : le ver coupé en deux, la bouture de l’arbuste). 3. La totalité quantitative ne peut jamais affecter la forme en elle-même (per se), parce que la forme, considérée en elle-même, est toujours simple, voir Forme, col. 543 ; mais elle peut affecter accidentellement (per accidens) les formes qui se rapportent indifféremment au tout ou aux parties du tout, parce que ces formes non seulement perfectionnent un sujet doué de quantité, mais sont expressément l’acte d’une essence corporelle, qui exige la quantité : ainsi, la blancheur ; au contraire, les formes supérieures à l’essence corporelle, les formes des vivants par conséquent, et principalement des vivants des ordres les plus élevés, bien que jointes à un sujet doué de quantité, ne peuvent être affectées, même accidentellement, de totalité quantitative, et par conséquent être divisées en parties quantitatives. Ayant pour « premier perfectible » l’individu tout entier, elles ne sauraient être mises sur le même pied que les premières, qui se rapportent indifféremment au tout et aux parties du tout : l’individu vivant n’est lui-même qu’autant qu’il possède toutes ses parties. Ces principes posés, il est facile de répondre à la question générale touchant la présence de la forme dans le sujet et les parties du sujet.

S’agit-il de la totalité quantitative, la forme qui, accidentellement, admet cette totalité, est tout entière dans le composé, mais non dans les parties. Si elle était tout entière dans les parties, les parties équivaudraient au tout. S’agit-il de la totalité potentielle, la réponse est la même pour toutes les formes sans exception : le composé tout entier renferme plus de principes d’action, ou un principe plus fort, que chacune des parties prises séparément. Enfin, s’agit-il de la totalité d’essence, ici encore, la réponse est la même pour toutes les formes sans exception : la forme substantielle étant l’acte de la matière, elle se trouve, non seulement dans tout le composé matériel, mais encore dans chacune des parties de ce composé ; et elle s’y trouve tout entière à cause de sa simplicité même.

Exposé.

Après les explications qui précèdent,

on comprendra dans quel sens la théologie catholique, résumant la pensée de tous les siècles, dit, avec saint Thomas, de la forme du corps humain : oportet animam esse in loto corpore et in qualibet parle cjus. Sum. theol., I a, q. lxxvi, a. 8. Cf. Conl. gentes, 1. II, c. lxxii.

1. Que la formule de saint Thomas soit l’expression de la pensée de tous les siècles chrétiens, cela est évident pour quiconque étudie la doctrine des Pères sur la présence de l’âme dans le corps. Pour les Pères, en effet, voir Ame, t. i, col. 977 sq., et ci-dessus, col. 552 sq., l’âme est simple et spirituelle ; elle est unie substantiellement au corps et à toutes les parties du corps. La conclusion de saint Thomas est donc implicitement contenue dans la doctrine traditionnelle. A peine pourrait-on citer un ou deux Pères qui, comme Tertullien, De resurreclione carnis, c. xv, P. L., t. ii, col. 670, assignent à l’âme un siège déterminé. Pour Tertullien, l’r, yenovtxov, partie principale de l’âme, a son siège dans le cœur : cette théorie est inspirée par des préoccupations exégétiques. L’Épîlre à Diognèle, au

contraire, affirme la présence de l’âme dans tous les membres du corps : c’est ainsi que les chrétiens sont répandus dans toutes les cités du monde. Funk, Paires aposlolici, Tubingue, 1891, t. i, p. 400. Saint Grégoire de Nysse, De hominis opificio, loc. cit., est plus affirmatif encore sur cette omniprésence de l’âme dans tout le corps. Lactance, op. cit., col. G6, incline vers la même opinion. Quant à saint Augustin, c’est à son De Trinilate, 1. VI, c. vi, P. L., t. xlii, col. 929, que saint Thomas d’Aquin emprunte les expressions mêmes de sa conclusion. Cf. De immorlalitale animée, c. xvi, n. 25, P. L., t. xxxii, col. 1034 ; Conl. epislolam fundam., c. xvi, P. L., t. xlii, col. 185 ; De agone christiano, c. xx, P. L., t. xl, col. 301 ; Epist., clxvi, c. ii, P. L., t. xxxiii, col. 722.

2. Le sens de cette formule, « l’âme est tout entière dans tout le corps et dans chacune des parties du corps, » est donc celui-ci : il ne s’agit pas de la totalité quantitative de l’âme, puisque, d’après les principes posés plus haut, cette totalité ne lui appartient ni per se, ni même per accidens. Il ne s’agit pas non plus de la totalité potentielle, car « l’âme humaine, parce qu’elle excède la capacité du corps, possède des facultés capables d’agir sans la participation immédiate du corps. Penser et vouloir sont de tels actes : aussi, ni l’intelligence, ni la volonté ne sont des facultés organiques. Relativement aux autres opérations qui se font par le moyen des organes corporels, toute la puissance de l’âme est dans tout le corps ; mais elle n’est pas dans chaque partie du corps ; car aux diverses parties du corps sont proportionnées différentes opérations de l’âme. D’où il résulte que l’âme n’est présente dans telle partie du corps que par la puissance correspondant à l’organe de cette partie. » S. Thomas, De anima, a. 10. Il s’agit donc uniquement de la totalité essentielle.

3. Ainsi précisée, la doctrine catholique se prouve facilement. L’âme est la forme substantielle du corps humain. Or, la forme substantielle, d’après les principes philosophiques rappelés ci-dessus, est tout entière, dans sa totalité essentielle, dans tout le composé et dans chacune des parties du composé : elle est, en effet, l’acte premier du tout et des parties. Ici, le composé, c’est le corps organique humain : Oportet proprium aclum in proprio perfectibili esse. Anima autem est actus corporis organici, non unius organi tantum. Est igitur in loto corpore et non in una parte tantum secundum suam essenliam. S. Thomas, Conl. gentes, 1. II, c. lxxii.

4. Rappelons enfin que c’est à cause de sa simplicité que l’âme doit être tout entière, de sa totalité d’essence, présente dans chacune des parties du corps humain. Mais il faut bien comprendre cette simplicité pour pouvoir répondre à l’objection de la philosophie non chrétienne. En opposant la simplicité de l’âme à la divisibilité du corps, on confond la simplicité, terme du continu — le point mathématique — avec la simplicité métaphysique qui est en dehors de la quantité. La simplicité métaphysique seule appartient aux formes. L’imagination sans doute est déroutée, car nous n’avons, dans les données des sens, aucun terme de comparaison possible qui puisse nous aider à imaginer cette sorte de simplicité ; mais notre raison doit cependant la concevoir. Pour tous ces points de métaphysique, consulter Remer, op. cit., part. III, q. rv.

5. Enfin, la terminologie de l’école attribue au mode de présence de l’âme dans le corps l’expression définitive et non localiter qui s’oppose à localiler et circumscriplive. Voir, sur le sens exact de ces mots, Billot, De sacramentis, Rome, 1906, t. i, p. 448-456.

Points controversés.

Les points spécialement

controversés dans la doctrine catholique le sont en fonction des dogmes de l’incarnation, de la résurrec-