Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.djvu/294

Cette page n’a pas encore été corrigée
573
574
FORME DU CORPS HUMAIN


par une partie des disciples du docteur angélique. L’école de Suarez, bien que d’accord sur le point principal, se sépare de l’école strictement thomiste sur plus d’une question accessoire. La raison de cette divergence se trouve en partie dans l’attitude prise, de part et d’autre, au sujet de la question, fondamentale en métaphysique, de la distinction réelle de l’essence et de l’existence. Nous avions prévu, voir Essence, t. v, col. 845, L’opposiiion actuelle. A la divergence déjà signalée, col. 846-847, il faut en ajouter une seconde qui se rapporte à V explication philosophique dj décret du Y 1 concile de Latran : anima… pro corporum qui bus injnnditur multitudine singulariter mulliplicabilis el multiplia la et mulliplicanda sit. — a) Pour saint Thomas le principe d’individuation des êtres composés réside dans la matière quantilale signala. Voir, pour l’intelligence exacte de la doctrine de saint Thomas, A. Martin (A. Michel), Suarez métaphysicien, dans la Science catholique, août LX’.IX, § 4. En conséquence, l’individualité et, partant, la multiplicabilité des âmes leur viennent de la matière a laquelle, quoique immatérielles et subsistantes, elles sont naturellement ordonnées. Mais, d’autre part, parce qu’immatérielle et subsistante, l’âme humaine reçoit immédiatement de Dieu une existence indépendante du corps auquel elle communique l’être et dont elle reçoit l’individuation. Cf. Billuart, Theologia, t. ii, Paris, 1878, De opère sex dicrum, diss. 111, a. 1, obj. 2 Q, p. 2.")9. Voici le texte principal de saint Thomas sur la question : Si aliquid, quod sit de rationc alicujus commuais mutcrialem multiplicationem recipiat, necesse est, quod illud commune mulliplicctur secundum numerum eadem specie rémanente. .. Manifestant est aillent, quod de rationc animahumante est quod corpori humano sit unibilis, cum non liabeat in se speciem complelam, sed speciei complementum sit in ipso composilo. Unde QUOD sit unibilis iiiic yf.i ii. ii corpori, multiplient animant secundum numerum, non autem secundum speciem, sieut et hiec albedo difjert al> illa numéro pir hoc quod est esse hujus »el illius subjecti. Sed hocdiffcrl anima humana ab aliis jormis, QUOD BSSB SVVM NON ŒPENDEAT

0RPOR1 ; nrc hoc esse individualum cjus a cur idet. De anima, a. 3. — b) Pour Suarez,

tonte substance singulière n’exige point d’autre

principe d’individuation que sa réalité propre… ; si

une substance composée de matière et de forme, de même que les principes essentiels de sa réalité sont la matière, la forme et leur union réciproque, de même principes seront le principe de son individuation. Quant à eux-mêmes, étant des substances simples, ils seronl par eux-mêmes Indlvidués. Metaph., disp ii, n. 1. Pour qui n’admet pas de dis tinction réelle entre essence et existence, cette conclus : Ique ; car, dans cette hypothèse, on ne peut considérer une partie— essentielle sans une existuelle qui est s ; i propre réalité. La forme tan tic lie est donc individuée par sa propre péal’individuation lui étant quelque chose d’intrinne pouvant provenir de la matière qui est la forme. oii ; i.. col. 84 l. Donc, dans la multiplicabilité et la multiplication la relation transcendantale de forme à minée n’est d’aucune Influence ;

i Dieu qu’il faut rapporter Lmmédiateni oient, pour reprendre l’expression de Biltaarl tli d’existence, mais encore la pa d’Incommunicabilité. L’union n’apparatl plus I intime que dans l’autre Un

là vers l’opinion de Scot. 9tu la

lion de l’individuation de l’âme, voir Kleutgen, ’..’. v, SI

1. Exposé.

Les scoti rti

prétendent que, dans l’homme comme dans les autres êtres vivants, le corps possède, outre l’âme qui lui est unie, une forme incomplète et subordonnée à l’âme, qu’ils appellent forme corporelle (corporeitas). Mais cette forme corporelle, encore qu’elle détermine la matière à faire un corps, ne la détermine qu’à faire un corps humain incomplet, informable par l’âme. Cette forme corporelle doit donc s’unir à l’âme raisonnable pour former le corps humain complet : la forme corporelle donne à la matière d’être corps organique, l’âme donne au corps organique d’être vivant. Scot, In IV Sent., I. IV, dist. XI, q. iii, a. 2.

Quant à la multiplicité et à la multiplication des âmes, il faut les rapporter à Dieu, l’âme étant individuée par elle-même, par sa réalité propre, son hsecceilas. Scot, In IV Sent., 1. II, dist. III, q. iv, a. 6. On le voit, si la première partie de la thèse scotiste est nettement opposée à la thèse thomiste, reprise par Suarez, l’opposition n’existe plus, quant à la seconde partie, qu’entre les purs thomistes et les disciples du docteur subtil.

Cette conception du composé humain est empruntée aux stoïciens, affirme à tort Simplicius (vie siècle), Physic, 1. I, digressio de corporeitate materiee prima-. Du moins, elle découle en droite ligne d’Aviecnne, Dans l’histoire de la philosophie médiévale, elle a eu un précédent immédiat dans la conception augustinienne des relations de l’âme et du corps : l’âme est une substance complète, individuée par elle-même, composée de matière et de forme ; la multiplicité des formes substantielles dans les composés et en particulier dans l’homme, n’altère pas l’unité substantielle. Voir Augustinisme (Développement historique de /), t. i, col. 2504-2506. Gilles de Rome avait aussi admis ( ?) cette multiplicité de formes, dans le De erroribus philosophorum, n. 7. Voir Mandonnet, Siger de Brabant, appendice, p. 7. Sur la doctrine de la pluralité des formes, au moyen âge, voir M. de YYulf, La doctrine de la pluralité des formes, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, t. vi, p. 427453. Nous retrouvons tous les caractères de l’auguslinisme dans la théorie scotiste, même celui de la composition de l’âme. Scot, De reruin principiis, ix, 7. Scot a cependant accentué L’affirmation de l’unité substantielle en indiquant que la forme corporelle ne donnait pas au corps, à elle seule, d’être une substance complète. Su réponse à l’argument philosophique des thomistes est celle-ci : non obslarc unilali enlis pluralii ait m formarum, modo una sit ultima et completa, adquam ea-lera— ordinantur. Cf. 1 lugo Cavelli, Doeloris subtilis queesliones super libris Arislotclisde anima. Lyon, 1625, disp. [, sect. IV. Les théologiens de l’école franciscaine ont suivi en gêner..1 Scot, qu’axaient précédé, dans

l’affirmation de la doctrine de la pluralité des formes, les franciscains Alexandre de llalès, Summa theol., part. II, q. xi. iv, et saint Bonaveiiture, In IV Sent., I. ii, dist. XII, a. 1. q. ni ; dist. XIII, a. 2, q. n ; cf. dist. XVII, a. 2. q. n. ad <>"". Parmi les contera

porains de Scot, citons Henri dedand, du moins dans

sa théorie du composé humain, Quodl., II, q, u-v ; Quodl., IV, q. xiii, xiv, et Richard de Mtddletovm

(franciscain), In IV Sent., 1. II, dist. XVII, a. 1, q. v. Plus tard, on trouvera le dominicain Durand de Saint-Pourçain, In IV Senl., l III, dist. XXII,

q. i ; le canne Jean « le Haconthorp, In IV Sent., 1. III, dist. XIX, q, ii, défendant la même thèse que

le franciscain François de Mayronls, in IV Sent., L ii,

dist. XVI, q. i. Le. thomiste Thomas de Strasbourg,

au xiv siècle, avoueia que tous les dncleiiis d’Angle l I quelques docteurs de Paris tiennent pour

l’opinion scotiste. In f V Sent., L [V, dist. 1 1 1, (|. i,

a. 1, et le franciscain Aimol qualifiera de nouveauté

philosophique, vtn phtlotophla nova, l’opinion de