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FORMK DU COUPS HUMAIN

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à la formule de Vienne et de Latran, l’âme est vraiment, par soi et immédiatement la forme du corps.

II. Sens et portée de cette définition.— — —La définition du concile de Vienne était dirigée principalelement contre les erreurs du franciscain Pierre-Jean Olivi ; nous saurons donc plus exactement le sens et la portée de la définition, si nous connaissons plus exactement l’erreur condamnée.

I. EXPOSÉ DE L’ERREUR DÉFÉRÉE. Il CONCILE DE vienne. — On lira à l’art. Olivi le point de départ des attaques, dans l’ordre franciscain, de la communauté contre les spirituels, voir Ehrle, Zur Vorgeschichte des Concils von Vienne, dans Archiv fur LitteratuT und Kirchengeschichte des Miitelalters, t. ii, p. 108-337 ; Olivi’s Leben und Seliriflen, ibid., t. iii, p. 553-624 ; et comment des erreurs imputées à Pierre-Jean Olivi de Sérignan, les Pères du concile de Vienne ne retinrent que les trois suivantes : de essentia divina, de anima rationali et de vulnere lalcrali (Christi). Ehrle, op. cit., t. iii, p. 191. Sans désigner nommément Olivi, le concile porta contre lui la définition connue : l’âme est la forme du corps, par elle-même et essentiellement.

Quelle était donc l’erreur visée ? Palmieri, De Deo errante et élevante, Rome, 1878, th. xxvi, appendice ; cf. Instilutionesphilosophicie, ~Romc, 1875, t.m, th. xiv ; Animadversiones in recens o pus de mente concilii viennensis, Rome, 1878, pense que l’erreur condamnée était formellement le dualisme des âmes dans l’homme : Doclrina unitalis principii formalis vilæ in homine… sancila est in definitione concilii viennensis. Zigliara, De mente concilii viennensis, Rome, 1878, soutient une thèse différente : l’intention du concile ne fut pas de condamner le dualisme des âmes, mais de définir directement le mode d’union de l’âme raisonnable avec, le corps ; c’est donc en proposant un mode erroné d’union, c’est-à-dire en niant l’information immédiate du corps par l’âme rationnelle, qu’Olivi avait attiré sur sa doctrine l’anathème des Pères du concile. Zigliara a raison dans la partie négative de sa thèse : il ne s’agit pas directement du dualisme des âmes ; mais dans la partie positive, Zigliara se laisse certainement influencer par ses préférences (très légitimes d’ailleurs) thomistes. Le P. B. Jansen, S. !., a repris la discussion, Die Définition des Konzils von Vienne, dans Zeilschrift fur katholische Théologie, 1908, t. xxxii, p. 289-307, 471-488, et M. Michel Debièvre semble avoir mis au point la véritable doctrine de J.-P. Olivi, La définition du concile de Vienne sur l’âme, dans les Recherches de science religieuse, 1912, p. 326.

On trouve les éléments de la doctrine d’Olivi dans ses deux Qnodlibeta, publiés en partie par Zigliara, op. cit., p. 110-115, 117-119, 122-128, auxquels il faut joindre plusieurs textes extraits des écrits justificatifs d’Olivi à ses juges. Duplessis d’Argentré, Collectio judiciorum de novis erroribus, Paris, 1755, t. i, p. 226-234. On peut la résumer, avec Olivi lui-même, en cette proposition : Pars intellecliva [animée ralionalis] unitur corpori unione substantiali, non tamen formali ; unione intima et fortissima, nontamen IMMEDIATA. Zigliara, op. cit., p. 110. Olivi était augustinien, et conformément au système de l’augustinisme, voir t. i, col. 2505, admettait dans l’âme raisonnable une composition hylémorphique : la matière spirituelle est informée par les deux parties essentielles de l’âme, partie sensitive, partie intellective, lesquelles s’unissent dans le même suppôt de l’âme spirituelle. Ces deux parties sont, disons-nous, essentielles, car Olivi n’admet point de distinction entre l’âme et ses facultés ; la partie intellective et la partie sensitive sont, quoique distinctes, réellement unies entre elles : partes consubstantiales unius animæ.Voir Duplessis d’Argentré, op. cit., p. 232 ; Jansen, op. cit., p. 479. L’âme ra tionnelle, formée de ces deux parties essentielles s’unissant dans le même suppôt, est vraiment, pour Olivi, la forme du’corps : Anima ralionalis vere informai corpus ; vere est forma corporis, disait-il dans un écrit justificatif adressé à ses juges, Duplessis d’Argentré, op.cil., p. 232 ; mais, et c’est ici le point de départ de l’erreur théologique d’Olivi, l’âme est forme du corps, non par sa pai lie intellective, mais uniquement par sa partie sensitive. La partie intellective ne peut être la forme du corps : une telle union mettrait en péril son immortalité, sa liberté, sa puissance d’abstraction et de réflexion. Duplessis d’Argentré, loc. cit. ; Zigliara, op. cit., p. 110-111. Donc la partie intellective n’est pas unie au corps d’une union formelle et immédiate. Elle lui est cependant unie substantiellement : Quomodo autem hsec unio possil intelligi et esse consubslantialis ita quod non sit formalis, facile est caperc, supposilo quod sensiliva sit imita eum parle intellecliva in una spiriluali materia, scu in uno, ul ita dicam, supposilo ralionalis animée. Zigliara, op. cit., p. 111. La partie intellective sera unie consubstantiellement à tout ce que l’âme rationnelle informe par la sensitive, au corps, par conséquent. Remarquons qu’Olivi rapporte l’information du corps à l’âme rationnelle elle-même et non à la partie sensitive cjuoique par la partie sensitive, cum enim, dit-il, sensiliva non sit forma substantialis humani corporis, sed polius anima ralionalis per parlem sensitivam. Zigliara, op. cit., p. 112. Par là, il entendait sauvegarder l’unité de la nature humaine. Il la sauvegardait mal, non pas en ce qu’il admettait plusieurs formes dans le composé humain — la doctrine de la pluralité des formes ayant librement cours dans l’augustinisme, voir P. Tedeschini, S. J., Disserlatio hislorica de sententia scholasticorum circa essenliam corporum, rééditée à la suite des Animadversiones du P. Palmieri, Rome, 1878 — mais en ce que, distinguant entre partie sensitive par laquelle l’âme informait le corps et partie intellective par laquelle l’âme n’informait pas le corps, il établissait une sorte d’averroïsme mitigé qui compromettait l’unité de la nature humaine en fait, tout en la maintenant en droit.

II. CRITIQUE DU SYSTÈME DE J.-P. OLIVI. — Dans

son article sur la présente question, M. Michel Debièvre établit facilement les deux points suivants : 1° l’erreur condamnée ne nie pas l’information ; 2° elle mutile la réalité informante.

1° Qu’Olivi n’ait pas nié l’information du corps par l’âme rationnelle, cela ressort de l’exposé fait ci-dessus. D’ailleurs, vingt-neuf ans avant le concile de Vienne, il avait dû signer le texte suivant : Quod anima ralionalis est per se et essentialiter forma corporis humani. Duplessis d’Argentré, op. cit., p. 230. L’âme rationnelle, pour Olivi, informe donc, par elle-même, essentiellement, et, partant, immédiatement le corps humain. Le principal texte qu’invoque Zigliara, op. cit., p. 120, pour prouver qu’Olivi nie l’information immédiate, prête, il est vrai, à confusion. Olivi avait affirmé : Dico quod anima ralionalis sic est forma corporis, quod tamen non est per omnes partes suæ essentise : utpote quod non per maleriam seu per partem malerialem, nec per partem intelleclivam, sed solum per parlem sensitivam. Mais de ce texte il ne ressort nullement que l’âme rationnelle n’est pas par elle-même, essentiellement, la forme du corps. N’oublions pas, en effet, que, « pour Olivi, les parties sensitive et intellective ne sont pas distinctes de l’essence, mais elles se distinguent l’une et l’autre dans l’essence, » M. Debièvre, loc. cit., p. 334, note ; d’où il suit que l’âme rationnelle étant, par la partie sensitive, c’est-à-dire par une partie essentielle, forme du corps, est et demeure vraiment, par elie-même, immédiatement forme du corps. Cf. Wadding, Annales minorum, Rome, 1730, t. v, p. 385 ; t. vi, p. 197.