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FORCE

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FORCE. —
I. Vertu morale naturelle.
II. Vertu infuse.
III. Don du Saint-Esprit.

I. Vertu morale naturelle.

Notion.

En prenant ce mot dans son acception la plus large, on entend par force la fermeté de l’âme dans l’accomplissement du devoir. Ainsi entendue, elle est moins une vertu spéciale que la condition indispensable à l’exercice de toute vertu parfaite, celle-ci devant par définition être pratiquée même dans les circonstances les plus difficiles, et ne pouvant l’être sans cette énergie de volonté qui fait la vertu de force. En un sens plus restreint, la force est cette vertu qui rend l’homme Intrépide en face de tout danger, fût-ce le danger de mort, le rend capable de le braver sans faiblesse et de l’affronter avec un courage exempt de témérité. La vertu de force n’est parfaite qu’en l’homme assez ferme pour supporter toutes les épreuves de la vie, j compris la plus terrible de toutes, la mort. Ainsi définie, la force est une vertu spéciale ayant son objet et ses actes propres.

Objet.

Son objet matériel : Fortitudo, dit saint Thomas, Sum. llicot., IIa-IIæ , q. cxxiii, a. 3, est circa timorés et audacias, quasi cohibiliva timorum et audaciarum moderaliva. Elle a pour objet matériel éloigné les dangers qui, éveillant la crainte ou excitant l’audace, poussent l’homme à l’oubli du devoir ou à des excès de folle témérité. Son objet matériel prochain est de régler, d’après les données de la prudence et de la raison, la crainte ou l’audace, empêchant les excès de l’une et de l’autre. Son objet formel est la bonté moi aie spéciale au devoir accompli en dépit du danger. Il y a dans cette fidélité au devoir le mérite particulier qui provient de la dilliculté vaincue et du péril méprisé.

Actes.

L’acte propre de la vertu de force est l’accomplissement du devoir malgré le danger, accomplissement voulu précisément parce qu’il est bon en pareil cas de mépriser le danger et de risquer sa vie. Cett< vertu se manifeste de deux manières : d’abord, elle maîtrise la crainte et fait qu’on garde son sangfroid ; ensuite, elle porte à agir avec courage pour échapper, si possible, au danger, et elle prémunit contre toute témérité. Elle donne donc l’intrépidité et la bravoure dans le combat. De ces deux qualités, la seconde est généralement la plus brillante, mais la première suppose. Imites choses égales d’ailleurs, une plus grande énergie morale. Car, remarque saint Thomas, quiconque se tient sur la défensive a l’impression d’être le moins fort, le plus immédiatement menacé ; il n’est pas soutenu dans la lutte par l’ardeur qui anime l’agresseur, et enfin la présence du péril, qui île les forces en stimulant l’audace, paralyse les moyens en faisant naître l’épouvante.

Il est m que l’acte impéré par la vertu de force soit moralement honnête. Autrement, la tenqui porte a l’accomplir ne serait plus une vertu, mais un vice. Quand enfin l’obligation dangereuse n’est autre que le devoir de garder sa foi et qu’il faut rlsquci ; a vie pour demeurer fidèle, cet acte de force p.u excellence est le martyre. Voir Martyre.

Vices opposés.

1. Par défaut :
a) défaut de crainte en des circonstances ou l’on dévrait craindre. il Thomas après Aristote nomme intitnidib) fait qu’on ne redoute pas le mal qu’il f frall redouter, ou qu’on ne le redoute pas assez ; c deux maux inégaux, on évite le moin l’on choisit le pire. Les causes de ce désordre sont l’amoui déréglé de certains biens qui les fait pré i d’autres de valeur bien supérieure, l’orgueil ne qui affecte de ne point voii le mal la ou il es1 ht’(i la stupidité d’esprit qui ne le remarque
b) par défaut d’audace : c’est la lâcheté qui abat , c c’"' m pêche d’affronter le danger qu’on devrait braver. —

2. Par excès :
a) de crainte : c’est la timidité qui fait craindre ce qui n’est pas à redouter ou qui le fait craindre plus qu’il ne convient ;
b) d’audace : c’est la témérité qui porte à s’exposer inutilement ou témérairement au danger.

Parties de la vertu de force.

Parties intégrantes. Le premier acte de la vertu de force est de rester intrépide en face du danger ; par suite, la première vertu faisant partie intégrante de la force est celle qui porte l’homme à concevoir et à vouloir les choses grandes, difficiles, héroïques : c’est la vertu de magnanimité.

Sont contraires à la vertu de magnanimité :
1. par défaut : la pusillanimité ou petitesse d’esprit de quiconque est incapable de concevoir ou de vouloir de grandes choses ;
2. par excès : la présomption qui pousse à entreprendre plus qu’on est capable de faire ; l’ambition qui porte à convoiter plus de gloire et d’honneurs qu’on ne peut en mériter ; la vaine gloire qui fait rechercher l’honneur là où il n’est pas, c’est-à-dire dans des choses frivoles, ou dans l’estime de gens dont le sentiment est sans valeur ou enfin pour une fin indigne de l’homme.

Le second acte de la vertu de force est de lutter contre le danger. Cette lutte naturellement dure ne peut être soutenue sans la vertu de patience qui fait surmonter courageusement les difficultés ; si ces dillicultés sont permanentes et exigent de longs efforts, il faut pour en triompher, la vertu de persévérance qui est la constance dans le travail entrepris. Ces deux vertus sont donc partie intégrante de la vertu de force. A la première sont opposés, par défaut, le manque habituel de patience et, par excès, l’insensibilité qui fait continuer malgré tout une entreprise commencée, sans vouloir tenir compte des raisons qui commandent de cesser. A la seconde s’opposent l’inconstance et l’obstination : la première par manque de fermeté, la seconde par excès.

Quand ces vertus sont pratiquées en des circonstances qui exigent une force parfaite, c’est-à-dire dans les dangers extrêmes et au péril de la vie, elles sont parties intégrantes de la force. Quand elles sont pratiquées seulement en des circonstances moins pénibles et sans que la vie soit menacée, elles ne renferment plus qu’une partie de ce que la force parfaite contient : elles ne sont plus que des parties potentielles de celle i vertu.

Il n’y a pas lieu de distinguer dans la force de pallies subjectives, car, selon la remarque de saint Thomas, son objet matériel est le danger, principalement les dangers de mort : or, tous ces dangers ne diffèrent les uns des autres que par leur gravité plus ou moins grande, niais ils ut » sont pas d’espèces diverses. Il n’y a donc pas plusieurs sortes de force ; a ce point de vue, cette vertu diffère de la prudence et de la tempérance.

II. La vertu infuse. C’est la puissance surnaturelle donnant à L’homme le pouvoir d’accomplir des actes de force méritoires de la vie éternelle. Elle a le même objet matériel que la vertu naturelle. Elle se dirige non plus seulement d’après les règles de la prudence naturelle, mais d’après les principes de la prudence chrétienne. Or. à la lumière de la foi, il est évident que le chrétien, disciple iu Cluisl et fait pour le ciel, doit a ce double titre L’aider à Dieu une fidélité inébranlable et ne se laisser détourner de sou devoir par aucune crainte ni par aucun danger, si terrible qu’il 1 soit. La boulé morale de Cette Invincible fidélité chrétienne est l’objet formel de la verlu infuse de foi ce. Ses actes son I les ai le., le la vei lu naturelle. Vjl

III. Don du Saint-Esprit.

Voir Dons du Saint-Esprit, t. IV, col. 17146.

s Thomas, Sum Ihtol t ii, q cxxm-cxx. ; Suarez, f ? «  vlrtulibuM ; Letolui, "’fuslttia ri jnrr ctteriaque vlHulibui moraUbuê ; Jaugey, Prmlectionti Iheologi » moralis, (ra>