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FOR (PRIVILÈGE DU)


c. Significasti, X, De foro competenti. Le pape lui-même, selon l’enseignement des auteurs, ne pourrait ni le supprimer ni en dispenser totalement, bien qu’il en puisse dispenser pour des lieux et des personnes déterminés. De même, l’évêque ne pourrait en dispenser que dans les causes civiles, non en vue des causes criminelles. De Angelis, Prselecliones furis canonici, 1. II, tit. ii, § 5, n. 3 sq.

III. Les sanctions.

Une sanction est nécessaire pour aider à l’observance de toute loi. Pour celle-ci les sanctions ne manquèrent pas. Le c. Si diligenli mentionne déjà les sanctionsportées par les conciles de Milève (en réalité il s’agit du III concile de Tolède, can. 13) etdeCarthage(397), can. 9, caus.XI, q.i.c. 42, 43, et il les applique, en disant des clercs qui acceptent de répondre devant le tribunal séculier : locum suum amillanl, cl hoc in criminali actionc : in civili vcro perdant quod eviccrint. On dut aller plus loin. En des temps où la législation séculière reconnaissait le privilège du for au moins dans une certaine limite, des juges, soit d’euxmêmes, soit à l’instance des parties, s’arrogeaient le droit de citer les clercs à leur tribunal : la bulle Cœnie, c. 15, punissait d’excommunication tous ces juges qui, coram se, ad suum tribunal… prietcr juris canonici disposilioncm trahunl, vel trahi faciunt, vel procurant directe vel indirecte, quovis quæsito colore… Cette sanction dura jusqu’en 1869. Les immunités ecclésiastiques étaient de moins en moins reconnues dans la législation, spécialement le privilège du for ; il n’était même plus mentionné, sauf peut-être dans certains concordats, comme le concordat autrichien de 1855, où le pape y avait dérogé en concédant que les clercs fussent, au criminel comme au civil, justiciables des tribunaux séculiers. Partout, sans le dire ni en faire contrat avec l’Église, les tribunaux de l’État se réservaient la connaissance de toutes les causes. Il fallait donc pourvoir à cette situation nouvelle, en punissant, non les juges liés par la loi qu’ils ne pouvaient refuser d’appliquer, mais ceux qui contraignaient les juges à en agir ainsi. Aussi, dans la constitution Apostolicæ Scdis, parmi les excommunications latæ sententiæ dont l’absolution était spécialement réservée au pape, on en inséra plusieurs qui punissaient la violation du privilège du for, et tout spécialement la septième, qui a trait plus directement à notre sujet : Cogentes sive directe sine indirecte judices laicos ad trahendum ad suum tribunal personas ecclesiaslicas præler canonicas disposiliones.

Cet article souleva de nombreuses discussions. Plusieurs, représentants trop serviles de la tradition, pensèrent que sous le mot cogentes il fallait entendre aussi les juges : ils n’avaient pas compris que les juges, victimes eux-mêmes de coaction, ne méritent pas cette peine. D’autres se demandaient s’il fallait y inclure tous les demandeurs qui recouraient à un juge laïc contre une personne d’Église et le contraignaient en un certain sens à citer cette personne à son tribunal. Une première réponse du Saint-Ofïîce déclara tout aussitôt que les juges étaient évidemment hors de cause. La S. C. écrivait, en effet, le 1 er février 1871, au vicaire apostolique de Mysore : in ea formula attendere debes verbum cogentes, quod sane indicat excommunicationem eos non atlingere qui subordinali siht, ctiamsi indices fucrint, sed in eos tantum esse latam, qui, a nemine coacti, vel ledia agunl, vel alios ad agendum cogunt, quos etiam indulgenliam nullam mereri facile perspicies. Colleclanea S. C. de Propaganda fide, 1907, n. 1364. La conclusion était donc que le juge (il s’agissait de juge proprement dit et non de la juridiction administrative) saisi, soit par l’autorité supérieure, soit par un particulier, d’une plainte contre un clerc, et poursuivant le clerc conformément à la loi, ne tombait pas soirs le coup du c. Cogentes. Cette excommunication n’atteignait que ceux qui contraignent le juge.

Mais encore, qui était désigné par ce mot cogentesl les pouvoirs publics ? ou aussi les personnes privées ? L’une et l’autre opinion fut soutenue. De bons auteurs enseignèrent qu’on devait comprendre, au moins sous le cogentes indirecte, tout individu qui, dénonçant le crime d’un clerc, ou portant contre lui une accusation ou une réclamation auprès d’un juge laïc, oblige ce juge laïc à citer le clerc à son tribunal. Cette opinion sévère ne fut pas celle de l’autorité ecclésiastique suprême, c’est-à-dire du Saint-Siège. Le 23 janvier 1886, en effet, une circulaire du Saint-Office rappelait authentiquement que le c. Cogentes n’atteint que les législateurs et autres autorités qui obligent directement ou indirectement les juges laïcs à citer à leur tribunal les personnes d’Église… caput Cogentes non afjicere nisi legislatores et alias auctoritates cogentes sive directe sive indirecte judices laicos ad trahendum ad suum tribunal personas ccclesiasticas præler canonicas dispositioncs, et cette déclaration, confirmée par le pape, était envoyée d’office à tous les ordinaires. Les particuliers même clercs n’étant pas des « autorités » n’étaient pas— visés par l’excommunication : nous en trouverons vers la fin de cette circulaire une nouvelle preuve.

Toutefois, là où il n’avait pas été dérogé au privilège du for, l’interdiction demeura pour les particuliers aussi de poursuivre les clercs devant les tribunaux séculiers. Et comme, d’autre part, dans l’état presque universel de la législation civile, les particuliers ne peuvent actionner utilement les clercs soit au criminel soit au civil devant les tribunaux ecclésiastiques, il fallait pourvoir à cette situation de telle sorte que les principes canoniques sur le privilège du for fussent sauvegardés. C’est ce que fit aussi le même décret. Dans ce cas, on était tenu de s’adresser d’abord à son évêque afin de lui demander la permission de poursuivre devant le juge laïc, et cette permission, continue le décret, l’évêque ne la refusera jamais, surtout quand il aura lui-même travaillé en vain à concilier les parties : Celerum in iis locis, in quibus fori privilegio per summos pontiftees derogatum non fuit, si in eis non datur jura sua prosequi nisi apud judices laicos, lenentur singuli prius a proprio ipsorum ordinario veniam pelere ut clericos in forum laicorum convenirc possinl, eamque ordinarii nunquam denegabunl, ium maxime cum ipsi controversiis inter partes conciliandis frustra operam dederint. On ne pourra poursuivre les évêques qu’avec la permission du Saint-Siège.

Enfin, si un particulier avait l’audace de poursuivre un clerc sans la permission de l’ordinaire, ou l’évêque sans la permission du Saint-Siège, à défaut de l’excommunication lalae sententiæ, qui n’était pas encourue, le demandeur s’exposait, surtout s’il était clerc, à des peines ferendse sententise : Et si quis ausus jueril trahere ad judices laicos vel clericum sine venia ordinarii, vel episcopum sine venia Sanctse Sedis, in potestatem corumdem ordinariorum erit in eum, præserlim si jueril clcricus, animadvertere pœnis et censuris ferendse sententiæ uti violatorem privilegii fori, si id expedire in Domino judicaverint. Colleclanea S. C. de Propaganda fuie, n. 1652.

De soi, ces concessions, surtout la permission donnée par l’ordinaire, ne visaient que les causes civiles, la doctrine commune enseignant que, si l’évêque peut confier au juge laïc une cause civile contre un clerc, il ne le peut une cause criminelle ni une cause spirituelle : non potest [laicus] ex delegalione episcopi causas spirituelles fracture nec excommunicare… Causant autem civilem laicis episcopus commitlere potest. Glose, au mot Præler romanum, c. Benc quidem, dist. XCIY. Cf. Glose, au mot Concedimus, c. Pcrvenil, dist. XCV. Mais les nécessités sociales exigeant plus, on y a pourvu