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FONDAMENTALE OU GENERALE [THEOLOGIE

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ment délimitée. Les différentes conceptions de la théologie fondamentale peuvent se ramener à deux formes principales : théologie improprement dite, théologie proprement dite. — I. L’apologétique rationnelle, théologie fondamentale improprement dite. II. La théologie fondamentale proprement dite. III. Objet intégral de la théologie fondamentale. IV. Conelusicn : justification du nom de théologie fondamentale ou générale.

I. L’apologétique rationnelle, théologie fondamentale IMPROPREMENT DITE. 1° IdclU I ftedlioll

de l’apologétique rationnelle et de la théologie fondamentale. — On peut tout d’abord considérer l’apologétique rationnelle — l’apologétique positive, qu’on a distinguée avec raison de l’apologie, simple défense négative du christianisme — laquelle s’attache à démontrer scientifiquement la crédibilité de la révélation, comme une théologie fondamentale. Cette science est, en effet, fondamentale par rapport à la théologie spéciale, puisque c’est grâce à elle que l’intelligence humaine est amenée à adhérer aux vérités révélées. Pour ce motif, beaucoup d’auteurs ont identifié soit expressément, soit implicitement, théologie fondamentale et apologétique. Ainsi Jungmann, Tractatus de vera religionc, Ratisbonne, 1874, § 3, donne la définition suivante : Theologia generalis ipsa fundamenla fidei ne fontes exquibus verilates crcdendœhauriendæ sunt consliluil et vindicat. Cf. Jansen, Prælectioncs theologiæ fundamentalis, § 20. Schwetz : Theologia fundamentalis ilaque est ea scienliiE rerum divinarum seu theologiæ pars, quæ divinam originem et auclorilatem religionis ehristianæ tanquam unicæ religionis veræ, a Deo per Christum fundalæ et a Spiritu Sancto singulari auxilio fultæ ac rcclæ, crudité, id est, clore, sublililer et systemalice demonstral ac contra adversarios luetiir, neenon theologum, quomodo aliis de utraque persuadeat, instruit. Theologia fundamentalis, Vienne, 1874, p. 2, 3. De ces définitions, où il est dit que la théologie fondamentale démontre ou constitue les fondements de la foi. on doit conclure à l’identité d’une telle théologie et de la démonstration chrétienne et catholique, qui forme l’apologétique rationnelle. C’est l’opinion ici même exprimée par M. Maisonneuve, art. Apologétique, t. i, col. 1514. Tout au plus, dans cette opinion, la théologie fondamentale se distinguerait-elle de l’apologétique, comme l’espèce du genre, comme l’apologétique irénique, expositive, avec laquelle elle ne fait qu’un, se distingue de l’apologétique en général. Cf. t. i, col. 1513. On retrouve la même idée dans Ehrlich, Apologetische Ergànzungen, Prague, 1862, t. i ; Knoll (Albertus a Busano), Inslituliones theologiæ dogmalicæ generalis, Turin, 1853 ; Sprinzl, Manuel de théologie fondamentale, Vienne, 1876 ; Hettinger, Apologie du christianisme, trad. franc., Bar-le-Duc, 1870 ; Hurter, Theologiæ dogmalicæ compendium, Inspruck, 1893, t. i, etc. Voir de Poulpiquet, O. P., L’objet intégral de l’apologétique, Paris, 1912, p. 7-18.

Théologie improprement dite.

En ce cas, la

théologie fondamentale ne pourra plus être spécifiquement une théologie ; elle ne méritera ce nom que par voie d’analogie, c’est-à-dire imparfaitement. Voici les deux raisons principales de cette assertion : 1. L’apologétique n’a point le même objet formel que la théologie proprement dite. — L’objet formel de la théologie, c’est, une fois les vérités révélées bien établies par la théologie positive, d’en déduire les conclusions qu’elles renferment implicitement ou virtuellement, et qu’on appelle pour ce motif les conclusions théologiques : Hœc doclrina, àl saint Thomas, non argumentatur ad sua principia probanda, quæ sunt arliculi fidei, sed ex cis procedit ad aliquid ostendendum. Sum. Iheol., I", q. i, a. 8. Cf. Gardeil, Le donné révélé et la théologie. Paris,

1910, p. 196 sq. Or, l’apologétique a pour objet formel la crédibilité des vérités révélées considérée comme objet de démonstration rationnelle, tille ne saurait donc être spécifiquement une théologie. Ottiger a bien saisi cette difficulté : Nec huic uppell<dioni theologiæ fundamentalis obest, dit-il, quod in hac disciplina nondum ex principiis theologiæ calholicæ propriis sive ex lumine et auctoritate fidei supernaturalis in argumenlatione profteisci nobis licet ; et il la résout en concédant que le nom de théologie ne s’applique que laliori sensu a la théologie fondamentale. Theologia fundamentalis, Fribourg-en-Brisgau, 1897, t. i, p. 15. J. Didiot, Logica supernrduralis (lithog.), 185"), a mis en relief le caractère tout analogique de la théologie fondamentale ainsi conçue : seuls, dit-il en substance, les traités théologiques qui procèdent des principes de la foi comme de leur source et qui s’y éclairent méritent le nom spécifique de théologiques ; les traités, au contraire, qui envisagent ces principes comme un terminus ad quem et non comme un terminus a quo — c’est le cas d’une théologie démonstrative des fondements de la foi — ne peuvent être appelés théologiques qu’analogiquement. Tels sont, lorsqu’on discute avec des hérétiques ou des incrédules, qui n’ont avec nous aucun principe commun de discussion, les traités De vera religione, De Christi Ecclesia, De traditionc et sacra Scriptura, c’est-à-dire les traités qui s’attachent à prouver les préambules de la foi, p. ccxvii-ccxviii. Et dans sa Logique surnaturelle subjective, loc. cit., le même auteur n’accepte ni le terme « fondamentale » , ni le terme « générale » : « Ce qu’on appelle théologie générale, dit-il, n’est point général du tout ; et ce qu’on appelle théologie spéciale n’en dépend point comme les espèces d’un genre. Fondamentale ne vaut guère mieux, attendu que le reste de la théologie n’est ni le développement, ni l’application de cette prétendue théologie générale. »

2. L’apologétique ne comporte pas l’emploi de la méthode théologique. — La méthode de la théologie est en rapport avec son objet formel : elle a été admirablement définie par saint Thomas : Argumenlari ex auctoritate est maxime proprium hujus doclrinæ, eo quod principia hujus doclrinæ per revelalionem habentur. El sic oporlel quod credatur auclorilati eorum quibus revelatio facla est. Nec hoc derogal dignitati hujus doclrinæ ; nom licet locus ab auctoritate quæ fundatur super ralione humana sit inflrmissimus, locus tamen ab auclorilale quæ fundatur super reoelatione divina, est effieacissimus. Sum. iheol., loc. cit., ad 2, lm. Le saint docteur ajoute que la théologie use de la raison et des autorités humaines, mais à titre d’arguments extrinsèques et probables. Si apodictique, en effet, que soit le raisonnement humain dans l’ordre des vérités naturelles, il ne peut être que probable dans l’ordre des vérités surnaturelles. Cf. Gardeil, La notion du lieu théologique, Paris, 1908, p. 46, note : sed tamen sacra doclrina hujusmodi aucloritatibus utitur quasi exlraneis argumenlis cl probabilibus. L’argument d’autorité, s’appuyant sur la révélation elle-même, voilà donc la méthode propre de la théologie. Ajoutons qu’eu égard à l’objet formel de la théologie, la méthode théologique est une méthode déduclive ou synthétique. La méthode de l’apologétique, au contraire, est tout entière dans la démonstration scientifique et rationnelle. Seul, l’argument de raison appartient en propre à l’apologétique : tous les autres lui sont étrangers : elle est plutôt une méthode induclive ou analytique. Cette nouvelle opposition montre que la théologie fondamentale, qu’on identifie avec l’apologétique, n’ayant pas d’objet formel et ne comportant pas une méthode spécifiquement théologiques, ne peut, en conséquence, être appelée théologie que dans un sens analogique. Aussi, pour pouvoir lui conserver quelque caractère